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Notes

par Brahim Senouci

Un mot sur Mandela tout de même. Que dire de plus qui rajouterait quelque chose au concert planétaire de louanges ? D'abord, ceci, sur le concert lui-même.

L'Histoire retiendra cette séquence comme un summum de l'hypocrisie des nations. On ne va pas citer toutes les pleureuses, il y en a vraiment trop. Contentons-nous de Bush junior, vous savez, ce paisible retraité étasunien qui, sur la base d'un mensonge avéré, a provoqué la mort de centaines de milliers d'Irakiens et la disparition à terme de leur pays. Citons également les dirigeants israéliens soulignant la mort d'un « homme de justice et d'un esprit libre », sous le regard du million et demi de Gazaouis qui vivent aujourd'hui dans le plus grand camp de concentration de l'Histoire. Citons Obama. A juste titre, il tient Mandela pour celui à qui il doit son élection. Rendez-vous compte, doit-il se dire, je peux bombarder des innocents en Afghanistan ou ailleurs, je peux appuyer Israël dans son mépris du droit international, je peux refuser de renégocier les termes d'un échange très inégal, je peux veiller au bien-être de mon peuple quoi qu'il en coûte d'injustice vis-à-vis des autres peuples, tout comme un Blanc ! Salut, les Texans? Par charité musulmane, tirons un voile pudique sur cet ancien président français qui avait discouru à Dakar sur « l'homme noir (qui) n'est toujours pas entré dans l'Histoire » et qui déclare être venu à Soweto pour se recueillir devant la dépouille d'un personnage historique. Un mot, tout de même, sur Nelson Mandela. Tous les qualificatifs ayant été utilisés, peut-être pourrait-on souhaiter que son rêve se réalise, ce qui n'est pas le cas pour le moment. En effet, pour éviter la guerre civile, Mandela avait choisi d'accepter un compromis aux termes duquel, si le pouvoir politique devait revenir aux Noirs, le pouvoir économique et financier devait rester aux mains des Blancs. La situation actuelle en Afrique du Sud reflète cette réalité. Les bidonvilles et la misère sont le quotidien de l'écrasante majorité des Noirs. Nelson Mandela connaissait cette réalité mais son pari était que le développement et la prospérité économique finiraient par concerner l'ensemble de son peuple. C'est cela qui constituerait la victoire de Mandela.

Je n'ai jamais été d'accord avec Eric Zemmour, jamais. Ce miracle s'est enfin produit. Réagissant aux propos de Hollande affirmant que les raisons de l'engagement de la France en République Centrafricaine étaient exclusivement humanitaires (« Il fallait sauver des vies humaines »), Zemmour fustige l'hypocrisie en sommant le Président d'avoir le courage de déclarer qu'il intervenait au nom des intérêts de la France. Pourquoi diable, au contraire des leaders anglo-saxons, les dirigeants Français mettent-ils en avant des considérations auxquelles personne ne croit ? Il y a quelques années, Jacques Julliard, alors chroniqueur sur LCI, évoquait la « mission civilisationnelle » de la France. Mais qui a donc lui a confié une telle mission ?

Il paraît que des élections présidentielles vont se tenir en Algérie en avril 2014. Le conditionnel est de rigueur. Il y certes des gens qui s'agitent en coulisses mais, à quelques mois de la date prévue, point de candidats officiels, encore moins de débats, une presse quasi muette sur le sujet faute de grain à moudre? Ainsi va notre pays, insoucieux des échéances, laissant au destin la charge de les traiter.

Sur l'essentialisme. Des tribus papoues de Nouvelle-Guinée n'ont eu aucun contact avec la « civilisation ». Le premier s'est produit il y a quelques dizaines d'années. Depuis, ces tribus ont accompli un cheminement que l'Europe a mis cinq millénaires à accomplir. Ils sont passés directement de l'âge de pierre à l'ordinateur. Dans ces tribus, de jeunes et brillants informaticiens ont des parents qui, dans leur jeunesse, fabriquaient des outils en pierre? Quid des mutations génétiques, que certains déclaraient nécessaires, pour passer à l'étape du développement ?

Palestine. Il y a une démangeaison qui atteint périodiquement les leaders occidentaux. Elle se traduit par les mots de « processus de paix » et de « retour à la table des négociations ». Dans l'incapacité de peser sur Israël, ces mêmes leaders pressent les Palestiniens d'« arrêter avec les préalables », ce qu'ils font en général. Arrêter avec les préalables signifie, dans l'esprit des leaders (qui étaient tous à Soweto !), laisser Israël coloniser tranquillement la terre qu'ils sont censés rendre à ses propriétaires aux termes des négociations susdites. Que font les Palestiniens ? Ils s'inclinent, comme de juste. Il y a des ordres sans doute plus discrets qui leur sont adressés et auxquels ils obéissent avec la même humilité. Souvenons-nous : il y a un an presque jour pour jour, la Palestine accédait à l'ONU au rang d'Etat « non membre ». Les sceptiques manifestaient leurs doutes quant à l'utilité de ce « succès ». Les enthousiastes répondaient que ce nouveau statut permettait à la Palestine d'accéder aux agences de l'ONU, dont la sacro sainte Cour Pénale Internationale. Les généraux israéliens allaient voir ce qu'ils allaient voir. Les statuts de la CPI prévoient une petite (mais obligatoire) formalité pour accéder à ses services, la signature par l'Etat candidat du Statut de Rome. Les statuts prévoient également qu'en tout état de cause, la CPI ne pourra se saisir que des faits intervenus après la signature de ce fameux Statut. En bien, l'Autorité Palestinienne ne l'a toujours pas signé ! Les enthousiastes, bien moins nombreux qu'il y a un an, interprètent cette « omission », en reconnaissant son caractère volontaire, comme une bonne manière faite aux Israéliens pour donner toutes ses chances au « processus de paix ».

Pour finir, que l'on me permette de ressortir de l'oubli ce petit texte que j'avais commis il y a cinq ans, lors d'une nuit d'insomnie :

En 2006, les Palestiniens occupent Gaza, Kalkilya, Tulkarem, Naplouse, Jénine, Bethléem, Jéricho, Ramallah et Hébron. Ce scandale soulève l'indignation du monde, en particulier de l'Europe, ce vieux (in)continent.

En plus, d'effrayants barbus ont pris les commandes et refusent de négocier avec l'homme de la paix, Ariel Sharon.

De toutes parts, on entend le même cri : Il faut sauver le soldat « processus ». Il faut que le processus continue. Il faut que Ariel puisse discuter avec Sharon, Avi avec Pazner, Ehud avec Olmert, Shimon avec Shimon. Déjà, l'Europe menace les Palestiniens, par la voix de son représentant italien : « No processousso, no sousso ».

En 2045, les Palestiniens occupent un quartier de Jénine. Ce scandale soulève l'indignation? En plus, ils veulent ouvrir leurs fenêtres le soir, des fenêtres qui s'ouvrent vers l'extérieur, rendez-??vous compte, empiétant ainsi sur l'espace aérien d'Israël ! L'Europe finance la pose de fenêtres qui s'ouvrent vers l'intérieur et menace les Palestiniens par la voix de son représentant letton : « Niet processki, niet sousski ».

Des négociations s'ouvrent entre Israël et l'Etat juif. Les partenaires promettent de libérer, dans un geste de clémence, Marwan Barghouti, à l'occasion du cinq centième anniversaire de la naissance de Herzl. Ils promettent d'engager une négociation de 25 ans, aux termes de laquelle succéderait un dialogue d'un siècle et demi pour jeter les bases d'une approche prudente de la rédaction d'un prologue de 3.000.000 de pages, prologue que chaque palestinien devra naturellement apprendre par cœur et recto verso, qui pourrait éventuellement déboucher, si les conditions sont réunies et si la météo est bonne, sur une période d'observation d'un millénaire à l'issue de laquelle, si nul incident n'est constaté, réunir Benyamin avec Netanyahu pour décider de dire un petit bonjour aux Palestiniens à travers un hygiaphone.

Hélas, un plan de paix de cette audace ne verra pas le jour. L'armée israélienne vient d'abattre un terroriste palestinien qui était en possession d'armes de destruction massives achetées en Chine et en Turquie. Il en avait tout un poulailler !

Ce retard causa une légère contrariété aux Palestiniens, ce qui choqua l'émissaire de l'Europe, un Anglais, qui leur dit « God save the processus. If he does not, vous pouvez vous l'accrocher pour le pognon ».

En 3219, les Palestiniens occupent un immeuble de 12.000 étages, avec une emprise au sol de 1 mètre carré. L'Europe en a financé la construction et Israël a laissé faire contre l'engagement qu'aucun ascenseur n'y serait installé. C'est bien connu que les ascenseurs, pouvant servir de base de lance-??roquettes, représentent un grave danger pour la sécurité d'Israël. David, en accord avec Lévy, a accepté que s'ouvre un nouveau round de négociations entre Golda et Meïr. La séance, retransmise en direct sur TV- Spirite, aboutit au gentleman agreement suivant : Des négociations pourraient s'ouvrir si les Palestiniens déclarent reconnaître Israël, sans trébucher ni marquer un arrêt entre le « Is » et le « raël », s'ils récitent la Torah d'un trait sans respirer, s'ils réussissent à cacher leurs sourcils sous leur lèvre inférieure. Pas de chance, Rajoub venait de se les faire épiler, ce qui entraîna un nouveau retard de 14 millénaires. La Ligue Arabe propose une normalisation totale à Israël et l'érection d'une statue de Ben Gourion dans toutes les villes arabes de plus de trois habitants en échange d'un hectare pour les Palestiniens. « Pffff », répond Arik.

En 24.153, les Palestiniens occupent un piton rocheux de 14 centimètres carrés, tous juchés sur les épaules de Abou Mazen. Ce dernier a dû d'ailleurs raccourcir son nom, trop grand pour le territoire. C'est ainsi qu'il est devenu « Zen », très zen. « Bof, a-??t-??il coutume de dire, tant qu'il y a du processus, il y a de l'espoir ». Cette situation cause quand même une certaine gêne pour les Palestiniens. Il semblerait même qu'un léger doute commence à s'insinuer dans certains esprits mal tournés sur la finalité du processus. Ces réserves arrivent aux oreilles du représentant de l'Europe, déclenchant sa fureur. C'est un Français, nommé par Ville de Perlimpinpin pour détruire le réacteur nucléaire Osyraks qui menace Paris. C'est aussi un pur produit de la discrimination positive.

Il hurle : Makache processouze, makache flouze ».

En 45.123, les Palestiniens occupent la barbe du cheikh Yacine. Chaque famille occupe un poil. La classe corrompue s'est installée dans la moustache. On y est plus à l'aise et il y fait meilleur. Les tracasseries ne manquent pas. Pour rendre visite à son cousin qui habite la rive, pardon la joue droite, un habitant du menton doit faire un long périple, passer par le cou, remonter sur la nuque, traverser l'occiput, glisser précautionneusement le long des sourcils, épouser l'oreille, se tenir à son lobe, et de là, sauter en parachute en visant bien le poil d'arrivée. Durant le voyage, il faut veiller à éviter les barrages de l'armée israélienne tels que grains de beauté, verrues, naevi?

Un soir, des Israéliens ont tendu une embuscade à Cheikh Yacine. Ils l'ont capturé, emmené dans une cabane, ligoté, assis sur une chaise. Au petit matin, de la cabane, sortaient des volutes d'after shave qui venaient se mêler au parfum du chèvrefeuille. La Palestine venait d'être rasée. A suivre.

L'Europe : - Comment ça, à suivre, puisqu'il n'y a plus de Palestiniens Bush : -Et alors, où est le problème ? Est- ce que le processus a besoin d'eux ?

L'Europe : - Non Bush : - Alors, on continue puisque le processus continue, même sans partenaire !