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Tel âne, telle école

par Mimi Massiva

«L'école n'est plus dans l'école, mais nos enfants sont toujours au milieu.»(1)

Quand on dit aux Finlandais qu'ils ont la meilleure école au monde, ils se montrent plus surpris que flattés. Il y a plus de 30 ans, ils se sont contentés de faire une réforme qui mettait l?enfant au centre et rien de plus. Ce que fait en général n'importe quelle femelle animale prévoyante qui aspire à ce que son petit puisse grandir loin du danger. Dans son livre Eduquer ses Enfants, l'Urgence d'Aujourd'hui, le pédiatre Aldo Naouri, cite l?exemple de la femelle gnou, antilope d'Afrique, à chaque fois que son petit veut la téter, elle le repousse jusqu'à ce que la vitesse du nouveau-né atteigne la sienne seule garantie d'échapper à son redoutable prédateur le lion. L'Algérie a hérité d'une école coloniale à la Jules Ferry savamment concoctée par de grands penseurs savants humanistes alors que la plus grande partie du monde arabe était encore au stade de la medersa avec tablettes bâton et taleb.

En détruisant cet héritage-butin, les décideurs algériens ont transformé l'école en usine à l?image des usines nationales de la révolution industrielle. Réagissant par à-coup comme des drogués en manque ou sous la pression. Anonnant à tout va des constantes bien inscrites dans la Constitution, ils n'ont éprouvé aucun complexe à faire du piratage sur ceux qui n'ont aucune constante encore moins nationale et religieuse allant jusqu'à leur importer moult réformes comme des bananes sans notice sans garantie sans expert pour les faire marcher, les dépanner. Oubliant que ces reformes, souvent françaises, conçues dans la foulée de mai 68 par des sommités en la matière, des prix Nobel, qui ont dû affronter le scepticisme de certains de leurs collègues. Ce qui explique que régulièrement, elles sont remises en question les unes après les autres par les mêmes respectables esprits. Exemple les maths modernes introduites en France dans les années 70 afin de remplacer le calcul arithmétique par l?algèbre des ensembles dans l'espoir de donner à tous les élèves la bosse des maths. Quelques décennies plus tard, comme d'ailleurs dans d'autres matières, on a vu le résultat. L?école vit un malaise planétaire à trop vouloir unifier raser les inégalités tout simplifier et être seule à élire le gagnant et le perdant pour finir par trahir toutes ses promesses. De plus en plus, elle s'est transformée en délivreuse de diplômes sans assurer un travail.

Le bon élève censé avoir une vie meilleure que son père analphabète s'est révélé un leurre. Une femme de ménage un gardien ont moins de chance de se retrouver au chômage qu'un ingénieur, un sociologue. En sus l?échec scolaire est devenu l'échec social. Pourtant les progrès sont là, en 1960 à peine 10% des lycéens français décrochaient le bac, un enfant sur deux ne dépassait pas le primaire. En 5 ans, grâce au ministre Chevènement qui a voulu que 80% d'une classe accède au niveau du baccalauréat, de 1985 à 1990 ce niveau à augmenté de 21 points alors qu'il a fallu toute une génération pour progresser de 17 points entre 1965 et 1985(2). On le voit que si les programmes sont pensés par des spécialistes, les effectifs les % c'est l?affaire des politiciens. Malgré cela, on reproche à la France d'avoir une école à deux vitesses, et à la Finlande de devoir sa première place au fait qu'elle n'a pas ou pas assez d'émigrés pour tirer le niveau vers le bas. Certes quand la culture véhiculée par la famille n'est pas en diapason avec celle de l?école, c'est un problème de plus pour l'enfant mais pas la cause principale de son échec. Les petits indigènes sortis tout droit de leur douar afin d'apprendre que leurs ancêtres étaient des Gaulois ne se sont pas mal débrouillés. Certains ont siégé au Congrès de la Soummam d'autres ont écrit les seuls chefs d'œuvre de la littérature algérienne, d'autres ont assuré la traduction des livres du français à l?arabe avant d'être remerciés par l'Arabisation.

Les enfants des émigrés turcs réussissaient aussi bien à l'école que leurs camarades européens de souche jusqu'à ce que la parabole les inonde de feuilletons made in Turquie. Certes tout le monde arabe vit au rythme de Dallas avec ces feuilletons turcs syriens égyptiens surtout pendant le mois sacré. C'est la seule distraction hallal efficace et entièrement inventée par les autres. Elle véhicule tous les messages officieux officiels, modèle l'opinion du berceau au lit à la tombe. Or l?image aurait dû investir plus l?école que la maison puisqu'il faut d'abord susciter le désir avant l'apprentissage. Ailleurs on l'a bien compris, on vient d'inventer un procédé qui rend le cerveau transparent afin de mieux l'analyser pour réveiller des zones dormantes et sortir du « peut mieux faire » des bulletins scolaires à « encourageant » ou mieux « satisfaisant ». Ne dit-on pas que le cerveau humain n'est exploité qu'à 50%. Or comment peut-on aspirer à la même école avec des élèves qu'on veut réveiller et d'autres qu'on veut endormir ?

En ce début du 21eme siècle avec l'internet qui transforme le monde en village ce n'est pas facile de naitre coincé entre les horizons bouchés d'une dictature liftée. Quand l?URSS s'était effondré, Cuba n'avait plus de devises pour importer des médicaments et assurer la bonne santé à sa population. Pourtant non seulement elle est devenue une référence dans ce domaine phare qu'est la médecine mais en plus on n'a pas constaté que la santé du Cubain était plus mauvaise que celle de son voisin, l'Américain. Et d'après les statistiques, aucune différence à relever dans l'espérance de vie des deux.

De quel exemple fiable s'inspire l?élève algérien ? Le tableau qui lui fait face est imbibé de l?amour de la patrie des héros de la révolution de l?âge d'or islamique du miracle de l'Algérie Indépendante Populaire Démocratique. Il ne voit aucune baraka en découler. Partout c'est la règle du fuir à tout prix ou du profiter pour bien fuir ou du fuir dans la fracture. Youcef Maachb (3) a passé des épreuves écrites à des stagiaires pour réfléchir sur les causes de l?échec de l'honorable institution qu'ils s'apprêtaient à intégrer. Il a eu droit à deux réponses basées sur le sexe. Les filles ont trouvé que le mal ne venait ni des enseignants ni du programme ni des élèves mais de la corruption des politiciens qu'il fallait fissa changer. Par contre, les garçons voyaient le mal dans le peu de place donnée à la religion, en un mot pour eux l'école n'est pas assez islamisée pour décoller. Les réponses de ces futurs enseignants sont assez logiques. Pour les filles, l'école les sauve de la maison sécurise leur avenir malmené par un code de la famille sexiste donc prudence il ne faut pas y toucher sans risque. Par contre, les garçons élevés plus librement et voyant l?école d'une façon plus détachée mais n'ayant aucune idée aucune possibilité que le secours ou les foudres du ciel.

A quoi peut servir un satellite vide tournoyant autour d'une planète chaotique ? Pour le moment pas de jaloux, l'adulte subit à l'extérieur, l'enfant à l'intérieur. L?institution fonctionne comme n'importe quelle institution étatique. L?administration est la reine des abeilles, tout travaille pour son confort. Elle accapare la part du lion du budget. Elle gère la superficie à ses aises au point où on se demande comment de nombreux établissements se débrouillent pour accueillir leurs centaines d'élèves et les évacuer indemnes sans aucun lynchage. N'allons pas approfondir l?énigme de la recréation encore moins des activités sportives et autres pour gérer le trop-plein d'énergie de cette « faune » dans des couloirs lilliputiens. Sans parler des baisemains salamalecs seuls diplômes reconnus non falsifiables. Et qui fait le baisemain sinon celui qui n'a pas de compétence que son allégeance au chef. A défaut d'un savoir zen, ce spécimen offre généralement à sa classe son ignorance enrobée de sadisme. Faire peur n'est-ce pas le meilleur moyen pour le despote d'annihiler toute analyse chez le plus faible. L'élève finlandais ne connait pas la peur travaille dans un environnement spécialement étudié pour lui, c'est le directeur qui choisit ses maitres, ses parents ont un droit de regard sur le programme, tout est centralisé sur place tout échec toute réussite est mise sous microscope et assumée réparée localement. Mis en confiance, il s'implique en voyant les adultes à tous les niveaux s'impliquer pour qu'il réussisse dans une transparence qui donne le tournis. Chez nous, l?élève végète dans une atmosphère d'opacité totale tout en se comparant aux autres. L'école n'est pas un électron libre qui aurait avalé son noyau et l?enfant apprend cent fois plus dans la cour qu'en classe. Déstructuré de partout avec cet environnement malsain hypocrite guerrier violent qui lui vole son innocence et tous ses rêves. Entouré partout par des noms de martyrs qui glorifient à outrance la guerre la haine de l?autre, tout un passé qui n'est pas le sien et qu'on l'oblige à assumer seul. Supposé pavlovien, son moi se dissocie à l?infini quand c'est les donneurs de leçons qui bavent sur les mots qu'ils affirment honnir. C'est docteur Jekyll qui se fait assassiner par son mister Hyde avant de se suicider... Aldo compare l'enfant à un métaphysicien doublé d'un admirable stratège d'abord primaire, il vient avec un bagage inné. On sait maintenant que dans le cerveau de l'enfant il y a des circuits évolutifs qu'il ne faut en aucun cas empêché d'évoluer sinon c'est la stagnation. Il suffit juste de ne pas solliciter ces circuits pour qu'ils demeurent immatures. On appelle cette pathologie l' « hospitalisme »qui sévissait dans les orphelinats de la Roumanie de Ceausescu. L'école algérienne qu'on s'est voulu dès le début unique comme sa télé a dû brûler nombre de ces circuits qu'elle était censée stimuler pour développer un pays riche naturellement et aux frontières superbement tracées. Oui l?école Algérienne a formé des diplômés, heureusement, mais elle n'a fait que ça des diplômés au diplôme étatique qui n'a de valeur que nationale avec une Nation-gourou qui ne reconnait que ses adeptes. Combien sont-ils ces parents qui se ruinent pour des cours qui sont la copie conforme ou presque du sujet d'examen, combien sont-ils ces intellectuels dont le seul loisir est de prendre le relais scolaire défaillant. Combien sont-ils ces parents qui sont prés à dépenser leur dernier sou pour un bac vrai faux ou entre les deux. Combien sont-ils ces parents qui voient avec effroi leur gosse expulsé malgré leurs sacrifices et transformé en monstre comparé à l?ange timide qu'ils ont inscrit en première année il y a à peine une dizaine d'années avec l'?espoir d'en faire un toubib ou un juge. Et s'entendre dire de la part de fonctionnaires du ministère de l?Education Nationale: «C'est votre faute vous l'avez mal éduqué ! »Signalons que ce n'est pas les parents qui ont légué l?éducation de leur progéniture à l'école, c'est elle forte de ses capacités qui a voulu instruire et éduquer. « Une société malade ne se guérit pas en chargeant ?l'école de tous ses maux. » (1)Or peut-on concevoir une société malade avec une école en bonne santé ?ça n'existe dans aucun pays. Si le savoir fait la puissance des pays contemporains, l?école n'en a pas l?exclusivité. Beaucoup de génies n'ont pas connu cette respectable institution , exemple quelques noms connus de tous nos lycéens : James Watt, inventeur de la première machine à vapeur, enfant de santé très délicate, sa mère lui a appris la lecture son père l'écriture et le calcul ; Benjamin Franklin, journaliste philosophe homme d'Etat savant diplomate bienfaiteur de l?humanité, a dû quitter l'école à 10 ans pour travailler ; Michael Faraday découvreur du benzène, a liquéfié tous les gaz existants, on lui doit le principe du moteur électrique, l?induction électromagnétique qui a mené au dynamo et il a établi la théorie de l?électrolyse ( l?aluminium est produit par électrolyse). Faraday n'a fréquenté l'école de son village qu'une année ou deux avant d'être obligé de gagner son pain, ses parents étaient si pauvres qu'ils l'ont élevé dans une écurie etc. Et aujourd'hui tous ces enfants à peine pubères qui inventent en compagnie de leur seule passion dans des conditions non entravées. Ces précieuses graines n'auraient jamais germé sur notre sol car le système a vidé l?école de son contenu pour éviter justement cette floraison. « Toute l?invention, dit Racine, consiste à faire quelque chose de rien. » La Finlande a connu l?enfer du joug stalinien au point de s'allier au Reich contre l'URSS, un pays qui ne compte que sur les bras de ses habitants pour vivre, ni le plus riche ni le plus puissant ni celui qui martyrise ses enfants pour les faire bosser doublement. En comparaissant, la Finlande est classée 13eme après la France pour les dépenses éducatives par élève et en moyenne les élèves finlandais ont plus de 200 heures de cours de moins que leurs camarades de l?Hexagone(4) La Finlande est tout simplement bien gouverner infirmant Freud qui jugeait trois métiers impossibles : « Gouverner, psychanalyser et être parent. » En Algérie, on n'a jamais cherché à prouver les « impossibilités » du père de la psychanalyse. Gouverner, on ne connait pas et pour preuve, on n'a même pas encore sécurisé nos besoins vitaux : l'eau et le pain. Psychanalyser, heureusement il y a la religion gratuite et sans divan. Être parent, comment ? Quand l'équilibre mental des enfants est menacé par une école cousue à la Frankenstein par des ânes militarisés qui ciblent grands et petits après avoir détruit tous leurs replis.

(1)François de Closets (Le Bonheur d'Apprendre)

(2) Marlaine Cacouault et Françoise Oeuvrard (Sociologie de l?Education)

(3) Youcef Maachb, professeur université de Constantine ( Mise en Mots des Maux de l'Ecole Algérienne)

(4) Source : OCDE, Regards sur l'Education 2011 des pays de l'OCDE



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