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LES COLOMBES DU
PRESIDENT, SUIVI DE LA NUIT LE JOUR.Nouvelles de Achour Cheurfi. Editions
Dalimen, 150 pages, 500 dinars, Alger 2012
Décidemment, Achour Cheurfi n'arrête pas de nous étonner. Journaliste d'abord (spécialisé en Culture), auteur d'un grand nombre d'ouvrages encyclopédiques et documentaires, poète aussi? dans une autre vie, il a publié, en 2012, un ouvrage comprenant plusieurs nouvelles. Des anciennes et des nouvelles. Les huit premières datant des années 80, les six nouvelles plus récentes. Donc, indubitablement de valeur inégale, les périodes ne se ressemblant pas. L'auteur le reconnaît. La première période est le moment de la réflexion sur un vécu vieillissant, lassant et sur l'espoir de quelque chose qui viendrait tout bousculer. Avec une écriture faite de recherches... pour pouvoir dire ce qui, dans une société qui voyait l'intelligence et la créativité combattues, ne pouvait être écrit que difficilement. On sent encore le poète et l'apprenti-philosophe bien présent. La preuve ! Aucun éditeur en vue. La seconde période voit une écriture bien plus libérée, plus directe, liée étroitement aux réalités du moment. On sent le journaliste bien présent. Avis : Une belle couverture avec une belle colombe blanche comme l'aiment les présidents? et un titre qui attire... ou non. Tout dépend ! Une couverture plus neutre et un titre plus clair auraient accroché bien plus. Extraits : «Bien plus qu'on ne le pense, les petites choses de la vie quotidienne s'accumulent, s'autonomisent et, dans le moule du temps qui nous façonne, elles prennent leur propre sens» (p 20), «Le pire ennemi de l'homme, c'est toujours l'homme » (p 61) JOURNAL. Oeuvre mémorielle de Mouloud Feraoun. Enag Editions, 550 pages, 550 dinars, Alger 2011 Christiane Achour, qui a présenté l'œuvre, le dit d'emblée : «S'il est un texte de Mouloud Feraoun bien délicat à présenter, c'est bien celui du Journal... Il heurte et bouscule ceux qui le lisent». Pour sûr ! Car, on est bien loin de l'homme de lettres déjà connu et reconnu pour sa production cohérente et dont bien des parties sont reprises , aujourd'hui, dans les manuels scolaires, servant des objectifs pédagogiques, littéraires, de traduction, d'explication? Le fils du pauvre, La Terre et le Sang, Jours de Kabylie, Les Chemins qui montent? et bien d'autres. On est bien loin de l'auteur, admirateur de Camus et de Henri Alleg («Ce garçon, il faut lui tirer son chapeau? un héros digne d'admiration»), et ami de Roblès, concentré, sur le vers et la prose? et la beauté de la Kabylie. C'est un journal sur la guerre. Tout le reste passe au second plan. Tenu du 1er novembre 1955, à 18 h 30 au 14 mars 1962. Presque au jour le jour,... avec quelques «récréations» forcées ou/et volontaires .La peine, la lassitude, le désespoir? Il y avait de quoi. Un journal sur la guerre, «l'élément central unificateur» selon Christina Achour qui présente l'ouvrage. D'ailleurs, au fil des jours et des évènements, on monte en puissance avec l'auteur qui, on le sent, bien que se contenant en raison de son naturel pacifique et pacifiste, et connaissant bien les périls encourus, face à une répression de plus en plus aveugle et meurtrière, aux réquisitions, aux exécutions sommaires, aux interdits, aux rafles, aux insultes, aux vols et aux viols, aux humiliations quotidiennes, est au bord de l'ex (-im) plosion. A défaut de rejoindre le maquis, il se sert de sa plume pour coucher dans son Journal (avec tous les risques, étant donné les descentes surprises et les perquisitions multiples), sa colère, sa douleur, et toutes les meurtrissures de la Kabylie. Une «méditation de soi à soi» pour échapper quelque peu à l'horreur et à la folie. Aujourd'hui, grâce à ses écrits, et en les lisant calmement, en se concentrant sur l'esprit et non sur la lettre telle que présentée, on revit pleinement, «de l'intérieur», à chaud, malgré des périodes non «couvertes», le combat et les drames quotidiens des Algériens pour leur liberté et l'indépendance du pays. De l'Histoire... toute chaude, avec des détails et des détails? et des noms, et des initiales dont on devine parfois les propriétaires? De l'Histoire, hélas, bien meurtrière. On a même quelques timides (mais bien justes) projections sur la gouvernance de l'Algérie indépendante Il fut lui-même assassiné par les ultras de l'OAS le 15 mars 1962. Son Journal se termine le 14. Avis : A lire pour, surtout, s'imprégner des atmosphères et des sentiments profonds, enfouis, lors des périodes révolutionnaires, chez les gens «partagés». Trop bons pour accepter la violence. Trop humains pour supporter l'injustice. Extraits : «Le pays se réveille aveuglé par la colère et plein de pressentiments ; une force confuse monte en lui doucement. Il est tout effrayé encore mais bientôt il en aura pleinement conscience. Alors, il s'en servira et demandera des comptes à ceux qui ont prolongé son sommeil» (p 24), «Celui qui cède par la force cède à contre-coeur et le jour où cette force cessera d'exister, on pourra reprendre ce qu'on a cédé» (p 131), «Maintenant, le décor est tout autre : il ne nous intéresse plus et nous passons sans voir les Européens, ce monde à part qui n'a plus rien de commun avec le nôtre. Nous savons qu'à leurs yeux, nous sommes parés de toutes sortes de défauts, mais ils savent, eux aussi, qu'à nos yeux, ils ont perdu toutes les qualités que nous croyions leur découvrir et qu'ils croyaient avoir» (p 248), «Il n'y aura pas d'arrangement du tout car ce ne serait rien d'autre qu'une trahison. Personne ne veut plus trahir les morts et les morts sont tombés pour la liberté. Autant mourir comme eux que de se dire, plus tard, ils sont morts en vain» (p264), «Bien souvent d'ailleurs, le malade ne trouve de soulagement qu'aux seuls remèdes qui peuvent l'achever» (p 425) L'EXIL FECOND. Roman de Kamel Bouchama. Juba Editions, 243 pages, 500 dinars, Alger 2011 Bien sûr, l'auteur n'est pas assez sot pour se servir des humains pour conter l'inhumanité de la jungle humaine, pour «dénoncer un monde fait d'hypocrisie, de corruption, de népotisme et de déception?». Il a préféré, et il a grandement raison, tenant compte des dangers des rancunes et des haines, toujours tenaces chez nous, se servir d'animaux «pour instruire les hommes». Vaste (et malin) programme ! Et, nous voilà partis pour un long voyage, en dehors du pays, en compagnie d'une mouche harraga (hébergée, à partir du Salon d'honneur, s'il vous plaît, dans une boîte d'allumettes) qui raconte son expérience du monde, de son monde d'animaux. Toute la faune y passe, du roi-lion et du tigre haut-gradé donc craint malgré tout, à la mouche, toujours là où il ne faut pas, en passant par la belle gazelle et le tigron : petits et/ou grands, puissants et/ou faibles, impitoyables et/ou gentils, visibles et/ou anonymes?, avec leurs (més-) aventures. Notre monde... comme si vous y étiez. Ce n'est pas pour rien que La Fontaine, et bien avant lui, Ibn al-Mûqaffa ont, de nos jours encore, un succès fou? En tout cas, pour les morales tirées (malgré tous les échecs) et par la méthode employée pour éviter d'autres «ennuis» avec les princes de ce bas-monde. En fait, il faut lire entre les lignes des multiples «histoires» et se connecter à l'histoire contemporaine. . et à l'histoire tout court de l'auteur pour bien saisir le sens des «contes» présentés, dans ce «roman surréaliste», mais «vrai». On le sent, il en a tellement «gros sur la patate», car il a presque «tout vu», «tout entendu», «tout subi». Pessimiste ? non. Optimiste ? non. Peptimiste ? Comme nous tous? qui ne savons plus quoi faire tant le mal est profond. Ecrire, peut-être ? Mais, quand on ne veut «gêner personne... dans la mesure du possible», est-ce une solution? ou une fuite en avant ? Avis : Lisez-le, bien que trop moralisateur (c'est ce qui nous arrive tous? après-coup, l'âge venant et le fauteuil? roulant) comme si nous n'avions pas participé, peu ou prou, à «fabriquer», par notre passivité, ou notre complicité, ou notre participation active, dans une «autre vie» que l'on s'empresse d'oublier, toute cette «jungle»), ça vous réconfortera quelque part. Et, surtout, ça vous réconciliera avec vous-mêmes. Toujours ça! D'autant que, comme à son habitude, le livre est bien écrit? et bien réalisé. Peut-être, du papier trop brillant ! Extraits : «Nous aussi, avons notre jungle, ce royaume impitoyable et rocambolesque où les barons du système, des continuateurs rentiers, des jeunes loups sans foi ni loi, des commis d'un Etat politisé où les services publics sont partisans ou «souteneurs», donnent à voir une cuisine indigeste? (p 59), «Ainsi, l'administration de la jungle, sous la houlette d'un roi absent ou inattentif, est depuis longtemps dans l'incapacité d'agir sur quoi que ce soit? Ce n'est plus la jungle qui avance. Ce n'est plus la jungle qui recule. C'est la jungle qui se meurt. (p 142) |
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