|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La Malédiction Roman de Rachid Mimouni, Chihab Editions, Alger 2012
(Editions stock 1993), 255 pages, 500 dinars
Une œuvre publiée la première fois en France, en 1993, juste avant son décès prématuré» obligé à l'«exil» par ceux-là mêmes dont il avait dénoncé l'intégrisme («De la barbarie en général et de l'intégrisme en particulier», ouvrage publié en 1992). 1991 : C'est la grève «insurectionnelle» des islamistes intégristes à Alger, et l'occupation des places publiques. Objectif : «prendre» le pouvoir. Ils prennent le contrôle du plus grand hôpital d'Alger, «lieu de naissance et de mort», avec beaucoup plus de morts et de douleurs que de naissances et de joies, et y instaurent un ordre qui préfigure celui qu'ils veulent, alors, imposer au pays entier. Des histoires qui s'imbriquent. Un écrit-métaphore d'une nation déchirée. Un avenir incertain et insaisissable. Un passé mythifié . Une malédiction qui s'acharne, sans discontinuer, sur tout un peuple, avec son lot de discordes et de luttes fratricides. L'Algérie...de toujours . Maudite ? Qui sait. En tout cas une Algérie inespérée. Mais, une Algérie que, cependant, l'on aime. Or, les trop grands amours tuent? Celui-ci a tué, à «grand feu», de l'intérieur, Rachid Mimouni...à l'âge de 50 ans. Il voulait certainement «tout dire» avant de «partir». Avis : Un roman sombre, presque noir par son atmosphère mais sublime par son style . Du Rachid Mimouni, déjà bien talentueux, au sommet de son art. Mais, à lire avec modération par les sexagénaires et plus . Car, remuer les couteaux dans des plaies, encore vives, n' est pas recommandé pour la santé. Extraits: «Du centre du pouvoir n'émane qu'une odeur de cadavre en putréfaction» (p. 16), « A l'heure d'affronter la mort, les plus puissants de ce monde ont des frayeurs d'enfant» (p.91), « La justesse d'une cause n'a pas l'immense vertu de nous préserver de l'injustice. Bien au contraire, la conviction de notre bon droit a souvent tendance à nous rendre moins vigilants. Ainsi connmencent les dérives» Le remonteur d'horloge Récit romancé de Habib Ayyoub, Editions Barzakh, Alger 2012, 119 pages, 400 dinars De formation, il est cinéaste...devenu journaliste. Il a, déjà, produit, depuis 2011, six - oui, six - livres (romans, nouvelles, récits ..), toujours chez le même éditeur. Un écrivain à «tout faire»... mais un écrivain qui, tout en écrivant bien et juste, nous transporte ? en tout cas dans sa dernière «réalisation», «le remonteur d'horloge», dans un monde irréel mais cependant bien vrai. La magie de la fiction cinématographique transposée au récit livresque. Qui nécessite certes du talent, mais aussi un grain de folie et un brin de génie. L'histoire est simple. Un village du bout du monde (quelque part en Algérie), dirigé par des fonctionnaires de la Vérité, empêtrés dans leurs certitudes politiques, avec des citoyens versatiles? qui, pour faire face à la prochaine visite «officielle» d'un «sous-responsable» de la daïra de tutelle, se «plie en quatre» . On va jusqu'à ramener... de France (bien sûr) le «remonteur» d'horloge, le monument «historique», fierté du village, tombée en panne. Le très vieux français «rapatrié», sorti de sa maison de retraite provençale, revient donc, en force, comme «coopérant technique» d'un moment fort bien payé...et donneur de leçons, savourant son retour triomphal . Le tout est raconté de manière totalement «déjantée», avec un humour décalé que l'on ne s'arrête pas de savourer tout au long des pages, de toutes les pages. Avis : Un petit roman, une grande œuvre satirique. Une critique corrosive - cachée sous un humour simple mais efficace - d'une société totalement décérébrée, et qui n'arrive pas à vivre sa réalité, à se sortir de sa servilité et de ses viles passions humaines, se suffisant de ses rêves et acceptant toutes les «arnaques» de ses gouvernants. Extraits: «En politique, il ne s'agit nullement d'honorer des serments, aussi solennels soient-ils ; l'essentiel est d'être cru. Un serment en politique n'est rien d'autre, au fond et en quelque sorte, qu'une simple figure de style..» (p.32), «Le Peuple, c'est connu, après avoir assouvi ne serait-ce qu'à moitié sa colère, rentre toujours se coucher, hiberner pour ainsi dire, pour un temps, que les gouvernants mettent toujours à profit pour reprendre leurs jeux imbéciles, tirant des plans sur la comète pour ne jamais les appliquer jusqu'au soulèvement suivant ..» (p.113) Le sang de mars Roman de Tarik Djerroud. Editions Belles-Lettres, Alger 2011, 177 pages, 300 dinars Le livre raconte l'histoire, en France, d'un jeune émigré des années 90...né, en Algérie, durant la guerre de libération, d'un viol d'une Algérienne par un bidasse qui deviendra, plus tard, plein de remords car fervent catholique, un journaliste riche (car il a fait des «affaires») et considéré. Le hasard (le Mektoub) fait que les deux se rencontrent,ne sachant rien l'un de l'autre, sympathisent, vivent côte à côte, se soutiennent... L'appel du sang ! Une belle histoire ? un peu «tirée par les cheveux» - qui revient toujours à cette satanée réconciliation des cœurs, après la tragédie. Beaucoup de longueurs, style guide touristique, comme si l'auteur voulait nous décrire tout ce qu'il a vu et connu durant ses pérégrinations. Une sorte de Tour de France. Il nous emmène à Lourdes, à Strasbourg, à Bordeaux? Puis, sans doute fatigué, on a une fin en «queue de poisson», en «impasse», en point d'interrogation...comme les relations algéro-françaises. Le fils naturel sait qui est désormais son père (qui a violé sa mère, une mère qui est venue «faire un tour» en France et qui n'a pas reconnu son «violeur», et un fils qui, tout en étant bien installé, grâce à l'aide de son père, reste «déchiré» et sans choix). On trouve, cependant, dans cette œuvre, des pages intéressantes car elles nous livrent des points de vue ou/et des descriptions utiles. Ainsi, celle du journaliste: C'est comme les serveurs sur les terrasses de cafés. A chaque fois qu'on leur demande un verre d'eau, ils vous servent un verre d'eau à moitié vide? Avis : A lire. Par curiosité, l'auteur ayant décroché le Premier Bougie d'Or 2009 (il avait d'abord édité, à compte d'auteur, son œuvre). Et, surtout, pour encourager les gens qui veulent «avoir un enfant», un livre dans lequel ils mélangent souvenirs, mémoire, fiction?«Ecrire un livre, marmonnait Marcel (un personnage central du roman) sera ma plus belle aventure. Je me donne neuf mois pour y aboutir. Oui, il sera mon enfant. Il garantira la pérennité de ma vie. Il sera mon héritier, portera mes idées, mes réflexions et mes interrogations. Si je ne peux lui donner une éducation, il portera quand même un peu de ma philosophie. Si je ne peux lui donner mon sang, il portera quand même un peu de mon âme?». En fait, c'est ce qu'a tenté de faire l'auteur en y mettant du temps, de l'argent ( ??)... et pas mal de talent. Il faut de tout pour faire une littérature ! Extraits : «Quand je passe un appel (téléphonique, vers l'Algérie), on me dit que ça va bien, mais je sais ce que le «ça va» algérien signifie. C'est qu'on n'est pas encore sous terre» (p 29), «Qui parmi nous peut se targuer de ne pas être habité par la fibre dictatoriale ?... Le père de la nation n'est que son pire...D'un ramassis de fainéants, il compose un gouvernement... D'un troupeau obéissant, il forme une élite dite éclairée?Comme Icare, il n'aime pas les lumières de l'intelligence, ni la liberté non plus?car elles lui brûleraient les ailes. Les dictateurs sont durs car têtus, et faibles car fragiles..» (p.44) |
|