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Je le promets, je
ne vais pas encore infliger au lecteur des lignes et des lignes à propos de mon
hostilité à l'encontre de Dieudonné, la précédente chronique ayant abordé cette
question (on pourra aussi lire la prise de position de la campagne BDS qui
appelle au boycottage d'Israël tant que les droits des Palestiniens ne seront
pas respectés). Par contre, il m'est impossible de ne pas faire état de ma
stupéfaction devant la tournure que prend cette affaire. La question que je me
pose est simple : le gouvernement français a-t-il perdu la tête ? Faut-il
vraiment que la situation sur le front économique soit aussi désespérée pour
qu'il se lance dans une telle agitation aussi dilatoire que guignolesque ? Le
chômage, l'effondrement du commerce extérieur, l'explosion de la précarité, le
chaos en Centrafrique, le b? en Libye, les menaces d'implosion de l'Union
européenne ou, du moins, la grave panne de la construction européenne : tout
cela ne compte pas ? Ne faudrait-il pas un vrai débat national sur l'emploi,
les cadeaux faits aux entreprises, la hausse de la TVA ? Ne faudrait-il pas
accepter que la situation est des plus graves sur le plan économique et qu'un
effort national et consensuel s'impose pour, d'abord comprendre ce qui se passe
vraiment, et ensuite agir ?
C'est un fait, et contrairement aux promesses présidentielles, la courbe du chômage ne s'est pas inversée et François Hollande se pare désormais des habits socio-libéraux de Tony Blair et, on le dit moins, de Gerhard Schröder. Un virage, ou plutôt des zigzags, qui mériteraient des explications, des justifications, ne serait-ce qu'à l'égard de ses propres électeurs. Mieux, étant en démocratie et ayant été élu sur la base d'un programme qui n'a plus rien à voir avec ses promesses, le président français ne devrait-il pas en appeler à l'avis des citoyens ne serait-ce qu'en décidant la dissolution de l'Assemblée. Au lieu de cela, nous avons droit depuis plusieurs jours à une sorte de feuilleton ridicule où la duplicité politicienne s'ajoute à l'hystérie d'organisations communautaristes qui veulent absolument imposer l'idée que le premier péril qui menace la France est l'antisémitisme. Un jour, ce sont des lycéens en garde à vue pour le pitoyable geste de la quenelle. Un autre ce sont des mannequins en vitrine qui déclenchent un barouf digne de la fin du monde. Oh ! Ça va, ou bien ? Que va-t-on nous inventer encore pour nous faire croire que rien n'est plus urgent et fondamental que de régler son compte à un amuseur en perdition morale ? Tout cela risque de très mal se terminer? Le pire, dans l'affaire, c'est l'échauffement matamoresque (je sais, j'ai utilisé ce néologisme la semaine dernière, mais il me plaît bien) du ministre de l'intérieur Manuel Valls. Son omniprésence médiatique, sa morgue quand il s'adresse à des gens modestes, surtout quand ils habitent les cités, me renvoient au milieu des années 2000. Je croyais que nous étions débarrassés de Nicolas Sarkozy, voilà son clone qui s'installe et prend ses aises. Qu'en sera-t-il s'il devient Premier ministre? ? Ce qui est aussi inquiétant, c'est le fait que ce représentant de la République veuille tordre le cou à la liberté d'expression au nom d'une supposée situation exceptionnelle. Dans une démocratie, n'importe qui a le droit de prendre la parole et il peut dire ce qu'il veut. Et c'est le rôle de la justice, supposée être indépendante, de le poursuivre au cas où il enfreindrait la loi par ses propos. Valls nous explique que Dieudonné n'est plus un artiste mais un militant politique. Bon? Peut-être. Et alors ? A-t-on jamais empêché Le Pen, père ou fille, de s'exprimer ? La censure préventive n'est rien d'autre que le recul de la liberté. Manuel Valls semble ignorer, et c'est bien inquiétant, que la République s'abime quand elle enfreint le droit, fusse pour lutter contre les ennemis de la démocratie. «On voit que ce pays est crise. On le sent » me dit en ce moment un ami algérois en visite à Paris. Oui, c'est bien la crise mais c'est aussi la confusion générale. Le genre de situation qui ouvre la voie à nombre de dérives. Je pensais, peut-être avec naïveté, que l'élection de François Hollande allait détendre le climat et balayer la crispation des années Sarkozy (celles où il a été président mais aussi celles où il a été ministre de l'intérieur sous la présidence de Jacques Chirac). Et c'est vrai que les premiers mois qui ont suivi l'arrivée d'Hollande à l'Elysée ont généré de l'apaisement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et je note que les échecs et couacs du gouvernement sont presque toujours suivis par des polémiques qui font oublier l'essentiel. Dieudonné, port du voile lors des sorties scolaires, vrai-faux rapport sur l'intégration : tout cela en dit long finalement sur le désarroi qui s'est emparée de l'équipe au pouvoir. Il y a quelques temps, la presse de droite, qui a toujours considéré comme anormal que la gauche puisse accéder aux affaires, s'est interrogée sur les compétences du gouvernement. A l'époque, cela avait paru excessif et même un peu mesquin. Aujourd'hui, force est de constater la pertinence d'un tel questionnement. Car, en assistant à toute cette excitation et en listant tous les couacs et renoncements depuis mai 2012, on est obligé de se demander si la France est dirigée par des gens sérieux. Ou si elle est tout simplement dirigée. |
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