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Que deviendra la
Grèce sous l'autorité de Alexis Tsipras? Jeune loup très ambitieux et nouvelle
figure de la scène politique grecque, cette étoile filante de la coalition de
gauche radicale «Syriza» s'est rapidement posée en un pion incontournable dans
l'équation européenne et en un personnage haut en couleur dans l'agora des
grands leaders.
En espérant arrêter l'hémorragie de la crise dont pâtit son pays depuis quelques années, il s'est vite attelé, sur la base des promesses électorales sur lesquelles il a été élu, à l'œuvre gigantesque de «booster» l'économie nationale par des voies autres que celles conseillées jusque-là par les institutions européennes. Autrement dit, l'abandon des réformes téléguidées par l'U.E, l'annulation de la dette ou son rééchelonnement afin de boucher le trou de finance creusé par le relâchement fiscal des gouvernements précédents. Mais Tsipras serait capable de convaincre la troïka de ses bonnes intentions? En plus, d'où pourrait-il dégager tous les fonds nécessaires afin de financer ses programmes et, aussi, pour remonter la pente en cas de non-implication de l'U.E dans sa démarche? C'est là que le bât blesse. Et puis, les Grecs seront-ils en mesure de supporter pour longtemps les retombées négatives d'une telle politique audacieuse en se liguant autour de leur jeune chef, pour le bien comme pour le pire? Clef de voûte de «l'utopie de la croissance» pour certains et symbole de la révolte des masses pour d'autres, les credo de Tsipras incarnent en quelque sorte la fin de l'ancien système et le réveil spontané des vœux populaires, écrasés par les interminables desiderata des grandes constellations économiques. En réalité, Berlin et Bruxelles sont présentement sur le qui-vive car il y a péril en la demeure. Merkel ne cache pas sa défiance, Hollande tempère mais n'est sans doute pas d'accord sur le choix athénien tandis que les autres pays européens convergent leurs regards, chacun dans son coin et selon sa vision, vers ce jeune Tsipras, à la fois charmeur, radical et troublant. En Espagne le parti politique «Podemos» créé en janvier 2014 s'en est inspiré et en Irlande, l'alliance anti-austérité, un mouvement d'extrême gauche en a presque calqué ses principes. Le dilemme n'est donc pas facile à résoudre pour les instances européennes : ou bien elles feraient marche arrière sur les politiques impopulaires engagées ces dernières années par les Etats membres de l'U.E en faveur de la grande finance au risque de provoquer partout des révoltes, ou si cette alternative semble peu porteuse à moyen terme sur le plan politique et géostratégique, elles vont à contre-courant de ce à quoi aspire cette nouvelle direction grecque, du reste démocratiquement élue, et par ricochet, les larges pans des couches sociales ayant adopté les mêmes idéaux, ce qui est inacceptable. La fuite de l'électorat dans le refuge des extrêmes, soit à droite ou à gauche n'est-il pas d'ailleurs la résultante du déclin économique de l'Europe suite à la crise des subprimes et la récession qui s'en est suivie? Incontestablement, le parti de la Syriza qui a gravi les marches du pouvoir en cette période cruciale où le baromètre de l'Europe aura viré toutes ses aiguilles à l'austérité pourrait facilement laisser d'indélébiles traces sur la cohésion de l'Union européenne. Sous perfusion des plans de sauvetage de la B.C.E, la Grèce qui est entre les dents de la troïka (U.E, B.C.E, F.M.I) cherche autre chose. Or, alors que le plan d'aide européen arrive à échéance le 28 février, le Conseil européen se prête à se réunir le 12 février en cours pour décider du sort à réserver à son élève studieux qui tend à devenir, magie des urnes aidant, «turbulent», voire rebelle! La Grèce va-t-elle alors sortir du giron de l'Union européenne ou, au contraire, contribuera-t-elle par la dynamique inédite de son nouveau Premier ministre à donner un autre visage, plus reluisant, à la devanture «récessioniste» et défaitiste de l'Europe d'aujourd'hui? En plus, y aura-t-il fléchissement des positions des deux camps, le Conseil européen d'un côté et la Grèce de l'autre? En tout cas, la crainte de fissures dans le corps de l'Union européenne a déjà envahi l'Allemagne et la France lors de la crise chypriote et le risque d'explosion sur fond de contagion poussent les uns et les autres à plus de retenue. En revanche, même avec ses indicateurs au rouge, les Allemands et la B.C.E ne prévoient guère de renégociation de la dette grecque en dehors du cadre des accords existants, c'est-à-dire, le respect du plan de redressement économique et l'application des recettes d'austérité préconisées par eux et le F.M.I. Or, croulant sous le fardeau de 315 milliards d'euros de dettes, soit plus de 175% du P.I.B, la Grèce compte rompre définitivement avec les politiques de rigueur l'ayant entraînée dans la spirale irréversible de la réduction des dépenses publiques, les licenciements des employés de la Fonction publique et la baisse drastique des salaires et des retraites. Le cri grec n'est-il pas, somme toute, le signe d'épuisement social face aux «outputs» de la crise économique? A vrai dire, rien n'est hors de portée des espérances de la masse tant que la combinaison de plusieurs facteurs permet toujours l'émergence du défi. Un défi qui est loin d'être un mythe de Sisyphe dans le cas athénien mais pas tout aussi facile à concrétiser. Quant à savoir si sa durée sera courte ou longue, il suffit de regarder du côté de l'empressement des leaders européens à se démarquer de la démarche de Tsipras. L'Allemagne, qui a déjà pris les devants sur la nécessité de l'austérité pour redresser la barre aux pays défaillants, hésite et la France qui, dans le début du mandat de Hollande, prône de la croissance à l'échelle continentale s'est, elle, résignée à la conjoncture contraignante de la zone euro. Tsipras aura-t-il l'étoffe d'un grand réformateur de la ligne éditoriale de l'U.E? Ou serait-il vite isolé sur l'arène européenne sans autre souvenir que l'inaudible écho de sa révolte ? Wait and see, diraient les Anglais. |
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