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L'Union nationale s'impose après les attentats. Condition nécessaire mais
pas suffisante pour prévenir de nouvelles menaces.
Mercredi dernier, la traditionnelle séance des « questions au gouvernement » s'est transformée en démonstration forte « d'Union nationale ». A la fin de la minute de silence demandée par le président Claude Bartolone, les députés ont entonné ensemble La Marseillaise à l'initiative très spontanée d'un député UMP, Serge Grouard. Les élus parlementaires chantant en chœur l'hymne national à l'Assemblée nationale ? Cela ne s'était pas vu depuis le 11 novembre 1918 ! Les différentes porte-paroles des groupes parlementaires ont ensuit pris la parole pour saluer les victimes, tout en s'interrogeant surtout sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter ou limiter la reproduction de tels attentats. Le Premier ministre, Manuel Valls, a ensuite pris la parole, ovationné par tous les députés à plusieurs reprises. Il a salué la mémoire des victimes, la grande solidarité du peuple français et celle des gouvernements étrangers : « Les soutiens, la solidarité venus du monde entier ne s'y sont pas trompés : c'est bien l'esprit de la France, sa lumière, son message universel, que l'on a voulu abattre. Mais la France est debout ». Il aussi a salué « la magnifique réponse, le magnifique message » envoyé par les députés qui ont chanté La Marseillaise. La très grande participation aux nombreuses manifestations qui se sont déroulés sur tout le territoire a déterminé la volonté de l'ensemble des députés à faire bloc : les manifestants ont « adressé un grand message de responsabilité » au gouvernement et aux parlementaires a reconnu Manuel Valls qui a réaffirmé avec force : « Oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical. La France n'est pas en guerre contre l'islam et les musulmans, a-t-il martelé, la France protégera tous ses concitoyens avec détermination et sang-froid ». FRANÇOIS HOLLANDE TRES MOBILISE François Hollande a été le premier à appeler à cette « Union nationale ». Impressionné, comme toute la classe politique, par l'ampleur des manifestations populaires, « la France, elle a fait face », le Président de la République a constamment appelé à l'unité, « notre meilleure arme » et surtout à une vigilance accrue car le pays « n'en a pas terminé avec les menaces ». « C'est la République toute entière qui a été agressée » : très mobilisé, présent sur le terrain, François Hollande, dans ces jours de crise, a tout piloté, y compris les décisions sécuritaires, comme l'assaut contre les terroristes, décisions prises « en symbiose », insiste l'Elysée, avec Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Il a voulu incarner son rôle de garant de l'unité républicaine : hommages aux victimes, visites aux familles, remerciements au dévouements des forces de l'ordre, réception des principaux partis politiques, vœux aux forces armées sur le porte-avion Charles ?de-Gaulle.., le président a également manifesté dans la rue, fait rare en France, le dernier à l'avoir pratiqué avait été François Mitterrand en 1984 ! Il est vrai qu'il était, dimanche dernier, accompagné Place de la République, d'un nombre important des chefs d'état et de gouvernements étrangers. Les premiers sondages confirment que les Français ont jugé positivement l'action du président. Selon une enquête TNS SOFRES pour le Figaro, publiée le 13 janvier, 29% des personnes interrogées sur «la gestion des événements», jugent «très bonne» l'action de François Hollande, 54% «plutôt bonne», soit 83% d'opinions positives. Mais très faible cote de popularité de François Hollande ne grimpe que de cinq points pour atteindre 20% de confiance seulement (41% pour Manuel Valls). Selon l'enquête Odoxa ?Les Echos parue le lendemain, Près de huit Français sur dix (79 %) estiment ainsi que Hollande mais aussi Manuel Valls ont été à la hauteur des événements actuels. Mais 29 % des sondées seulement jugent positivement son action générale, avec une progression de huit points par rapport à décembre. « Certes, c'est dans son propre camp qu'il a retrouvé du crédit : près de six sympathisants de gauche sur dix (58 %) sont satisfaits de son action, alors qu'il est toujours rejeté par 92 % des électeurs de droite », commente le quotidien. Souvent moqué pour ses hésitations, Hollande a su faire preuve d'une vraie intelligence dans l'appréciation de la situation et d'une rapide détermination dans les réponses. Il a incarné pendant ces jours dramatiques, l'unité nationale, reléguant au second plan les partis politiques de droite, comme de gauche et minorer son principal rival pour les élections de 2017, Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen a tenté de jouer sa propre carte, mais elle n'y a pas réussi. Son parti n'étant pas invité aux différentes manifestations, elle s'est marginalisée en organisant son propre rassemblement, 1000p., à Beaucaire, une petite ville du Gard. François Hollande a également montré que la France n'était pas seule, que ce pays gardait toujours une certaine image et nourrissait de la sympathie et de la solidarité à l'international. La présence des chefs d'état étrangers, l'écho des messages de solidarité de la presse internationale a beaucoup surpris les Français, toujours habitués à dire du mal d'eux-mêmes tout en s'estimant paradoxalement le plus beau pays du monde. « Cette affaire représidentialise de fait l'image de François Hollande, qui en a bien besoin ». Cité par les Echos, un des lieutenants du président veut même croire que « ce sans-faute va mettre dans le jardin des souvenirs les procès intentés par la droite contre la légitimité, la capacité présidentielle de l'homme et la légèreté du pouvoir ». Cela reste à voir, pointe Pierre-Alain Furbury dans le même journal : « au sommet de l'Etat, on sait que « la vie va reprendre » et que les polémiques ne tarderont pas à surgir, notamment sur les moyens de la lutte antiterroriste. Sans compter que les difficultés économiques et sociales de la France demeurent ». COMMENT PARER DE NOUVEAUX ATTENTATS ? Les divisions en effet réapparaitront bien vite et notamment sur les suites à donner à ces double attentat qui a fait dix sept victimes en France. « A une situation exceptionnelle doivent répondre des mesures exceptionnelles. Mais je le dis avec la même force : jamais des mesures d'exception qui dérogeraient au principe du droit et des valeurs », a garanti Manuel Valls, avant d'avancer quelques pistes et propositions : « nous avons aussi amélioré la coopération entre nos services intérieurs et extérieurs (...) même s'il faut faire davantage nos échanges avec les services étrangers, a-t-il annoncé. « Mais il faut aller plus loin, j'ai demandé au ministre de l'intérieur de m'adresser dans les huit jours des propositions de renforcement, a-t-il déclaré, elles devront concerner Internet et les réseaux sociaux qui sont plus que jamais utilisés pour l'embrigadement, la mise en contact et pour le passage à l'acte habituel. » « Les phénomènes de radicalisation se développent en prison, ce n'est pas nouveau », a poursuivi le Premier ministre. Evoquant une mesure expérimentée actuellement à Fleury-Mérogis, Manuel Valls a souhaité que, « avant la fin de l'année (...), la surveillance des détenus considérés comme radicalisés [soit] organisée dans des quartiers spécifiques créés au sein d'établissements pénitentiaires ». Plus facile à annoncer qu'à concrétiser. Tout d'abord, parce que les services de renseignements français surveillent déjà beaucoup les réseaux terroristes et, dans la plus grande discrétion, ont empêché un certain nombre de projets d'attentats similaires. Une hausse des budgets consacrée à ces activités sera certainement décidée. « Depuis des mois, sinon des années, tous les spécialistes prévenaient qu'une telle action allait se produire..., note Jean Guisnel dans Le Point, pour autant, est-il envisageable avec les moyens que la République consacre actuellement aux renseignements intérieur et extérieur - à la louche, un milliard d'euros par an - de dresser un bouclier infranchissable contre des hommes déterminés, organisés et prudents ? La réponse est négative ».Une hausse des crédits suffira-t-elle ? Le mouvement djihadiste en Europe s'organise sur la base de petites cellules autonomes, dormantes, bâties dans la clandestinité avec des militants qui ne se font pas remarquer dans la vie civile jusqu'au moment où ils interviennent avec la plus grande violence : « on mesure bien que l'on ne lutte pas avec un porte-avions ou des chars de combat contre des terroristes français bien de chez nous, formés sur le tas, dirigés à distance et sachant parfaitement jouer « l'adhésion » aux principes républicains, avant de surgir du néant l'arme au poing », poursuit Jean Guisnel. Plus généralement, la question qui interpelle, dans un contexte où 1000 à 1200 jeunes Français sont partis en Irak et en Syrie, et d'autres, peut-être encore plus radicaux, ont décidé de rester pour se joindre à des cellules dormantes : pourquoi des jeunes, souvent de banlieues s'embarquent dans de tels errements ? Des efforts d'éducation civiques sont certainement nécessaires mais la misère sociale de certains quartiers et le racisme ambiant doivent y être également pour beaucoup. « Prendre des mesures exceptionnelles mais ne pas déroger au principe du droit et des valeurs » affirme le 1er Ministre français. Pas aisé, surtout quand certains députés de droite réclame des mesures identiques à celles, anti-démocratiques, prises par Bush après le 11 septembre : un « Patriot Act » à la française, quitte à «restreindre certaines libertés publiques» : «je préfère des mesures qui créent du débat chez vous, les journalistes, au nom du politiquement correct, plutôt que des morts dans la rue», lâche par exemple Patrick Ollier après le discours de Manuel Valls. QUI, DERRIERE CETTE BARBARIE ? «Des héros ont été recrutés et ils ont agi, ils ont promis et sont passés à l'acte à la grande satisfaction des musulmans», déclare dans la vidéo mise en ligne hier sur un site islamiste, l'un des dirigeants d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), Nasser Ben Ali al-Anassi. «Nous, Al-Qaïda dans la péninsule arabique, revendiquons la responsabilité pour cette opération comme vengeance», ajoute-t-il. «Nous tenons à préciser à l'intention de la nation musulmane que ce sont nous qui avons choisi la cible, financé l'opération et recruté son chef». « J'ai été envoyé, moi, Chérif Kouachi, par Al-Qaïda du Yémen », a affirmé ce djihadiste français. Au moment où il entre en contact avec les journalistes, Amedy Coulibaly tient prisonniers une quinzaine de personnes dans une épicerie cachère. Il déclare sans ambages que quatre d'entre elles sont mortes (Yohan Cohen, Yoav Hattab, Philippe Braham et François-Michel Saada) et exige qu'on le mette en contact avec les policiers. Et il affiche ses couleurs : il agit, lui, au nom du groupe armé État islamique (EI). Nouveau facteur d'inquiétudes : les deux principales formations djihadistes, rivales et qui s'opposent parfois militairement en Syrie, en Irak et plus généralement dans le Moyen-Orient sont, semble-t-il capable de réaliser des alliances concrètes pour intervenir en semble en Europe. Inquiétant quand on sait que la France est une cible privilégiée. « Affaire du voile », opérations militaires en Irak, au Mali : dans la hiérarchie des pays à haïr, la France occupe le 1er rang, « elle est perçue comme une ennemi de l'Islam et le plus anti islamiste parmi tous les pays occidentaux » confie un responsable de la DGSE à Jean-Pierre Perrin. « La France prétend être un pays laïc alors que son cœur est plein de haine pour les musulmans » déclarait en aout 2009, Ayman al-Zawahiri, le n°2 d'Al Qaida. « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen et en particulier les méchants et sales Français (?) Tuez-le de n'importe quelle manière ! », menaçait de son côté le 22 novembre dernier, Abou Mohammed Al-Adnani, le porte parole de l'EI. Ce n'est pas fini. |
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