|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'espérance de vie humaine, à l'aube de la R.A.D.P, ne dépassait guère
les cinquante huit ans. Le tribut versé à la révolution expliquait
partiellement l'âge jeune de cette population.
Appartenir à la frange des plus de trente cinq ans était vieux. Sous d'autres cieux c'est l'âge ou l'on se résout enfin à se poser la question, quoi faire dans sa vie. Aujourd'hui ce même vieux s'il vit encore, est encore plus vieux. A croire que notre citoyen d'aujourd'hui n'a droit qu'à être vieux. Il n'a pas eu de jeunesse. Le moins de trente ans ignorait sa jeunesse. L'état des lieux était qu'à la faveur de l'analphabétisme dominant (95% de la population), la normalité autorisait l'illettrisme à gouverner. Administrer et gérer un pays de plus de deux millions trois cent quatre vint milles kilomètres carrés avec une population de moins de dix millions d'habitants n'exigeaient aucun niveau ni connaissance académique préalable. Le seul niveau requis était le degré d'appartenance à la " constante révolutionnaire ". L'homogénéité humaine et sociale des cités et villes urbaines et rurales favorisait ce mode de fonctionnement " citoyen ". Ni libéralisme, ni socialisme ni même patriotisme ne caractérisaient le mode de gouvernance puisque celle-ci était absente. C'était le règne de l'autoritarisme fondé sur l'unicité de la pensée où le scrutin uninominal était consacré et admis par trépas d'alternative. La pensée unique s'imposait comme régulateur de toutes formes d'organisation de société et comme moyen de promotion sociale. L'art d'éluder les griefs modernisant hérités de la révolution déboucha sur la pénétration d'une autocratie cultivant le mythe de la violence " révolutionnaire " et l'égarement patriotique au détriment de l'intérêt du peuple. Cette autocratie fondait son ancrage sur la chasse au " réactionnaire ", sur la délation, sur le rejet de la propriété même celle d'un bain ou café maures, sur les antagonismes et rivalités culturels ainsi que sur les clivages intellectuels et sur la destruction et reconversion des bibliothèques, des équipements urbains ouvragés et architecturaux, autrement dit sur la ruralisation de nos villes et le formatage des consciences. C'était l'ère des " magasins pilotes socialistes ". L'antre du savoir était suspect. C'était le temps zéro, le début d'une ère nouvelle. Un contexte opportun pour donner naissance à un jeunisme qui laissait croire aux moins de vingt ans qu'ils représentaient la postérité du pays. La promotion de ce jeunisme croyant et candide ne se justifiait ni par compatibilité idéologique, ni par la règle du mérite professionnel, du savoir scientifique, culturel, social et politique mais par la cooptation et l'allégeance mues par les mamelles " dollariennes " de la rente injustifiée. Comme quoi, la médiocrité singulière de la gouvernance trouvait déjà son école dans ce jeunisme sans vertu ni référence. Pour cela il ne fallait surtout pas promouvoir l'intelligence ou s'aventurer vers l'ouverture et la modernisation du champ politique. Cet espace était réservé. L'éloquence servante mais sans idéologie devenait un signe d'alliances. Ce jeunisme obturé naissant, se substituant à la jeunesse, s'évertuait à revendiquer la protection et le gardiennage de cette autocratie à pensée unique en se faisant le garant de son confort politique et matériel. Il donnait naissance à un héritage organiquement dévastateur pour les futures générations. L'allégresse post indépendance devenait l'hypnose facilitant l'accès à la promotion matérielle et au poste politique. Cette euphorie ne permettait aucun questionnement sur l'opportunité de l'acte politique ou de gestion. Elle occultait la capacité rationnelle de résoudre les problèmes de la collectivité, pour justifier le tremplin à l'exercice du pouvoir par le jeunisme. S'y prêtant volontiers à tisser des réseaux, sacrifiant toute notion de générations, entretenant le siècle qui se pointait, Jouant sur les quiproquos circonstanciés, ce jeunisme sans se poser de questions, faisait dans la décrépitude d'où ses héritiers ne sortiront jamais. Rien n'était choquant. Il promulguait la préoccupation générale mais néanmoins paradoxale, celle où tout restait à construire. Bâtir sans projet, quelque en soit la nature de l'ouvrage (Engineering, social, industriel et économique), devenait à la portée de chacun puisque tout s'achetait, s'importait études en mains, ouvrage en mains, clés en mains, produit en mains, service en mains, maintenance en mains et même finances en mains. La voie de la facilité et de la paresse intellectuelle était à son sens la méthode idoine. Par l'éloquence de masse, par la rhétorique inquisitoire, par Le discours inversement proportionnel au fait, il apprivoisait l'allégeance, facteur de réussite et de gouvernance. Ce jeunisme d'apparence monolithique s'est érigé en champion dans tout ce qui est le plus grand au monde, la meilleure usine au monde, la meilleure chartre au monde, la meilleure révolution agraire au monde, la meilleure médecine au monde, le meilleur enseignement au monde, le meilleur gestionnaire au monde, le meilleur syndicat au monde, le meilleur suffrage au monde,?. Le meilleur paradis au monde. Le meilleur pétrole au monde est encore disponible, Dieu soit loué. Qu'en est-il aujourd'hui, cinquante plus tard ? Le malade court après la prise en charge pour se soigner ; la terre est restituée à son propriétaire initial ; La pomme de terre et d'autres légumes jadis exportés sont importés. Les fruits jadis exportés sont importés ; La chartre est balayé par un pluralisme enfantin ; les usines sont soit liquidées soit sujettes à la privatisation ; les autres pour des raisons de procèss obsolescent, sont à l'arrêt ; la maintenance est inconnue ; le salaire du gestionnaire est multiplié sans qu'il assume la responsabilité en reléguant la productivité à d'autres ; l'enseignant a perdu la noblesse qui le singularisait ; il a pris en otage l'enfant élève en consacrant l'annualité de la grève sans égard pour le niveau de l'élève; il s'est découvert une inaptitude supplémentaire généralisée en consacrant une pièce de son appartement pour des cours parallèles à 2 000 DA la séance ; le nombre de syndicat s'est multiplié en fonctions des humeurs et bientôt un syndicat dans chaque foyer familial ; le papa, la maman, le garçon et la fille ne s'entendent plus ; Ceux, trouvant le jeunisme indigeste, ont pris un billet aller simple pour exercer ailleurs leurs aptitudes. Les bureaux d'expertise, d'études, de communications sont partout et à la mode ; tout le monde est expert en quelque chose y compris en théologie; les autres métiers, la maçonnerie, le bâtiment, la route, la mécanique, la plomberie, l'électricité, la menuiserie ?.. , l'artisanat, deviennent dévalorisants. L'appel aux coopérants est inscrit comme une variante. Le pétrole, lui, est encore là. Des décennies distinctes mais aux mêmes émanations humaines procréation de ce même jeunisme d'antan, libèrent le pour et le contre, tous deux ni salvateurs ni salutaires. Comparable à un nucléide sociétal de période très longue, ce jeunisme s'est professionnalisé dans l'art d'absorber et d'annihiler les espoirs cadrés par une pléthore de diplômes inopérants et sans lendemain. Par ses réformes à profusion, l'université s'est spécialisée dans la production du désespoir et de la clochardisation intellectuelle infectieuse. La culture, la sagesse et les bons usages ont disparu. Le Génie et l'intelligence sont affectés par son virus intracellulaire à propagation rapide. Non pas qu'il a survécu, mais la société actuelle porte l'ADN du jeunisme. Son pouvoir enzymatique a pris le dessus sur le cheminement de l'initiative, du savoir et du discours rationnel. La dynamique du jeunisme ne s'apparente aucunement à celle de la jeunesse. La distorsion est apparue mais le virus ne meurt pas. Ses méthodes d'un autre âge sont caressées comme l'augure salutaire. Le jeunisme est à la recherche de cette volonté de renouer avec l'engouement pour une jeunesse abandonnée aux dépens de son temps. Le salut est que la jeunesse s'émancipe en restituant le jeunisme à l'histoire ; que l'histoire se fasse. Que le regard de cette jeunesse s'imprègne du lointain proche ; qu'elle bannisse le regard rétro inculte ; qu'elle s'admire et se découvre dans la brillance éternelle du soleil, de la vertu et du juste menant vers le salut. La connaissance par l'ignorance est le fruit de l'illusoire. C'était la chimère du jeunisme. La réconciliation avec la qualité de l'homme contemporain, avec la beauté et la force de créer sont l'authentique réforme tant recherchée et qui permettrait d'extraire ce jeunisme de l'assistanat hérité et improductif. Réformer c'est faire admettre qu'une jeunesse n'est pas jeunisme. Etre jeune n'est ni érudit, ni savant ni même expert. La Jeunesse n'est pas " illustration " politique ni slogan de campagne ni même cet opportunisme approbateur ou dénégateur. La politique n'est ni un métier ni un privilège mais une vocation d'exception et sans prétention, non lucrative au service de l'intérêt général, ciselée par la maturité des années. C'est l'émanation d'une anxiété militante, servante sans être servie. Etre jeune n'est pas nécessairement vocation de Député, Sénateur, Ministre ou Imam mais Devoir et Dévouement. L'exception n'est ni règle ni loi encore moins un droit. Le printemps n'est qu'une saison mais le temps est éternel et la vie est très courte. Accepter que quelque chose change c'est aussi accepter le mérite du changement. |
|