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Ali Boumendjel. Une affaire française. Une histoire algérienne. Etude de
Malika Rahal. Editions Barzakh. Alger 2011, 291 pages, 650 dinars
Ali Boumedjel est né le 24 mai 1919 à Relizane, bien loin de la Kabylie d'origine de ses parents (des Beni Menguellet par le père et des Beni Yenni par la mère). Père instituteur ce qui, par avance, prédit un avenir d'homme instruit. Il sera donc avocat. Maître Boumendjel ! Une figure certes discrète mais très engagée de la direction de l'Udma (son grand frère y était déjà), dès 1943 d'abord dans l'Association des amis du Manifeste et de la Liberté, puis en 1946 aux côtés de Ferhat Abbas. Il faisait partie de l'aile radicale, un courant militant dynamique... celui qui envisageait une société réellement républicaine et démocratique (il n'y a qu'à lire ses articles Dans La République algérienne pour s'en convaincre ). Il a été l'avocat des militants du Fln et il a la responsabilité du Collectif des Avocats du Fln (bien que n'en faisant pas partie officiellement)? recrutant beaucoup d'avocats français libéraux Durant le guerre de libération nationale, il fait le lien entre la direction de l'Udma et la direction algéroise du Fln. Dès le début de la Révolution, il était en contact avec Didouche Mourad puis avec Abane Ramdane qui avait été (avec Benkhedda et Dahlab? alors que Lamine Debaghine était maître d'internat), son camarade de classe de lycée. Selon un témoin, il aurait même collaboré directement à l'élaboration de la Plateforme de la Soummam en 1956. Et, avec Mohand Sehli (ami et collègue au sein de l'entreprise Shell qu'il avait intégré pour améliorer son quotidien ) et Abdelmalek Amrani (ingénieur à la Société française de radiodiffusion algérienne, Sfra), il aurait même été chargé de créer une radio nationaliste. Un homme-frontière, selon l'expression de l'auteure ! Il a été, aussi, membre du Conseil mondial de la paix (dont il fut un des fondateurs? mouvement d'intellectuels rapidement identifié comme un mouvement communiste soutenu par l'Urss et les pays socialistes). Arrêté, il est présenté, par la presse, comme une «grosse prise». Il est mort le 23 mars 1957. Les paras de Massu, dont le tristement célèbre criminel de guerre Paul Aussaresses, après l'avoir assurément affreusement torturé durant 43 jours, l'ont «suicidé», en le jetant d'un bâtiment en construction, avenue Clemenceau, à El Biar. René Capitant, son prof' de droit, suspend ses cours en guise de protestation et publie un long article dans l'Express. Jean Daniel, son camarade de lycée à Blida, tout en réaffirmant qu' «il a pris parti pour l'Indépendance de l'Algérie», comme Albert-Paul Lentin, écrit (toujours dans l'Express) que «Ali Boumedjel n'a pu faire qu'une résistance propre».Vercors, écrivain et grand résistant, renvoie sa Légion d'honneur. François Mauriac demande pardon. «C'est l'un des premiers grands scandales liés aux méthodes employées par l'armée française dans la répression en Algérie» (M. Rahal). Bien sûr, le temps a fait son œuvre. Mais la douleur est toujours là. La famille certes. Mais, aussi, la nation tout entière, dont «le passé, le présent et l?héritage et l'avenir étaient la déchirure et la béance». Et, aucune «héroïsation» des défunts ne peut apaiser les déchirements. Trop de blessures hideuses ! L'Auteure : C'est une spécialiste de l'histoire de la colonisation française en Algérie (thèse soutenue en 2007 sur «l'Histoire de l'Udma de Ferhat Abbas). Agrégée d'histoire, elle est actuellement chercheuse au Cnrs (Paris) et collabore avec des Universités étrangères. Avis : Une biographie menée comme on voudrait tant qu'il y en ait, c'est-à-dire complète, détaillée (peut-être un peu trop, mais il le fallait sans doute, pour bien faire revivre les engagements et les souffrances et les douleurs), précise et, surtout, menée avec une rigueur scientifique désormais absolument nécessaire? afin que nos «guerriers» deviennent enfin humains et proches, et re-vivent dans les mémoires? toutes les mémoires. Hélas, les Malika Rahal, on n'en voit pas beaucoup dans nos labos de recherche. Extraits : «Un autre trait de l'historiographie officielle algérienne : la biographie n'y existe que pour les shuhada, les martyrs, et selon les formes figées de l'hagiographie. Il n'est de bons héros que les héros morts, et cette contrainte s'est appliquée (?), imposant des formes rigides et cloisonnées destinées à renforcer une histoire officielle forte et dogmatique «(p 27), «Le martyre et son récit permettent (?) de réunir un destin individuel qui s'achève dans la souffrance, l'humiliation et la mort, et un destin collectif et national» (p 44), «Ali Boumedjel, c'est une façon de parler très importante, qui ne se lit pas dans des livres ou dans des œuvres mais un parcours. C'est une pensée moderne qui devrait être celle de tous les Algériens d'aujourd'hui» (Henri Alleg se confiant à l'auteure, p 155). Les Tamiseurs de sable. Aurès-Nememcha 1954-1959. Récit-Témoignage de Mohamed-Larbi Madaci. Editions Anep, Alger 2011,365 pages,585 dinars. Le roman de la Révolution armée dans les Aurès durant la période la plus délicate, 54-59. Avec ses héros et leurs luttes (parfois fratricides), leur courage et leurs faiblesses? Un ouvrage qui fourmille de détails, peut-être un peu trop, l'essentiel étant enfoui dans l'accessoire, un accessoire que les combattants d'hier considèrent toujours comme essentiel, prenant parfois le pas sur toute autre considération. Difficile pour nous, habitués à une autre manière de lire et même de comprendre, de juger d'aussi loin et plusieurs décennies après. C'est, peut-être, ce qui fait la grande différence entre la pensée scientifique historique et la pensée pragmatique «politique»... cette dernière dominant actuellement . L'auteur nous restitue ? grâce aux témoignages ? moult actions et la vie de figures emblématiques des Aurès-Nemencha durant la guerre de libération nationale . Leurs hauts et leurs bas . Les histoires de tribus... les règlements de comptes? les luttes internes (souvent à base tribales) pour le «pouvoir»? les décisions parfois inopportunes de l' «extérieur», les Ben Boulaid (Mostefa et Omar), Bachir Chihani, Hadj Lakhdar (Abidi), Adjel Adjoul, Abbas Laghrour, Nouaoura, Lazhar Cheriet, Belgacem Grine... avec l'apparition,en «missi dominici» du Cce, du Colonel Amirouche (en septembre 56) chargé d'expliquer les résolutions du Congrès de la Soummam? Un chapitre intéressant au plus point, celui sur la mort de M. Ben Boulaid (21 mars 1956 ), à Nara, un lieu pourtant hautement sécurisé, par le biais d'un poste-émetteur tout neuf «largué» par «erreur» (?) par un avion militaire français, dit-on... et ce, quelques jours à peine après la réunion de Kimmel (13 mars) ; une réunion ayant pour objectifs principaux «l'extinction des motifs de rivalité entre les chefs de zones» (tout particulièrement entre Louardi Guettal et Amor Djebbar) et «l'extension des combats dans les autres régions du pays», L'Auteur : Né à Oran d'une famille originaire des Aurès, M-L Madaci rejoint les rangs de la Révolution à l'âge de 16 ans. Emprisonné en 1957, expulsé? vers la France? il part en Tunisie puis au Etats unis. Biologiste en 1961, il poursuit ses études en médecine après l'Indépendance. Avis : Intéressant pour tous ceux qui aiment l'histoire très «événementielle» et anecdotique, et de proximité. Extrait : «Je crois qu'en ce qui me concerne, le moment est venu de débarrasser l'histoire de l'insurrection dans l'Aurès et les Nemencha de ses mythes» (p 7), «A chaque homme correspond un animal. Il existe des hommes tigres, des hommes renards, des hommes lions?» (p 91). Algerie, 1954-1962. Lettres, carnets et récits des français et des Algériens dans la guerre. Recherche documentaire historique de Benjamin Stora et Tramor Quenemeur. Edif 2000 Editions. Alger 2013, 391 pages, 1 400 DA Raconter l'histoire peut emprunter plusieurs voies. Celle-ci est assez originale : elle raconte l'Algérie de 1954 à 1962 (période de la guerre de libération nationale) à travers des écrits et documents. En fragments? comme dans une sorte de bande dessinée ou de film. Textes courts et clairs. Un peu de tout, de tout un peu. Un livre-objet, qui fait se faufiler le réel dans l'intimité du lecteur, d'où une incroyable effet d'émotion? ou de révolte. En faisant parler les autres, acteurs ou observateurs, soutiens ou ennemis, repentis ou têtus? Bien sûr, l'ouvrage est initialement destiné aux lecteurs français mais, re-édité en Algérie à la faveur du cinquantième anniversaire de l'Indépendance nationale, il concerne aussi les Algériens... qui y retrouveront les traces d'un passé, pour les jeunes, déjà si loin, mais pas encore oublié par les quinquagénaires et plus. Sept parties, allant «De la colonisation à l'insurrection» à «L'Indépendance», en passant par «La rébellion algérienne qui s'organise» (partie, pour nous, la plus parlante, la plus prenante, même si on note que les auteurs insistent un peu trop sur «une guerre civile algérienne» , parlent du combat Fln-Mna, de Melouza?) et «L'enlisement» et «Les déchirements». Un ouvrage documentaire et d'histoire complet ? Pas si sûr, d'autant que les auteurs n'ont pas voulu, certainement, «remuer» trop fort «le couteau dans la plaie» et ont évité d'aller assez loin dans les sujets qui fâchent? les lecteurs d'ici et, surtout, d'ailleurs. Plus de 10 000 insoumis français, 400 objecteurs de conscience, un millier de déserteurs?10 000 morts et 23 000 blessés dans les affrontements Mna et Fln (en France et en Algérie), 1 400 condamnations à mort et 200 exécuttions par ordre du gouvernement français, plus de 2 000 tués par l'Oas, 1 million de rapatriés, dont 60 000 musulmans pro-français (les «harkis»)? Les Auteurs : Tout d'abord, Benjamin Stora, Docteur en Histoire, natif de Constantine (1950? donc 11 ans en 62), enseignant universitaire, spécialisé en Histoire du mouvement national algérien. Un gros lot d'ouvrages déjà publiés. Actuellement directeur du Musée français de la mémoire. Quant à Tramor Quenemeur, Docteur en Histoire, il est, lui aussi, enseignant universitaire. Avis : Un ouvrage d'abord destiné aux lecteurs de France? mais aussi à tous ceux qui aiment? ou haïssent l'Algérie. Des textes, des souvenirs, des correspondances, des photos, des chiffres, une chrono, des documents d'archives? avec les inévitables rappels historiques. Un déroulé implacable de toutes les mémoires, de toutes les déchirures, une pluralité des voix, l'Histoire sous toutes ses dimensions. Mais, aucun chiffre sur le nombre de victimes algériennes de la guerre. Etrange, non ? Pour éviter des polémiques ? A parcourir seulement ! Extraits : «Lorsqu'on avance en âge, la question de savoir d'où l'on vient se fait plus insistante» (p 15), «Les guerres d'hier peuvent devenir des guerres de mémoire d'aujourd'hui, à travers lesquelles les protagonistes et leurs héritiers se disputent le rôle exclusif de victimes et réclament repentance et dédommagement» (p 17), «Demain, c'est l'inconnu de tous les jours. Demain, c'est ce que je ne peux vivre. Demain ou l'avenir, c'est le présent qui n'est pas encore. Le présent, c'est l'avenir du passé. Aujourd'hui, c'est le demain d'hier. Le temps ne serait-il qu'une notion abstraite, construite par notre esprit pour comprendre les choses ?» (Extrait du «journal de prison» de Mustapha Bekkouche, rédigé clandestinement en prison, combattant de l'Aln, exécuté le 2 novembre 1960, p 100), «On mange comme des rois, car nous sommes des tueurs-pilleurs. Rien ne nous manque et la volaille est abondante. On couche dans des lits sur des couffins-sofas magnifiques que l'on fauche dans les villages des bougnoules» (Extrait d'une lettre aux parents d'un jeune appelé du contingent de l'armée coloniale, engagé volontaire dans le corps des fusillés marins, qualifiés de «commandos de la mort», en octobre 1956, p 197), «Une grande partie de l'œuvre de Camus est habitée, hantée, irriguée, par l'histoire cruelle et compliquée qui emportera l'Algérie française. A la fois défenseur de la communauté pied-noire et? Algérien, il adopte cette position de proximité et de distance, de familiarité et d'étrangeté avec la terre algérienne «( p 242) |
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