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« On a gagné !»

par Pierre Morville

La réussite des équipes de foot de la France, de l'Algérie et du Portugal ont amené un petit moment de bonheur en France même.

Mardi soir, la France était contente. A tel point qu'on avait l'impression que l'équipe de foot des Bleus avait remporté la Coupe du Monde ! Il est vrai que dans ce pays toujours profondément pessimiste, les commentateurs sportifs, les médias en général et une partie de l'opinion prévoyaient une défaite, une déculottée, un Waterloo pour nos footballeurs français.

C'est pourtant le système économico-médiatique qui a contribué largement à la mise en doute des joueurs. Ceux-ci sont formidablement bien payés et souvent issus de quartiers très pauvres, ils n'hésitent à montrer ostensiblement leur nouvelle fortune. Stars des médias, on les interroge sur tous les sujets (politique, moeurs?) et on peut être un formidable avant-droit ou gardien de but ou en défense, et ne pas avoir nécessairement avoir des idées plus éclairées que l'immense masse de mes concitoyens sur les graves débats sociétaux.

Bref, la victoire fut miraculeuse. D'abord pour l'équipe. Les joueurs, heureux, ont eu l'intelligente réaction à leur retour dans les vestiaires, de copieusement arroser de champagne ou autres boissons, dans un geste de défi, les équipes de journalistes qui les avaient tant critiqués.

Ensuite pour la population française. Les Français accablés par la crise économique actuelle et recordmen mondiaux du pessimisme dans les sondages internationaux, ne craignaient rien tant, de façon souvent irrationnelle, qu'une défaite de leur équipe de foot, dont ils étaient quelque part persuadés qu'elle ne pouvait que perdre. Ce sont souvent les footballeurs eux-mêmes qui réalisent la portée minime du résultat aléatoire d'un match de foot.

Ils ne revendiquent que de donner un peu de bonheur aux gens, jamais de raviver le patriotisme, relancer la croissance ou conforter le pouvoir. Michel Platini, dans L'Equipe : " Ce serait bête pour le peuple français que l'on n'aille pas au Brésil. Comme pour le peuple ukrainien. Mais ce ne serait pas la fin du monde. Il y a des problèmes plus importants ".

Bon, le plaisirest irrationnel, et alors ? Les Français avaient besoin d'une bonne nouvelle. L'effet bénéfique sera court mais c'est toujours bon à prendre.

Enfin, pour la cohésion de la communauté française. Mardi soir sur les Champs Elysées, après le match, une très grande foule s'est spontanément réunie avec d'innombrables drapeaux, français bien sûr, algériens, très majoritairement et portugais. Il est vrai que les équipes des trois pays s'étaient qualifiées ! Et tout le monde s'embrassait et tout le monde se félicitait. Notons au passage que la quasi-totalité des personnes étaient certainement de nationalité française, et que la communauté algérienne et portugaise sont les deux principaux pays d'origine des citoyens français " hors sol ". La scène s'est reproduit dans les bistros de France qui retransmettaient les matchs. Tous publics mêlés, et comme les matchs se succédaient, les mêmes applaudissaient la victoire de l'Algérie contre le Burkina Faso (" c'est ou le Burkina Faso ? ") et la victoire de la France contre l'Ukraine.

La politique moyen-orientale

Certes, c'est l'effet d'un soir. Mais dans un pays où l'on craint la montée parallèle de la xénophobie et des communautarismes, la société française est infiniment plus complexe qu'on peut le croire. Ce qui peut faire incliner à un certain optimisme. Même si, de façon régulière, des clubs de supporters de foot (de toutes origines) s'affrontent violemment, à la sortie des matchs, avec d'autres clubs de supporters (de toutes origines).

L'un deux qui fut le plus content fut certainement le Président de la République française.

François Hollande est en effet un authentique et passionné amateur de foot. Il commentait, avant sa prise fonction, dans l'intimité, ad limitum, sans limite, les qualités techniques de tel ou tel jours, la justesse de la tactique choisie par l'entraineur d'une équipe de la 1ère, voire de la 2ème division. Dans une déclaration, totalement sincère, il a apporté avant le match, son soutien à l'équipe des Bleus. Jean-François Ayraud, le premier ministre a également livré ses premières impressions après la victoire de l'équipe de France face à l'Ukraine et sur sa qualification pour la coupe du Monde de foot de 2014. Pour Ayrault, ce succès est "un grand bonheur". "C'était pas gagné. Chapeau!", réagit-il. "Ce n'est jamais gagné d'avance. Ce qui a marché, c'est l'énergie, c'est le collectif", ajoute-t-il, tout en se défendant de vouloir verser dans la métaphore sportive.

L'energie, le collectif? Le Premier Ministre français a surtout tardivement entendu l'extrême agacement des Français en matière d'impôts ou la France se situe dans le peloton de tête en Europe et dans le monde. Il a annoncé le même jour, à la surprise de tout le monde une " remise à plat " du système fiscal français en " concertation avec les partenaires sociaux ". Discuter de fiscalité avec les organisations syndicales et les représentants patronaux ? Pourquoi pas ? Mais rappelons au 1er Ministre que le vote de la " Loi de Finances " est la principale tâche constitutionnelle du Parlement français et des très nombreux députés et sénateurs élus.

L'autre grand dossier, la politique étrangère dans la constitution de la Vème République française, échappe en revanche très largement au contrôle des élus des deux chambres. Elle reste l'apanage du seul exécutif. Et c'est une bonne chose, faut-il que la ligne poursuivie par le Chef de l'état et son gouvernement soit claire et cohérente.

En matière de politique à destination de l'est et sud de la Méditerranée et du Sahel, du monde arabo-musulman au sens large, on a un peu de mal à comprendre la cohérence et le suivi des positions françaises.

Certes, la situation est complexe et dans une très bonne analyse, Jean-Francois Bayart a publié dans Mediapart " retour sur les Printemps arabes " (analyse sur laquelle nous reviendrons) se moque des idées préconçues : " L'aggravation de la guerre civile en Syrie, la restauration autoritaire en Egypte, la tension politique en Tunisie, la déstabilisation du Liban, la perpétuation du chaos en Irak et en Libye, le raidissement autoritaire de Recep Tayyip Erdo?an en Turquie, le spectre d'une reprise du conflit armé en Afghanistan - si tant est que celui-ci ait jamais été interrompu - provoquent des jeux de mots faciles sur l' " Automne " ou l' " Hiver arabe ", et des larmes de crocodile, une joie mauvaise, sur l'antienne du " On vous l'avait bien dit (que les musulmans étaient inaptes à la démocratie) ! ".

Dans les relations avec l'ensemble Maghrebo-Proche-oriental, face à cet ensemble mouvant, la politique française a brillé par son manque de cohérence et ses bévues : soutien gouvernemental tardif à un Ben-Ali tunisien qui allait, quelques jours plus tard être renversé ; initiative volontariste de Nicolas Sarkozy pour une intervention militaire occidentale en Lybie pour renverser Kadhafi, avec des effets certainement positifs mais avec des conséquences à moyen terme sur l'ensemble de la zone sahélienne dont nul ne connaît les effets ; hésitations devant la montée en puissance des courants islamistes modérés, incarnés d'une certaine façon par le courant des " Frères musulmans, puis leur échec et leur contestation tant en Egypte qu'en Tunisie. Au profit peut-être de courants beaucoup plus radicaux.

Le rôle d'Ankara

Dans ce contexte, menacer d'une intervention militaire le régime Bachir El-Assad, comme l'a fait François Hollande était d'une extrême imprudence. Le Président de la République française fut sur ce sujet sèchement remis à l'ordre par Barack Obama qui préfère explorer les voix de sorties avec Vladimir Poutine.

Au Proche-Orient, l'ensemble de la zone est profondément déstabilisée et la crise peut s'étendre comme l'a montré le récent et meurtrier attentat contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth. Dans ces affrontements particulièrement complexes où s'affrontent des intérêts économiques, des revendications sociales, des antagonismes ethniques et religieux, la Turquie, dans la vieille tradition de l'Empire ottoman, peut jouer la carte d'une instance modératrice et moderniste qui pourrait être acceptée par sinon toutes les parties, tout au moins par un grand nombre d'entre elles.

L'AKP, le parti au pouvoir puise son idéologie dans un islamisme moyennement modéré et très libéral sur le plan économique. Il a réussi à dynamiser l'économie turque de façon exemplaire. Sur le plan démocratique, l'AKP a encore beaucoup de progrès à faire, notamment dans le traitement des problèmes sociaux et des minorités nationales.

Il n'empêche pas moins que la Turquie bénéficie d'une aura importante dans la région et peut jouer le rôle d'intercession et de puissance régionale. Elle dispose de surcroit d'une forte intégration à l'économie européenne et ses élites sont beaucoup plus tournées vers Bruxelles et l'Europe (3 à 5 millions de Turcs vivent en Allemagne) que vers Ryad, Moscou, voire même Washington.

On a fêté cette année un jubilé, c'est-à-dire un anniversaire de cinquante ans : cinquante ans après la 1ère demande de la Turquie d'intégrer l'Union européenne, celle-ci est restée à ce jour sans réponse, ni positive, ni négative. Les deux principaux pays européens responsables la politique extérieure de l'Europe, l'Allemagne et la France devraient se secouer un tout petit peu.

«Mondiable»

Un chroniquer et à mon avis la totalité des journalistes sur la terre ont à leur côté, quelque soit l'heure ou les latitudes, un être satanique. Moi, je l'ai appelé " Mondiable-mon choix ".

Mondiable : mais pourquoi tu voulais ennuyer nos lecteurs avec tes bêtises ? Le Chroniqueur : c'est pour expliquer pourquoi, la semaine dernière, j'hésitais entre deux chroniques, un gros interview que j'attendais et que je n'ai pas eu et que j'aurais peut-être plus tard ,ou l'évocation de deux centenaires. Et, du coup, je n'ai rien fait, dans l'attente?

Mondiable : oui, t'as rien fait. Et c'était quoi tes deux centenaires ?

Le Chroniqueur : comme l'édition du Quotidien sortait juste après les cérémonies du centenaire de la déclaration de la Guerre de 1914-18, je voulais rappeler l'importance encore aujourd'hui, de ce vieux conflit dans la mémoire collective française, de ce grand massacre déclenchée sans raison, ou mille soldats français et c'était pire du côté allemand, étaient tués par jour !

J'aurais évoqué avec émotion mon grand-père maternel, Mohammed Bouarar, parti à 17 ans de sa montagne kabyle, découvrant la Méditerranée, puis le train qui l'amène à Verdun en 1917, gazé l'année d'après. Ou les trois frères de ma grand-mère maternelle bretonne, les frères Le Goff, paysans tous tués?

Mondiable : mais tout le monde s'en fout ! Et ton autre centenaire, c'était quoi ?

Le Chroniqueur : bon, je voulais célébrer le centenaire de la naissance d'Albert Camus C'est un Prix Nobel né en Algérie profondément attaché à ce pays Albert Camus. Il a vu le jour le 7 novembre 1913 à Mondovi, à proximité de Bône, Annaba, dans le département de Constantine . C'est un immense écrivain et philosophe. Il fut aussi journaliste militant engagé dans la Résistance française et dans les combats moraux de l'après-guerre.

" Dans le journal Combat, ses prises de position sont audacieuses, aussi bien sur la question de l'Algérie que sur ses rapports avec le Parti communiste français, qu'il quitte après un court passage de deux ans. Camus est d'abord témoin de son temps, intransigeant, refusant toute compromission ; il est ainsi amené à s'opposer à Sartre et à se brouiller avec d'anciens amis.

Il ne se dérobe cependant devant aucun combat : il proteste successivement contre les inégalités qui frappent les musulmans d'Afrique du Nord, puis contre la caricature du pied-noir exploiteur. Il va au secours des espagnols exilés antifascistes, des victimes du stalinisme, des objecteurs de conscience "(Wikipedia).

Et je voulais également cité quelques lignes de son ouvrage " Noces " sur Tipasa : " À peine, au fond du paysage, puis-je voir la masse noire du Chenoua qui prend racine dans les collines autour du village, et s'ébranle d'un rythme sûr et pesant pour aller s'accroupir

dans la mer? "

Mondiable : dans l'ensemble, c'est une bonne chose que t'es rien fait. On est dans la presse, coco, du XXI° siècle !

Je me demande comment tuer Mondiable : par noyade, strangulation, poignard?