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Faut-il dissoudre l'APN ?

par Cherif Ali *

Le peuple pourra, le temps du déroulement de la Coupe du monde de football, oublier que son parlement est rempli d'estomacs inutiles, aux poches sans fond. (Kamel Daoud).

Vous l'aurez compris, le sujet qui va être évoqué concerne les députés et surtout leur avenir. Le Président de la République, à peine investi, pour un 4ème mandat que certains se demandent, déjà, ce qu'il attend pour dissoudre cette assemblée Populaire Nationale ; mais en a-t-il seulement le pouvoir sur le plan purement juridique ?

Avant toute réponse, autorisons-nous ce petit retour en arrière, plus précisément ce 4 janvier 1992 et cette " dissolution de l'APN ", présidée, alors, par Abdelaziz Belkhadem. Une polémique est née de cette période, amenant certains à dire, qu'en fait l'assemblée nationale n'a jamais été dissoute, d'autres affirmant le contraire, qu'elle l'a été, pour empêcher le président de l'APN " connu pour ses supposées accointances islamistes ", d'accéder, même temporairement, à El-Mouradia. Bref, le mystère demeure et à ce jour la vérité est loin d'être établie, d'autant plus que le livre de mémoires du défunt président de la République Chadli Bendjedid et de la polémique qui en a découlée entre l'éditeur et les journalistes d'El-Chourouk, qui auraient pris connaissance des " bonnes feuilles ", n'a pas clarifié la question : " y-a-t-il eu, ou pas, dissolution de l'APN " ?

Cette parenthèse fermée, le président de la République, peut, légalement, dissoudre l'APN ; c'est le seul, d'ailleurs, qui possède les prérogatives de dissoudre ou de convoquer une élection législative anticipée, selon la constitution.

L'article 129 de celle-ci, stipule que " le président de la République, peut décider de la dissolution de l'Assemblée Populaire Nationale ou d'élections législatives anticipées, après consultations du président de l'APN, du président du Conseil de la Nation et du Premier Ministre ". Et même dans ce cas, il est précisé que cette dissolution n'est rendue possible que " si les agissements de la majorité sont en contradiction avec la constitution et les lois de la République ".

En fait, dans la pratique, personne ne pourrait s'opposer à la volonté du président de la République, s'il venait à décider de dissoudre l'APN.

C'est dans ce contexte, d'ailleurs, qu'il faut inscrire la demande du président du MPA qui revendique, haut et fort, la tenue d'élections législatives anticipées, après la révision constitutionnelle.

S'inscrivant dans la même démarche, la présidente du Parti des Travailleurs souhaite, elle aussi, et avec véhémence, la dissolution de l'APN qu'elle qualifie " d'illégitime " de " produit de la fraude " ; à la différence d'Amara Benyounes, elle l'a veut tout de suite, déniant aux députés actuels " qui ont acheté des consciences " dit-elle, la capacité intellectuelle et politique de voter la constitution révisée.

Certains analystes voient dans cette agitation, menée principalement par ces deux chefs de partis, missionnés affirment certains, une façon de donner au Président de la République, le bon prétexte pour dissoudre l'APN.

Et les arguments du duo semblent tenir la route :

1. Il est impératif d'organiser des élections législatives anticipées, après la révision de la constitution, afin d'adapter les institutions de l'Etat, dont les deux chambres du parlement, à la nouvelle loi fondamentale du pays

2. Il faut mettre en adéquation la loi constitutionnelle et le nouveau découpage territorial,

3. Il faut aussi résoudre cette question qui taraude beaucoup de monde et qui concerne l'utilité du Sénat, dans sa forme actuelle ; même le Président de la République, semble-t-il, est convaincu de l'inutilité de cette deuxième chambre?qualifiée de " cimetière des éléphants " par certaines mauvaises langues désespérées de ne pas être choisies pour siéger dans le tiers présidentiel

Mais, voilà, le son de cloche est perçu, différemment, chez les partis de la majorité FLN-RND, notamment.

Ils se sont exprimés sur le sujet et ont fait état de leurs réserves : " ils s'opposent à toute dissolution de l'APN, sauf si le texte fondamental du pays fait l'objet d'une révision profonde ".

Alors, faut-il, ou pas, dissoudre l'Assemblée Populaire Nationale ?

Abdelmalek Sellal exclut des élections législatives anticipées, tout en rappelant que " seul le Président de la République dispose de cette prérogative " ; il ne croit pas si bien dire, même si en même temps il défonce des portes ouvertes : Abdelaziz Bouteflika est le maître du jeu ; s'il a choisi de renforcer le rôle du parlement dans le projet portant sur la révision de la constitution, c'est qu'il a déjà en tête les bonnes personnes à même de le mettre en œuvre et de le porter dans l'hémicycle !

Non, il ne faut pas dissoudre, répondront d'emblée, et comme un seul homme, les 221 députés du FLN et les 70 autres du RND.

Sous aucun prétexte, ils ne se feront " Hara-kiri " et abandonneront leur statut, en or, qu'ils ont arraché avec leurs dents ! Et l'immunité qui permet à un certain nombre d'entre eux de se placer au dessus des lois de la République.

Non, car de toute façon, la " Chkara " et le " nomadisme politique " invoqués comme arguments à charge continueront, toujours, à avoir cours et droit de cité, nonobstant les mesures réglementaires votées lors de cette dernière législature par ces mêmes députés si décriés.

Que n'ont-ils essuyé depuis, ces députés, comme insultes et autres quolibets :

1. leur institution, noble au demeurant, a été affublée du qualificatif de " chambre d'enregistrement ".

2. leurs rares demandes de commissions d'enquête ont fait " plouf " et ont été avortées dans l'œuf.

3. ils ont été filmés par la télévision qui somnolant, qui ânonnant un texte, qui vociférant, bref dans tous leurs états et en peine perdue.

4. on s'est même gaussé, à force d'entendre certains d'entre-eux avouer qu'ils n'ont jamais ouvert de livre ou encore d'autres, plus hardis, qui soutenaient mordicus, qu'ils ne lisaient que le livre des livres, le saint Coran et enfin certains avouant qu'ils ne souvenaient plus de l'auteur du livre qu'ils viennent tout juste de terminer de lire.

5. ils ont tout enduré pour garder leur siège et leur confort, dans la résidence d'Etat où quelques uns d'entre-eux viennent à peine d'installer leur deuxième épouse

6. ils ont bataillé pour bénéficier d'un passeport diplomatique, en vain.

7. ils ont refusé d'installer des permanences dans leur circonscription malgré les budgets qui leur ont été alloués.

Qu'est-ce qui a pris Louisa Hanoun et Amara Benyounes qui, même s'ils divergent sur les raisons qui les motivent à soulever, sans cesse, les revendications inhérentes à la dissolution de l'APN pour venir encore les harceler et presque atteindre le but qu'ils se sont assignés : faire passer à la trappe ce parlement honni !

Y arriveront-ils ?

A priori oui, dès lors que la dissolution est, comme on dit, dans l'air et les nouvelles données, amendements constitutionnels et nouveau découpage territorial rendent cette perspective plus que possible.

Oui, puisque les affirmations du président du MPA, proche du cercle présidentiel dit-on, reposent sur un enjeu qui consisterait à dessiner une nouvelle majorité parlementaire sur laquelle se reposerait, à l'avenir, le président de la République qui tiendrait à parachever ses réformes politiques.

Oui, et cela passerait, inéluctablement, par l'éviction des députés " border line " et la mort politique de beaucoup de responsables, des éléphants, qui pensaient avoir fait l'essentiel en soutenant, à corps et à cris, le 4ème mandat d'Abdelaziz Bouteflika.

Non, selon quelques observateurs qui recherchent le pourquoi de toute cette agitation autour de ceux qui, sans qu'ils soient forcés, ont votés en masse, le plan d'action du gouvernement avec la main bien levée.

Pourquoi dissoudre cette assemblée qui s'est appliquée durant trois jours de débat sur le plan du gouvernement, à dire une chose et son contraire, avec parfois des interventions plus qu'hostiles de la part de ses membres parmi les plus belliqueux mais qui, en final, donne le quitus au Premier Ministre ; elle l'autorise même à introduire toute la souplesse voulue à la règle 51/49 qu'elle considérait comme " une ligne rouge à ne pas franchir ".

Et leurs collègues du Sénat, à coup sûr en feront autant, entre deux ou trois bâillements synchronisés, nonobstant l'opposition de leurs pairs, les deux sénateurs du FFS qui sans aller à voter contre le plan du gouvernement, s'abstiendront et c'est toujours ça !

Alors, faut-il absolument dissoudre l'APN ?

Oui, semble-t-il, car provoquer des nouvelles élections législatives anticipées servirait, déjà à débarrasser le parlement de ces députés du RND dont le poids n'est plus le même sur l'échiquier politique, depuis le départ d'Ahmed Ouyahia.

Oui, il faut dissoudre parce que le moment est venu de mettre le FLN au musée pour au moins préserver ce qui lui reste de crédibilité car il est le patrimoine commun des algériens et non pas le fond de commerce auquel l'on réduit certains qui ont fait carrière et fortune grâce à lui et le fameux article 120.

Oui, il faut dissoudre cette APN qui a perdu un de ses fers de lance, le truculent et non moins courageux, Noureddine Aït-Hamouda, qui, pour le moins, n'avait pas sa langue dans sa poche.

Oui, il faut dissoudre cette APN dont ne veut plus Mustapha Bouchachi, qui a démissionné, dernièrement, déçu de ne pas avoir trouvé une tribune pour défendre les électeurs qui lui ont confié mandat ; il a renoncé au salaire mirobolant de député et a osé faire un sursaut digne d'un homme intègre, choqué par " la transgression flagrante de la loi par certains élus qui ignorent les lois de la République, y compris celle régissant leur propre institution et qui n'ont pas eu le courage de voter des propositions de mise en place de commissions d'enquêtes indépendantes ".

Oui, il faut aller vers des élections législatives anticipées a dit madame Zohra Drif Bitat, moudjahida et sénatrice, qui dit " parler avec sincérité et honnêteté et n'être mue que par ce qu'elle croit bon pour le pays ".

Oui, l'APN sera, certainement, dissoute pour permettre l'émergence de nouveaux députés eux-mêmes issus de partis neufs d'où, sortiraient les dirigeants politiques de demain.

Pendant ce temps-là, les partis dits de l'opposition qui ne partagent même pas le moindre dénominateur commun s'égarent dans des combats d'arrière-garde comme celui exigeant la mise en place d'une période de transition.

Pour avoir osé ce compagnonnage douteux avec les chefs d'une organisation intégriste, sans en référer à leur base, ils ne parleront, désormais, qu'en leur propre nom.

La dignité des algériens sera l'affaire d'autres hommes et d'autres femmes moins sujettes aux jeux d'appareils, de nouvelles générations d'hommes imprévus, absous de nos croyances, exonérés de nos illusions, libérés de nos naïvetés, affranchis de nos connivences et nos mortelles ambitions et vierges de nos lâchetés. (*)

Aujourd'hui, le seul combat qui vaille, consiste à proposer au peuple algérien une alternative en 2019 sachant que les élections se sont, bel et bien, déroulées le 17 avril 2014 et qu'elles ont données lieu à l'élection d'Abdelaziz Bouteflika avec, certes, une abstention record du corps électoral.

Et là, tout le personnel politique en a pris pour son grade et la leçon à retenir est celle consistant à prendre garde des réactions du peuple qui feint d'ignorer " la chose politique " mais qui, en fait, sait présenter " l'ardoise " au moment opportun et se fait payer cash.

En attendant et à l'entame de ce mondial de football, les seules questions qui le turlupinent, en plus du ramadhan qui pointe son nez, tournent autour des " Fennecs " :

1. qui de M'bolhi ou Zemamouche garderait les buts de l'EN ?

2. qui de Mostefa ou Mendy serait titularisé au flanc droit ?

3. qui serait à la pointe de l'attaque, Slimani ou Ghiles ?

Tahmi, Khomri, Mokri, Naïma Salhi, Benbitour, Soufiane Djillali, Hachemi Sahnouni, Ghozali ou encore Benflis peuvent-ils, pour le moins, l'éclairer sur ces interrogations ?

(*) : «La terrible trahison des clercs démocrates»