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Alors que la question de la succession de l'actuel locataire d'El-Mouradia
nourrit toutes les conversations, toutes les passions, trois hommes se préparent,
chacun à sa manière, à l'ombre ou en public, à postuler aux plus hautes
destinées du pays. Indépendamment des influences internes et externes, qui
parmi ces hommes a-t-il plus d'atouts pour succéder à Abdelaziz Bouteflika ?
L'autorité est souvent assimilée à un pouvoir devant lequel on s'incline, par crainte ou par respect, sans que son détenteur soit contraint d'employer la force. On la considère aussi aujourd'hui sous l'angle des relations entre personnes. Dans Economie et société, le sociologue allemand, Max Weber, analyse les types d'autorité et de domination qui sont pour lui des formes de légitimation du pouvoir : la forme traditionnelle repose sur le respect sacré des coutumes et de ceux qui détiennent du pouvoir en vertu de la tradition. La forme légale se fonde sur la validité de la loi, établie rationnellement par voie législative ou bureaucratique. La forme charismatique repose sur le dévouement des partisans pour un chef en raison de ses talents exceptionnels. Ces trois types de légitimité/autorité sont dans la réalité juxtaposés et enchevêtrés. Pouvoir traditionnel : le pouvoir s'exerce selon la coutume de l'organisation, selon les traditions. Pouvoir charismatique : le pouvoir s'appuie sur les qualités personnelles du leader (il a tendance à s'affaiblir dans la durée). Pouvoir rationnel légal (bureaucratie) : l'exercice du pouvoir est fixé et encadré par des règles écrites. Qui parmi Said Bouteflika, Ali Benflis et Ahmed Ouyahia dispose de ces trois légitimités pour succéder à l'actuel président ? Pouvoir traditionnel : le pouvoir traditionnel n'est jamais remis en cause dans notre pays. Même avec la crise qui perdure depuis des décennies et le renouvellement de générations, le système de remise en cause ne se met pas en route car le personnel (ou même les managers) n'ont pas les compétences de trouver une meilleure alternative, d'où la légitimité de la coutume. Le changement est difficile dans ce cas car il rencontre des oppositions. Les limites du pouvoir traditionnel sont définies par la coutume et/ou la tradition elles-mêmes. Pouvoir charismatique : le pouvoir charismatique tient sa légitimité dans la capacité du leader à convaincre. Le leader exerce son pouvoir de manière quasi-divine (il a généralement des qualités supérieure à la normale). Il peut s'en servir pour ultérieurement acquérir la légitimité légale. L'étendue du pouvoir charismatique dépend de l'influence exercée par le leader. Pouvoir rationnel légal : le pouvoir ayant été réfléchi par des experts qui s'y sont consacrés, les individus se soumettent à leur réflexion et l'acceptent. La légitimité de ce type de pouvoir s'appuie sur des lois et des règles qui sont impersonnelles (et donc indépendant de la personnalité du leader). Cette forme de pouvoir permet la domination de l'organisation bureaucratique. Le dirigeant a un pouvoir découlant de sa fonction de représentant de l'autorité légale et non pas de sa personnalité (légitimité charismatique). LE FUTUR PRESIDENT ET LA GENERATION FACEBOOK - TWITTER. Outre ces trois légitimités, il faut garder à l'esprit que l'Algérie s'est profondément renouvelée en termes de générations. Le prochain président sera donc celui qui incarnera le courant de la nouvelle génération d'électeurs. Comme cette génération est nouvelle et supplante la génération des votants pour un président populaire, il est malaisé de cerner sa nature, tout juste pouvons-nous la deviner, la sentir, peut-être même la palper. Aimant la politique twittée et les idées extrêmes qui flattent l'individualisme autant que les frustrations, la nouvelle génération d'électeurs est décomplexée. Elle préfère le « clash » dont on ne retient qu'une attitude, une expression, à un discours. Cette génération-là se satisfait de deux ou trois grandes idées qui leur parlent de l'égalité, de la famille, du travail. Le prochain président sera donc un nouveau type d'animal médiatique, un twitter : vif, concis, hâbleur (i.e. une grande gueule) plutôt qu'orateur. Extrémiste plutôt que fin diplomate, il incarnera la colère en mouvement sous forme de quenelles et d'altercations médiatiques. Ses discours tourneront tous, sans exception, autour de deux ou trois idées martelées, d'apparence anti-conventionnelles. LE MONDE PERDU D'OUYAHIA ET DE BENFLIS. Ouyahia et Benflis appartiennent désormais à un monde qui ne signifie rien aux yeux de la jeunesse actuelle. Le monde ou du moins l'espace qu'ils occupent n'a plus de visage aux yeux de la jeunesse actuelle, n'a plus de résonance aux oreilles des citoyens, il a un goût amer. Ils appartiennent désormais à un monde qui ne signifie rien pour cette jeunesse tumultueuse, qui a besoin de vivre dans un monde réel dès maintenant. L'homo politicus est-il capable de détourner la progression de cette mouvance générationnelle, de ce mouvement anti-conventionnel ? La modération, la sagesse, la prudence politique ne sont plus à l'ordre du jour ainsi que les valeurs qui fondent l'homme d'Etat traditionnel, car elles n'incarnent pas le courant d'une génération si décomplexée, si déraisonnée, qu'elle en est venue à préférer l'ouverture tous azimuts, la harga, comme elle se pencherait au-dessus de l'abîme. Chute morale, politique et sociale. Ce n'est pas seulement la chute qui est à craindre, mais la durée de la descente, imperceptible dans les premiers temps mais longue de plusieurs décennies peut-être si un miracle ne viendrait pas bouleverser les tendances en cours. * Professeur en médecine inscrit à l'Ordre national des médecins de Paris, diplômé en économie de la santé et les politiques de la santé, président du mouvement des Algériens de France et membre fondateur de l'union syndicale des étudiants algériens de France. |
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