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Nouvelle épreuve pour l'Egypte. Le pays a frôlé le dérapage. Aura-t-il
les ressources pour éviter de sombrer ?
L'Egypte, c'est un drame. Mais c'est aussi une impasse poli-tique. Ces morts, qui creusent un fossé entre une partie du peuple égyptien et son armée, ont soulevé une vive et légitime émotion. Ils confirment qu'une armée, dans le monde arabe, sert d'abord à conquérir et à garder le pouvoir, à réprimer les récalcitrants, rarement à faire la guerre à un ennemi extérieur. Ils ont aussi montré que les pays arabes évoluent dans une marge très étroite, et que la moindre fausse manœuvre peut déboucher sur un bain de sang. Ce qui s'est passé en Egypte est un coup d'Etat. En bonne et due forme. Même si les Etats-Unis savent tout, et savent mieux que nous ce qu'est un coup d'Etat, pour en avoir organisé des dizaines, et que dans le cas égyptien, ils affirment que ce n'est pas vraiment un coup d'Etat, on peut les contrarier sans crainte de se tromper. En Egypte, un président légitime, élu régulièrement, dans un scrutin crédible, a été éjecté par l'armée avant la fin de son mandat. Difficile de trouver meilleure définition du coup d'Etat. Dire si la politique de M. Morsi était bonne ou mauvaise, si elle faisait avancer l'Egypte ou non, est une affaire. Mais un président élu a, lui aussi, le droit d'être un parfait imbécile, un escroc, un mauvais gestionnaire, ou même un clown. Silvio Berlusconi a été tout cela à la fois. Personne n'a, pour autant, pensé à le destituer par un coup d'Etat. Ramener vingt millions de personnes dans la rue constitue une belle opération de mobilisation. Faire signer une pétition par 22 millions de personnes est tout aussi admirable. Mais ce sont de belles opérations de propagande qui ne peuvent justifier un coup d'Etat. La légitimité de la rue ne peut balayer la légitimité de l'urne. Autrement, il suffira, demain, de rassembler une «meliounia», une manifestation qui dépasse le million, pour destituer un gouvernement. Ceci pour dire que l'élection est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour faire une démocratie. Les belles tirades visant à occulter cette réalité ont été accompagnées par de longues démonstrations selon lesquelles la situation de l'Egypte serait différente de celle de l'Algérie de 1992. La géographie de l'Egypte ne favorise pas le terrorisme, a-t-on dit. Et les Frères musulmans, ce n'est pas le FIS. Des discours destinés à se persuader que le pire est totalement exclu, et que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets. Mais ce discours pèche sur un point, central : la violence n'est pas le produit de l'islamisme seul, c'est d'abord le résultat de l'injustice. INDIGENCE DES «FRERES» D'autre part, ce qui s'est passé en Egypte a aussi révélé l'indigence des Frères musulmans. Mohamed Morsi a oublié qu'il était président de tous les Egyptiens. Il s'est installé en chef de clan, dans un pays de plus de 80 millions d'habitants. A aucun moment il n'a montré une vision à la hauteur de ce qu'attendait de lui l'Egypte dans une conjoncture aussi délicate. Là où le consensus était nécessaire, il a choisi de passer en force. Quand il fallait intégrer les opposants, il a été sectaire. Là où il devait se montrer rassembleur, il a choisi de se recroqueviller sur le noyau dur de son parti. Au lieu d'aller à un projet inclusif, pour que tout le monde se sente concerné, il a cherché à imposer sa vision et ses hommes. Sans parler de l'économie et du social, où il a été absent, faute de moyens et d'imagination. Mohamed Morsi n'est pourtant pas mort. Son meilleur allié, aujourd'hui, c'est le général Essissi, l'homme qui l'a éjecté. En destituant le président élu, le ministre de la Défense a rendu un fier service aux Frères musulmans. Il leur a épargné de sombrer dans la gestion du pays. Pourront-ils pour autant éviter de sombrer à l'avenir, en prenant soin d'éviter la violence ? LES DEMOCRATES DERRIERE LES CHARS L'avenir de l'Egypte est largement tributaire de cette question, comme il est tributaire des réponses que l'armée et les grands courants politiques apporteront aux défis de la gouvernance de ce pays. Des défis que les drames récents ont clairement définis. Malgré sa brutalité, l'expérience égyptienne a montré ce qu'il est possible de faire dans un pays arabe de cette envergure, et ce qui ne l'est pas. Elle a dessiné les contours de solutions possibles, pour ceux qui sont réellement intéressés par la transition démocratique, et montré des limites qui semblent difficiles à franchir, ainsi que les handicaps, aujourd'hui insurmontables. Trois points méritent notamment d'être soulignés. Ce qui s'est passé a montré que l'Egypte ne peut pas être dirigée par un bloc, politique ou religieux, contre les autres. Tout dirigeant qui aspire à gouverner l'Egypte doit être transpartisan, en mesure de discuter avec tous les courants, même si lui-même a un ancrage politique et idéologique bien marqué. Ce qui a cruellement manqué à Mohamed Morsi. Ensuite, tout dirigeant qui aspire à diriger l'Egypte doit tenir compte du poids insurmontable de l'armée. Celle-ci garde un poids excessif, dangereux, parce qu'il relève d'une logique étouffante. Ce n'est plus une armée qui pousse à moderniser le pays, c'est une armée qui empêche le pays de se moderniser. Enfin, les courants démocratiques sont encore frileux. Ils préfèrent s'abriter derrière les chars, et cherchent la sympathie des Occidentaux plutôt que celle de la populace. |
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