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Les réflexions amères de mon ami Hocine Snoussi sur le «rêve maghrébin
brisé» ne pouvaient pas passer inaperçue, comme des nuages
d'été ou d'une éclaircie automnale. Le grand Maghreb était pour notre génération plus qu'un rêve. Il était un espoir et un objectif. Je me souviens, quand j'étais beaucoup plus jeune, qu'on chantait des éloges de l'Afrique du Nord et du Maghreb, en le considérant comme une entité complémentaire plus tôt que des pays distincts. Le premier président de la république algérienne, Ahmed Benbella, ne cachait pas sa fierté d'être d'origine marocaine. Le roi de la Lybie, Senouci est d'origine algérienne (peut être un parent du Hocine) et " El Moudjahid El Akbar " de la Tunisie, Lahbib Bourguiba, est d'origine Libyenne. Aucun algérien ne peut oublier Messali Hadj et l'Etoile Nord Africain. Les deux noms des leaders arabes que portent des rues de notre capitale sont exclusivement du Maghreb, et les deux sont marocains. Il s'agit du roi Mohamed V, et l'Emir Abdelkrim El Khattabi. D'ailleurs, l'importance du grand Maghreb pour les militants algériens a été confirmée, noir sur blanc, dans le communiqué (Bayane) du Premier novembre. Sur ce plan, je ne peux que partager la peine et les espoirs du pilote moudjahid, qu'était un des pionniers des avions de chasses algériens. Mais, et il y a toujours un mais, j'oserai-dire que je n'approuve pas certaines conclusions .Les problèmes que vit notre région sont loin d'être un accrochage de voisins de palier suite à une bagarre entre leurs enfants, accrochage qui trouverait sa solution en disant simplement que tout le monde est fautif, et personne n'est parfait. Mon ami, aviateur de formation, est le premier à savoir que l'extermination des foyers terroriste dans une zone déterminée n'a rien à voir avec le bombardement de toute la région, comme le tapis américain au Vietnam. En tant que médecin, je dirai qu'un bon traitement exige tout d'abord un bon diagnostic. Nous devons, à mon sens, désigner objectivement le, tous les responsables de la situation malheureuse que nous traversons dans cette région, qui pouvaient et devaient être un exemple à suivre par tout et par tous, notamment dans le monde arabo-musulman. Je mettrai à coté des remarques intéressées, mais pas intéressantes, de certaines personnes de chez nous, qui affichent une " compassion " mitigée ou une sympathie déclarée à la politique du palais royal pour cacher leur mécontentement, justifié ou pas, de notre direction politique. Nous avons vécu cela dans les années 70. Certains amis, soucieux de la situation dans la région, estiment opportun de nous rappeler, avec une bonne volonté estimable, l'exemple de l'Europe, qui a su tourner la page des décennies de conflits sanguinaires pour édifier une structure unitaire qui fait face à la super puissance du nouveau monde. Ils nous indiquent, animés certainement de bonnes intentions, que le socle de l'Europe unifiée fut la réconciliation franco-allemande. Ce raisonnement n'est pas faux, mais il risque de glisser vers un mensonge par omission, comme disent les juristes. La réconciliation " De Galle-Adenauer " ne pouvait se réaliser qu'après, entre autre, l'oublie totale de l'histoire l'Alsace-Lorraine, l'abandon de l'Allemagne de toute revendication territoriale, et la mise hors d'état de nuire des théories de race supérieure et d'espace vitale. Nous devons donc, et sans hypocrisie diplomatique, faire face à la réalité indiquant que le premier responsable du malaise maghrébin n'est pas l'Algérie, ni le peuple marocain, mais c'est le " Mekhzen ". Personne en Algérie n'est maroco-phobe, c'est peut être le contraire. Nous avons une grande estime pour le Maroc et pour le peuple marocain. Nous n'oublierons jamais l'aide et le soutien des peuples voisins. Mais, trop c'est trop. Hier seulement, des informations de plusieurs sources nous rapportent que des citoyens algériens ont été mal traité à l'aéroport du Casablanca, peut être avec l'arrière pensée, maladroite comme d'habitude, que ça va obliger Alger à ordonner l'ouverture des frontières terrestres, fermées, comme tout le monde le sait, suite à un acte amblyope des autorités du pays frère. Dire que c'est le problème du Sahara Occidental qui est à l'origine du malentendu algéro-marocain est une pure fantaisie politicienne. L'image que nous voyons devant nous est celle d'un voisin qui nous regarde avec une vision hautaine. Sa conception de la région est animée d'une boulimie géographique, et une voracité géopolitique. J'avais débattu longuement les problèmes de la région avec des intellectuels marocains, mais l'arrière pensée que j'ai constaté souvent chez certains frères me convainquît que c'était peine perdue. On ne peut pas creuser des puits en mer. Je suis attentivement les commentaires de certains frères, et je m'amuse à repérer la distribution des rôles. La conviction ancrée là bas, suite à une manipulation de longue haleine et de longue date, nous voit, et ils le disent sans détour, comme des batards de l'histoire. " Un état crée par la colonisation française, sans existence historiques ni rendement civilisationnel. Un état cousu main, qui n'a vu le jour qu'en 1963 " (je dis bien 1963). Il est navrant de constater que certains oublient Jugorta et la Kahina, Takafarinas (le guerrier) et Tareq Ibnou Ziad, Ibnou Mouati Zouaoui, Ahmed Bey et L'Emir Abdel Kader, Ben Boulaid, Benmhidi, Didouche et Amirouche, Ben Badis, El Okbi et Malek Bennabi, Ferhat Abbass, Saad Dahleb et Krim, Boussouf, Aït Ahmed et Boumediene et des centaines de chefs historiques qui ont fait trembler la première puissance méditerranéenne. C'est dégoutant de constater que des soi-disant historiens passent sous silence malicieux la raclée reçu par Charles Quint (Charles V) à la baie d'Alger, en octobre 1541, la guerre de 300 ans contre les envahisseurs espagnoles, et les batailles glorieuses de la marine algérienne en méditerranée. Comment voulez vous établir des relations amicales, voire fraternelle et fructueuses, dans de pareilles conditions de mépris opposé par l'autrui, caché souvent par un vernis de politesse hypocrite? Le comportement de nos voisins à notre égard fait revivre des souvenirs que nous voulions enterrées à jamais. Ils nous font rappeler malheureusement l'invasion d'octobre 1963, leur omission de l'attitude solidaire du président Boumediene dans le coup d'état de S'khirate, leur dos tourné au traité du juin 1972, signé à Rabat en présence d'une quarantaine de chefs d'état et de gouvernement africains, avec, en sur plus, les revendications stupides du " Sahara oriental spolié par l'Algérie ! ". Même dans l'affaire du Sahara Occidental, l'Algérie n'a soutenu le Polisario (crée en 1973) qu'en 1975, après l'annonce de partage du Sahara entre le Maroc et la Mauritanie. Quand le roi Hassan II avait proposé à Nairobi, un referendum " qui confirme la conviction (je dis bien? la conviction) qu'a le Maroc pour ses droits au Sahara Occidental. Pour faciliter la tâche au roi, le président Chadli avait déclaré officiellement que c'était " un pas en avant ". Quand le Maroc avait proposé une autonomie du Sahara sous le trône marocain, j'avais écrit que c'est " une proposition courageuse ", bien que je savais, étant président de la commission des affaires étrangères au Sénat, que ça était proposé sous pression de Washington, agacé par l'immobilisme du Palais royal. J'avais exprimé, par écrit, l'espoir de voir cette proposition ajoutée aux deux autres choix (indépendance ou rattachement au Maroc) dans un référendum transparent. J'avais dit que je serais le premier à applaudir. L'agissement de nos voisins nous rappelle l'avortement prémédité de la visite du chef du gouvernement algérien, qui a été conçu par Alger comme une main d'amitié tendue aux frères. On se souvient alors automatiquement du chahut déclenché par des " intrus " dans la salle officielle qui abritait la commémoration de la rencontre de Tanger. C'a été bien orchestré lors du discours d'un autre chef du gouvernement algérien, choisi délibérément pour participer à la commémoration, encore une fois comme une main tendue d'amitié. Tout ça nous rappelle le dernier acte de mépris, qu'était la " clémence !!" judiciaire à l'égard de celui qui a insulté les couleurs nationales algériennes hissées sur notre consulat, bien qu'il fût sous la protection de la police marocaine. La liste est malheureusement très longue. Si je me trouve dans l'obligation d'étaler ces reproches c'est parce que j'estime, toujours en tant que médecin, qu'une plaie infectée ne serai jamais bien cicatrisée. Je dirai à mon ami Hocine, tout en saluant ses nobles sentiments, que nous ne sommes pas les premiers responsables du " rêve brisé ". J'ajouterai à qui veux l'entendre là bas, que ce n'est pas trop tard pour bien soigner la plaie, c'est le seul moyen pour éviter une éventuelle septicémie générale. * Docteur en médecine |
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