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En
Egypte, la rupture entre les militaires et les Frères musulmans est, sauf
revirement extraordinaire et tout à fait exclu pour le moment, pratiquement
consommée. Et tout plaide aujourd'hui pour un affrontement durable en Egypte
entre le pouvoir, détenu de fait par les militaires après le coup d'Etat de
juillet dernier contre le président élu Mohamed Morsi, et la puissante
confrérie des Frères musulmans, éjectée violemment du pouvoir. Une série
d'attentats à la bombe entre mardi et jeudi a envenimé encore plus les
relations conflictuelles entre les deux protagonistes, alors que le
gouvernement de transition donne cette désagréable sensation qu'il est l'alibi
politique, sinon le jouet des faucons de l'armée égyptienne. Sinon comment
interpréter cette lourde décision prise par le gouvernement de déclarer les
Frères musulmans dorénavant organisation terroriste, après l'attentat de
Mansoura, et ainsi pousser la situation au pourrissement politique, sans porte de
sortie ni de «plan B».
Des politologues égyptiens, dès lors que le pouvoir en place a décidé de classer les Frères musulmans dans la case d'organisation terroriste, ont souligné la dangerosité de la situation. Car les Frères musulmans, dont la plupart des responsables ont été arrêtés, maintiennent intacte la protesta contre le régime et appellent à des manifestations de rues quasi quotidiennement pour obliger les militaires à libérer au moins leur leader, Mohamed Morsi. La crainte des politiques égyptiens est que ce bras de fer ne tourne fatalement à une ruineuse et longue guerre civile. Car si les Frères musulmans sont déclarés terroristes, ils n'ont plus le droit dès lors de manifester dans les rues égyptiennes. Le risque d'affrontements avec les forces de sécurité qui interviendront dans le cadre de la loi antiterroriste, toujours en vigueur, est réel. Une situation qui pourrait dégénérer vite en guérilla urbaine et en affrontements violents dans les régions rurales, en prélude à une guerre civile dans une Egypte toujours bloquée politiquement, exsangue économiquement et isolée du monde arabe sur le plan diplomatique. Et puis déclarer les Frères musulmans organisation terroriste est un bon moyen pour les militaires de mettre un terme aux activités de cette organisation qui a plus de 80 ans d'existence et dont la particularité est d'avoir toujours été pacifique, même dans les moments les plus durs comme au temps de Abdel Nasser, qui avait pratiquement décapité la tête de l'organisation et mis ses dirigeants en prison. Les déclarations du général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée, auteur du coup d'Etat contre Morsi, qui a promis d'éliminer les terroristes, c'est-à-dire les Frères musulmans, et de faire revenir la stabilité en Egypte sonnent comme un dangereux péril pour ce pays, qui peut, maintenant que tous les détonateurs politiques, sociaux et militaires sont là, basculer du jour au lendemain dans une sanglante guerre civile. Les événements de l'été dernier lors du démantèlement des camps des pro-Morsi au Caire, avec un lourd bilan en pertes humaines et la méthode utilisée par les militaires donnent une idée grandeur nature des pièges qui menacent l'Egypte. Et ce terrible affrontement que prédisent les analystes entre l'armée et les millions de partisans des FM, auxquels vont se rallier les autres tendances islamistes égyptiennes, voire Al-Qaïda. Les militaires égyptiens seraient-ils à ce point fous pour jeter le pays en pâture à la guerre civile ? |