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La transfiguration du banal !

par Abdellatif Bousenane

L'attentat criminel, ignoble et abject qui a visé le journal Charlie Hebdo a pris une dimension planétaire d'une rare excentricité. Deux volets en revanche, l'un spécifique aux sociétés occidentales et l'autre externe concernant la géopolitique, composent inévitablement cet événement qui devient ainsi un artefact méritant une explicitation objective.

Depuis l'attentat du 11 septembre 2001, on n'en a pratiquement pas vu une mobilisation similaire. Les représentants de plus de 50 pays dont plusieurs chefs d'États et gouvernements étaient à la marche de Paris. Pourtant il y a eu entre temps des attentats à Madrid en 2004, d'autres à Londres en 2005 ?etc. Sans évoquer les attentats, massacres et carnages qui ont secoué durant la décennie passée plusieurs pays arabo-musulmans et qui ont coûté la vie à de centaines de milliers de gens. Des pays où la vie, décidément, n'a pas la même valeur que celle des pays dominants. Dès lors, Il y a là une évidente volonté de rendre cet attentat un événement d'une grande ampleur. Peut-on ainsi s'interroger sur l'objectif implicite de cette instrumentalisation ?

LES MUSULMANS SONT VISES :

Cette représentation médiatique et politique, d'une habilité certaine, qu'on a voulu, en effet, donner à cet attentat peut aboutir éventuellement à un concours de surenchères sécuritaires qui peut se traduire par un durcissement d'une législation liberticide visant essentiellement des restrictions de la liberté de circulation, de consciences et de pensée individuel qui peut aller jusqu'à une tentation d'intimidation. Ceci parvient dans un contexte marqué par la remise en question de la présence de l'Islam en terre occidentale soutenue par un certain nombre d'écrivains et intellectuels. Qui, au nom d'une liberté d'expression « sacrée » et sélective, vont jusqu'à pressentir une probable guerre civile ou/et une « déportation » de millions de musulmans hors Europe !

Demander aux musulmans de France, avec une insistance remarquée, de participer massivement dans la marche du dimanche dernier à Paris n'est-elle pas une forme de stigmatisation et d'intimidation voir de soupçon et d'accusation? Seules les coupables essaient de se justifier. Puis, combattre et révoquer un communautarisme « effrayant » et dans le même temps appeler la « communauté » à être présente en force, n'y a-t-il pas là une indéniable objection. A travers ce procédé on assemble par juxtaposition un amalgame mal saint avec une allure de bons sentiments envers des concitoyens d'une religion pas très bien perçue par des cercles médiatiques, politiques et intellectuels qui forment « l'élite dominante ».

Cette dernière fournie, effectivement, un effort considérable dont le but final est la distorsion de ce crime afin de trouver un antagoniste voir un ennemi qui incarne le rôle du méchant loup avec lequel on fait peur aux populations. Mais pour quelle raison en fait? Vouloir trouver un défit et une préoccupation beaucoup plus importante et plus grave que les problèmes socio-économiques et politiques. C'est l'hypothèse la plus plausible. Dans l'histoire de France il y a eu, en réalité, beaucoup d'attentats de ce genre. Jacques Mesrine, « l'ennemi public numéro un » a commis plusieurs attentats et hold-up sanglants pendant 7 années au nom d'un idéal ou une idéologie. Les attentats d'Action-Direct ont fait plusieurs morts dans les années 1980. À cette période l'ennemi était l'idéologie communiste et l'Union Soviétique (URSS). Ce n'est pas pour autant, cependant, qu'on a demandé aux communistes de tous bords de se justifier ou de sortir « en masse » pour dénoncer ces crimes. Comme on n'a pas demandé aux chrétiens de se désolidariser du terroriste chrétien, le norvégiens Anders Behring Breivik, qui a massacré 77 personnes en 2011.

11 SEPTEMBRE BIS ?

Au delà de la barbarie de l'acte qui est condamnable et détestable, et sans sombrer dans une théorie du complot très tentante toutefois très difficile à vérifier. Une chose est sûre, la conséquence de cet événement ne va pas se limiter à l'intérieur des frontières hexagonales. Le ton est déjà donné, et les capitales des grandes puissances de la civilisation dominante ne laissent aucune marge au doute sur leur « détermination », encore et toujours, de combattre le « terrorisme ». Notre artefact, par conséquent, prend la configuration d'une perspective hégémonique et devient ainsi un gigantesque paradigme géopolitique. Mais la question majeure qu'on doit se poser dans ce sens : Cette instrumentalisation justifierait-elle une énième intervention militaire dans un pays arabo-musulman ? Après l'échec de toutes les interventions passées. En Afghanistan, Irak, Libye?etc. Ou peut-on supposer que la perception de « l'échec » et « la réussite » n'a pas toujours le même sens dans le dictionnaire de la géopolitique ? Ainsi donc, on peut raisonner dans cette logique en termes de la théorie du « désordre créateur ».

C'est-à-dire on va choisir d'autres cibles, au nom de la guerre contre le terrorisme, bien évidement, quitte à déstabiliser ou anéantir d'autres pays. Intérêts stratégiques obligent ! Il faut souligner, tout de même, que la chute des prix des hydrocarbures initiée par les puissants de ce monde et cette marche de Paris, démontrent, incontestablement, que la civilisation dominante est toujours aux commandes.

Néanmoins, on est là face à un grand problème de définition. Le synonyme du mot « terroriste » en occident signifie t-il « rebelle » au Moyen Orient et en Afrique du Nord ?

Par conséquent l'exercice est tellement délicat, car le risque pour ces puissances c'est de se retrouver devant une opinion publique interne qui leur demanderait des comptes sur la formation militaire et la fourniture d'armes à ces « rebelles- terroristes ».

Enfin, je pense qu'il s'agit ici d'une véritable tentation de dessiner une nouvelle géopolitique ou un « nouvel ordre mondial » avec « les crayons ensanglantés» des caricaturistes anarchistes qui ont lutté toute leur vie contre l'ordre établi et la pensée dominante. C'est vraiment paradoxal !