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J'AI FAIT UN REVE. Recueil d'entretiens de Guy Bedos avec Gilles Vanderpooten.Casbah
Editions, Alger 2013 (Editions de l'Aube, Paris 2013). 139 pages, 500 dinars
Il a quitté l'Algérie à l'âge de 16 ans. Né à Souk Ahras, ayant vécu à Annaba (ex-Bône). En classe de sixième, il n'y avait, dit-il, qu'un seul Arabe?. qui est resté, jusqu'à nos jours, son plus vieil ami d'enfance, Abdelkrim Khaldi, un avocat, je crois, si mes souvenirs de jeunesse sont bons. Il a refusé de faire la «guerre d'Algérie» (il s'était fait passer pour «fou», ce qui est un exploit de comédie face aux militaires qui, sur ce chapitre, ne s'en laissent jamais compter, hier comme aujourd'hui, ailleurs comme ici). Il est revenu à Alger juste avant les accords d'Evian, et il s'était, dit-il, baladé, sans problèmes, dans la Casbah, «dingo» qu'il était, alors que l'OAS commettait ses crimes racistes. Artiste résolument engagé pour la paix et la réconciliation, c'est un éternel «indigné», humoriste critique des gouvernants, de tous les gouvernants, d'ailleurs et d'ici (ainsi, pour lui, «Bouteflika est pris en otage par de petits Pinochets que l'on ne connaît pas). Voilà donc Guy Bedos, venu signe, à Alger, son dernier ouvrage lors du 18è Sila. ?et, en même temps, présenter, à Alger, son dernier spectacle, «Rideau». Des succès fous ! En venant en Algérie, Guy Bedos n'a pas rêvé. Il en a pleuré d'émotion. Note : Grâce à lui, il existe, en France, une «loi Bedos»? sorte de «droit à l'humour». En fait, une décision jurisprudentielle qui, depuis, protège les humoristes professionnels des procédures abusives. Avis : Un tout petit livre qui se lit en deux ?trois heures de temps. On commence. On ne s'arrête plus. Comme au spectacle. Presque du direct et des formules choc qui vous réconcilient avec les artistes et les humoristes et une (toute petite, mais grande de cœur) partie des pieds noirs. En venant en Algérie, Guy Bedos n'a pas rêvé. Il en a pleuré d'émotion. Extraits : Trop et un choix difficile : «Le premier gouvernement auquel j'ai eu à résister, c'était celui de mes parents» (p 9), «L'humour est la politesse du désespoir... je suis très poli » (p 30), «A ceux qui me demandent de quoi je me mêle, je réponds que je me mêle de ce que je regarde» (p. 40), «On m'a trop fait chier dans ma jeunesse pour que je me laisse emmerder dans ma vieillesse» (p 41), «Beaucoup de gens du peuple n'ont pas de conscience politique, de conscience de classe même, et sont fascinés par la fortune de l'autre. Ça se soigne» (p 68), « La naissance n'est pas fatalement une bonne nouvelle pour un bébé» (p 135) LES ANGES MEURENT DE NOS BLESSURES. Roman de Yasmina Khadra. Casbah Editions, Alger 2013. 403 pages, 980 dinars Cette fois-ci, notre (peut-être) futur Président de la République, après s'être intéressé à la vie d'un Algérien de «bonne famille» («Ce que le jour doit à la nuit») au sein de la (bonne) société coloniale d'un village aisé de l'Ouest du pays, se penche sur la vie d'un Algérien pire que miséreux, durant l'entre-deux guerres... Et, toujours, en contact avec une partie de la (mauvaise) société européenne. La première fois, c'est la vie de la classe moyenne, la petite bourgeioise européenne et arabo-«assimilée», qui est décortiquée, avec une certaine sympathie, il faut l'avouer. Cette fois-ci, c'est le petit peuple pied-noir d'Oran (le terme n'existait pas encore) et le tout petit peuple «bougnoule» qui sont visités. Des lieux communs, avec toujours en arrière fond, l'exploitation de l'Arabe : le monde de la boxe, les maisons de tolérance avec leurs maquereaux et leurs prostituées, la petite truaunderie, les bidonvilles et autres taudis des uns et les appartements miséreux des autres .Une seule et même société qui fait tout (tous les coups tordus en général, souvent à coups de couteaux) pour s'en sortir, laissant loin derrière elle tout souci de lutte contre l'exploitation par les grands colons. Bien sûr, au détour d'une page, les frémissements du mouvement nationaliste sont évoqués, et on note même l'intrusion d'un certain Ferhat Abbas qui encourage le boxeur-héros (qui ne comprenait presque rien à la leçon de patriotisme expédiée en hâte dans les couloirs surveillés du Saint-Georges), à «démolir» son adversaire européen, champion d'Afrique du Nord. Excellemment écrit. Du Yasmina K. ciselé, chaque mot et chaque phrase étant étudiés, modelés, à leur place, avec un grand amour pour la précision et les détails nombreux, paraissant parfois inutiles et lourds, dès l'abord, mais nécessaires car il vous obligent à ne pas «décoller» d'une histoire presque banale : beaucoup d'Algériens et d'Européens, boxeurs, footballeurs, athlètes, proxos, prostitués, drogués et gangsters? l'ont connu. Mais une histoire prenante car elle résume assez bien la vie des «bougnoules» de l'époque, ceux des villes tout particulièrement? et des «petits blancs», proches d'eux dans la misère mais tout de même exploiteurs. Avis : Un «pavé» à lire, bien que coûteux. Bof ! on vous rendra 20 dinars sur un billet de 1 000, ce qui vous laissera l'impression que vous n'êtes pas totalement perdant. Une dépense utile et une lecture qui vous permettra de passer pas mal de temps pour le terminer. Une interrogation, cependant. Je ne suis pas arrivé, tout au long des pages et des réflexions du héros, en dehors des histoires de culs, à comprendre comment un «analphabète» arrivait à s'exprimer comme un philosophe de haut niveau ! Mystère de la (bonne) littérature et de la maîtrise du suspens. Lorsque la fiction est si bien pensée et si bien rédigée, la réalité s'efface d'elle-même. Extraits : «Un adage ancestral stipulait que celui qui espère vaut mieux que celui qui attend, et celui qui attend est moins à plaindre que celui qui renonce» (p 65), «Tu peux avoir autant de patries que tu veux, si tu n'as pas de famille, tu n'es personne «(p 150), «La gloire se mesure en fonction de la haine qu'elle suscite chez les détracteurs. Là où tu es encensé, d'autres t'enfument, tel est l'équilibre des choses. Si tu veux aller au bout de ton mérite, ne t'attarde pas sur les crottes que tu écrases car il y en aura toujours sur le chemin des braves» (p 239). JOURNAL D'UNE FEMME MEDECIN DE CAMPAGNE. Chronique d'une dérive. Témoignage de Yamina Ramdane. El Ibriz Edition, Alger 2013. 241 pages, 500 dinars Pour la première fois, il me semble, une femme, médecin de «campagne» de surcroît, donc très, très proche de sa société publie un livre sur son existence (son existence, oui !) durant les années les plus noires que le pays ait traversées. Ni un roman de fiction, ni des nouvelles, ni un essai philosophico-politico- sociologique. Tout simplement les extraits d'un «journal» tenu dès le jour où, dit-elle, elle s'était sentie menacée, dans les années 90 (par le terrorisme islamiste et le banditisme) dans sa profession et même dans sa vie . Allait-elle quitter ce monde sans laisser de traces que celle de son souvenir auprès des siens.... et, peut-être de patients conservant ses ordonnances médicales ? En fait, un testament qui ne disait pas son nom. Bien d'entre nous ont vécu cette situation. Tout en conservant l'anonymat des uns et des autres, sans violer le secret médical, elle rapporte, en de courts mais poignants, douloureux et saisissants récits, le calvaire enduré? par les femmes (surtout elles, étant la cible «favorite» des machos puis, par la suite, des «barbus»). Des personnes meurtries, traumatisées à vie, qui avaient vécu l'inimaginable, les filles kidnappées, violées, prises comme butin de guerre, les jeunes torturés? qui ont, aujourd'hui, le «droit d'être entendus et leur martyr connu». Avis : Ecriture bonne, simple et claire et lecture facile. Emouvante ! Personnes sensibles s'abstenir ! En fait, c'est ce qui manque le plus dans notre littérature actuelle à la recherche d'un «décollage» : de simples récits de vie à la portée de tous et des auteurs qui «ne pètent pas plus haut que leur cul». Bravo pour le courage de l'auteure (Ah ! les femmes, toujours d'«attaque»)? et, pour l'éditeur, bien qu'il lui reste beaucoup d'efforts à faire sur le plan technique. Extraits : «Notre Islam est de confession musulmane, pratiquant un islam tolérant depuis des siècles ; même le socialisme instauré au lendemain de l'indépendance n'a pas entaché sa pratique» (p 85) |
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