Daech
n'aime pas l'histoire, celle avec un grand «H», et il le fait savoir. Après
avoir détruit systématiquement toute trace de vie musulmane dans son giron, il
s'est tourné vers les témoins éternels des civilisations qui ont régné, par le
passé, sur la région. Eternels jusqu'à l'avènement de Gog et Magog, version
djihadiste. Avec Daech, le temps est à la péremption des hommes et des pierres.
Ainsi, et après avoir fait flamber une partie du monde musulman et rempli leur
contrat en défigurant l'image de toute une religion, les Daechiens ont trouvé
une nouvelle passion : l'Art. On ne peut pas leur reprocher leur penchant un
peu explosif pour les vestiges historiques irakiens qu'ils ont fini par
déclasser, et définitivement, du patrimoine de l'humanité. Il faut dire que
Daech n'aime pas trop l'art byzantin, et l'art tout court, si ça se trouve, et
on ne peut pas leur reprocher leurs goûts esthétiques non plus. Musée,
bibliothèque et sites archéologiques, les hommes en noir ont fait table rase du
passé, imitant leurs frères Talibans qui ont détruit, en mars 2001, les trois
statues monumentales des Bouddhas de Bâmiyân. En fait, Daech n'a fait que
marcher sur les pas des Américains lorsqu'ils ont annexé l'Irak pour libérer le
peuple de la dictature de Saddam, selon la propagande américaine. Les
Américains ont été les premiers à profaner les trésors culturels quand ils ont
foulé le sol de la Mésopotamie et à se remplir les poches de petits souvenirs
archéologiques. Cette incursion de Daech dans les milieux artistiques a
profondément indigné l'Unesco qui a dénoncé «un crime de guerre». Le mot est
lâché et Daech est catalogué par Irina Bokova, la madame Unesco, comme criminel
de guerre après avoir cassé quelques vieux cailloux tout pourris. Enfin, ce
n'est pas tout à fait ça, mais quand on voit l'indignation d'une organisation
onusienne face à un désastre d'un autre genre, alors que le silence se faisait
général quand on égorgeait les soldats syriens, il y a de quoi se poser des
questions. Quand même, il ne faut pas prendre les gens pour ce qu'ils ne sont
pas et appeler le monde à condamner un viol de statues quand on ferme les yeux
sur le viol des femmes musulmanes en Irak, en Syrie ou en Palestine. On est
amené, malgré nous, à nous interroger sur cette facilité, toute occidentale, à
être choqué quand il ne s'agit pas de nos cadavres, dupliqués à l'infini,
égorgés et mutilés. Des images qu'on relègue aux archives, qu'on oublie pour
passer à une autre actualité. Alors que des milliers d'arabo-musulmans sont
passés à la baïonnette par les créatures des labos des services secrets
occidentaux, on ne trouve pas mieux que de s'indigner parce qu'on a refait le
portrait à une statue fatiguée de se tenir debout depuis la nuit des temps.