|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La Tunisie
voisine vient de prouver qu'on peut concilier la modernité et la démocratie
avec l'islam de nos ancêtres, leurs coutumes et traditions. Sans violence
généralisée, sans intolérance, avec le dialogue et le compromis.
L'adoption de la nouvelle Constitution tunisienne a soulevé l'admiration autant dans les pays occidentaux que chez les pays voisins et ailleurs. Les raisons : tout en reconnaissant l'islam comme religion de l'Etat, la nouvelle loi suprême instaure l'égalité homme- femme, la parité hommes-femmes dans les listes électorales, l'indépendance de la justice, la liberté d'expression, le contrôle parlementaire de l'exécutif etc. En somme, une Constitution de type moderne qui garantit l'égalité des chances entre hommes et femmes, protège les libertés individuelles et communes, permet l'alternance à l'accès au pouvoir, donne la primauté au droit dans la relation publique, enfin encourage à un fonctionnement et à un développement du pays où la compétence et le mérite sont les critères de base de la réussite politique et sociale. L'admiration de la Communauté internationale pour cet aboutissement politique de la Tunisie après trois années d'instabilité et de violences est doublée d'un étonnement, d'une interrogation : L'islam adopté comme religion d'Etat permet-il l'éclosion d'une société démocratique, libre et moderne ? Les « intégriste » laïques, car il en existe, sursauteront en opposant laïcité et religion. Les « intégristes » islamistes auront le même sursaut. Pourtant le peuple tunisien croit que l'on peut faire cohabiter la démocratie et islam. Le choix tunisien n'a pas été simple, sans effort. Les islamistes du parti Ennahdha ont tenté, au lendemain de leur arrivée au pouvoir en 2011, d'imposer un système politique fermé, d'obédience islamiste où la femme, notamment, est maintenue sous un statu de mineure. Deux années de lutte et de résistance de la société tunisienne ont suffi à renverser la situation, débarquer les islamistes du pouvoir et remettre le pays sur la voie de la raison et du progrès. Deux années pour réaliser une telle prouesse politique est un record mondial, qui plus est, sans bain de sang ou de répression généralisée. Comment une telle « révolution » a-t-elle pu réussir ? Au regard des coutumes, pratiques cultuelles et culturelles du pays qui ne différent pas de celles de la société algérienne, cela parait impossible à priori, ou demanderait du temps pour plusieurs générations. Plusieurs hypothèses et éléments sociologiques expliquent ce « phénomène » politique. D'abord la Tunisie bénéficie d'un préacquis de l'ère Bourguiba et qui a été pérennisé jusqu'à la chute de Benali : l'égalité des droits entre femmes et hommes. Ensuite, la société tunisienne est marquée par un réseau associatif dense et varié. Ensuite, la Tunisie a tiré l'expérience des pays voisins, notamment l'Algérie, pour comprendre que le dialogue et le compromis entre les forces politiques en présence est la seule issue pour éviter le cycle de la violence et de l'affrontement. Enfin, le contexte international joue contre les mouvements islamistes. D'ailleurs, dès l'adoption de la nouvelle Constitution, le pays vient de lancer, avec l'aide d'ONG internationales, la plus grande « plate-forme associative » dans la rive sud-méditerranée. C'est-à-dire la fédération de toutes les associations civiles tunisiennes et leur mise en réseau actif avec celles des pays européens et jusqu'au réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH). Cette initiative est capitale pour entretenir la dynamique de la société civile et sa vigilance quant aux atteintes éventuelles aux libertés et acquis démocratiques. Toute entorse aux principes constitutionnels verra une réaction rapide, concertée et active du monde associatif, intellectuel, culturel etc. L'exemple tunisien nous prouve qu'il est possible de concilier islam, tradition, démocratie et modernité. Du coup, nous ne pouvons ne pas nous interroger sur note cas où l'islamisme politique a pris le pas sur les espérances de liberté, de tolérance et de démocratie : pourquoi l'intolérance religieuse et la violence politique caractérisent-t-elles la société algérienne ? L'Algérie qui a été précurseur du « printemps arabe » en se révoltant en octobre 1988 avait basculé dans la violence terroriste des islamistes, la répression du pouvoir et finit aujourd'hui, plus de 20 ans après, sous un régime politique archaïque, opaque et rigide où prédominent l'intolérance, la bigoterie, la corruption et la violence sous toutes ses formes. Ces maux qui ont conduit notre pays a figurer dans le bas des classement internationaux dans les domaines des droits, du savoir, de la compétitivité, du développement et de l'indice du bonheur de vivre ; et en tête des classements dans les domaines de la corruption, des maux sociaux, de l'intolérance et de la mal-vie. Et pourtant?l'Algérie un pays aux ressources humaines et naturelles immenses! Ce qui laisse dire à certains que l'Algérie est « un pays riche avec un peuple pauvre ». C'est une caricature. Car, l'Algérie est surtout « un pays très vaste avec un peuple à l'étroit ». Pas en ce qui concerne uniquement le logement et l'espace, mais dans les têtes. Parce qu'il faut bien expliquer pourquoi le dialogue politique et social, en apparence permanent, ne débouche sur aucun compromis, hormis celui entre les clans du pouvoir dominant. Pourquoi le mouvement associatif, si dense et varié, est atone et considéré par le pouvoir comme un décor, mieux comme naïf et inutile ? Pourquoi les dizaines de partis politiques de l'opposition n'ont jamais pu se coaliser pour affronter, pacifiquement, le pouvoir qu'ils décrient lors d'élections à tous les niveaux ? On aura beau justifier la paralysie de la société algérienne par l'achat par le pouvoir de la paix social et politique via la distribution de la rente des hydrocarbures, il restera toujours cette énigme qui caractérise notre pays : un peuple mécontent à longueur d'année, appelant au changement de régime, à la liberté et au bonheur, mais qui patine sur place, donnant l'image qu'il se complait dans sa situation de victime du système. Le système c'est aussi nous, le peuple. Il nous faudra assumer notre part de responsabilité dans les échecs que nous dénonçons. C'est peut-être seulement que l'on pourrait s'entendre, s'écouter, se respecter les uns et les autres et arriver à un compromis où tout un chacun trouvera ses comptes et la joie de vivre. Bruxelles * |
|