
L'attaque
kamikaze ayant ciblé un barrage militaire dans le Nord-Sinaï égyptien, vendredi
dernier, a coûté la vie à une trentaine de soldats. Elle est la plus meurtrière
dans le pays visant les forces de l'ordre depuis que l'armée a destitué, en
juillet 2013, le président islamiste, Mohamed Morsi. Le choc qu'elle a provoqué
en Egypte est immense. Le président Abdelfatah El Sissi a, pour sa part,
convoqué aussitôt après le sanglant attentat une réunion du Haut Commandement
de l'armée pour prendre des «mesures d'urgence sur le terrain». Peu après cette
réunion, la présidence a annoncé qu'El Sissi a promulgué l'état d'urgence pour
trois mois sur une partie du nord et du centre du Sinaï, théâtre d'une activité
terroriste qui va en s'aggravant. Pour le président égyptien qui s'est ensuite
publiquement exprimé, l'attentat terroriste de vendredi et ceux de même nature
qui l'ont précédé procèdent de l'objectif de déstabiliser l'armée égyptienne,
colonne vertébrale de la nation et sont d'inspiration étrangère. Il n'a pas
toutefois explicité qui serait la partie étrangère «inspiratrice». D'autres
mesures ayant été prises par lui, notamment la fermeture dès samedi et jusqu'à
nouvel ordre du terminal frontalier de Rafah, l'unique point de passage vers
Ghaza non contrôlé par Israël ainsi que le report de la reprise au Caire des négociations
indirectes entre Israéliens et Palestiniens, donnent à penser que le président
égyptien a le Hamas palestinien dans son collimateur. El Sissi et les
militaires égyptiens ne portent pas dans leur cœur cette organisation islamiste
palestinienne dont les liens avec leur ennemi mortel, la confrérie des Frères
musulmans égyptiens, ne sont pas un secret pour eux. Depuis leur arrivée au
pouvoir, ils ont pratiquement rompu le rapport avec elle et se sont abstenus de
toute manifestation de solidarité à son égard quand Israël a lancé son
agression militaire contre Ghaza avec l'espoir qu'elle entraînerait sa
destruction. Le Hamas sait qu'il n'a rien à attendre du régime d'El Sissi.
Est-ce pour autant une raison qui le pousserait à la collaboration avec les groupes
terroristes qui combattent en Egypte ce régime comme semble le croire le
président égyptien ? Rien n'est venu démontrer cette collaboration, si ce n'est
que les autorités du Caire en alimentent la suspicion en pointant cycliquement
le Hamas.
De
la suspicion égyptienne à l'encontre de l'organisation islamiste palestinienne,
il en a résulté des mesures qui satisfont pleinement l'Etat sioniste. Elles
justifient en effet, à fortiori, la raison donnée par lui à son agression
militaire contre Ghaza qui est qu'il a cherché à éradiquer une organisation
«terroriste» en lien avec la nébuleuse de même nature, en guerre avec tous les
Etats «modérés» de la région dont l'Egypte bien entendu. En fermant à nouveau
le passage de Rafah et en reportant la reprise des négociations indirectes du
Caire entre Palestiniens et Israéliens, l'Egypte d'El Sissi est allée au-devant
des vœux de l'Etat sioniste. Sous prétexte non prouvé, les Palestiniens de
Ghaza sont à nouveau sous le coup d'un blocus hermétique qui complique et
ralentit l'acheminement des aides internationales humanitaires et la
reconstruction de la bande de Ghaza. L'Egypte a le droit de décréter ce qu'elle
estime contribuer à sa sécurité nationale. Elle se renie toutefois quand elle
prend pour bouc émissaire le Hamas palestinien et, partant, la population
ghazaouie sans faire la preuve de l'implication de la première dans les
attentats terroristes dont le territoire égyptien est le théâtre.