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Livres : Corinne au pays des mirages

par Belkacem AHCENE-DJABALLAH

LES TOURMENTS DE LA VENGEANCE Roman de Abdelkader J. Rachi. Editions El Musk. Alger 2012. 289 pages.

L'auteur qui a déjà produit un roman «Jours de cendre. Algérie, les années de sang (1992-1998)» aux éditions du Panthéon (France) en 2008 est, visiblement, comme beaucoup de citoyens de niveau universitaire et ayant occupé des postes de responsabilité à un niveau ou à un autre, «traumatisé» par les «évènements tragiques» des années 90?et, par l'«ardoise» de plusieurs dizaines de milliers de morts, et les dizaines de milliards de dollars partis en fumée, pour la plupart explicables par la «folie» religieuse et la «furia» terroriste de l'époque. On le serait à moins. La retraite a, assurément, du bon dans notre pays et car elle permet de dire ou d'écrire ce que l'on a toujours pensé? mais «devoir de réserve obligeait» : A travers ce roman, c'est un peu le r.é v.e.i.l. Après un long et interminable cauchemar. Le héros, absent durant longtemps du pays («exfiltré» vers l'étranger par son père, un commis de l'Etat, qui craignait pour sa sécurité et son avenir) revient au pays auprès de sa veuve de mère, le père ayant été assassiné par un enfant du quartier. Pourquoi ? Il avait simplement «signalé» le suspect (et non dénoncé) et les «fous de Dieu». La mère et des amis «qui lui veulent du bien (à la mère)» ont la ferme intention de faire payer le crime à un assassin devenu bon croyant et gros affairiste par la grâce du processus politique de «réconciliation nationale» qui avait en quelque sorte «amnistié» tous les criminels s'étant «rendus» (sans repentance, cependant).On ne sait plus quoi faire. Accepter ? Pardonner ? Se venger ? Mais comment ?... Non ! Il faut se plier aux règles élémentaires de la foi et, sans utiliser les mêmes armes qui conduiront, cette fois-ci, directement à la prison. Il faut passer à autre chose. Le retour définitif au pays, rester auprès de la maman qui, elle aussi, accepte de «passer l'éponge», trouver du travail,... de se marier bien sûr? pas avec une étrangère, cela va de soi? et de faire de beaux et nombreux petits algériens. Le «papy», dans son beau cimetière (comme s'il en existait encore !) sera heurrrrrrreux. L'imam du coin, aussi, qui va bientôt voir dans sa mosquée un fidèle de plus.

Avis : On sent, à travers l'écriture, que l'auteur en a (toujours) gros sur le cœur. Il vide son sac, tout son sac, car il y a énormément de digressions. C'est un peu (beaucoup) la chronique d'un «revenant» (à Alger et ses quartiers) et de quelqu'un de très déçu par la situation politique et économique du pays. Très beau dessin de couverture, mais reliure laissant à désirer. Caractères trop petits pour texte trop fourni.

Phrases à méditer : «Dans ce pays, l'amour est mortel. La mort, toujours la mort. On la donne pour un baiser volé ou une rencontre secrète» (p. 53), «Ce n'est pas une administration que nous avons, mais un monstre mangeur de papier» (p.210).

PARCOURS D'UN MILITANT

Un ouvrage mémoriel de Mohamed Mechati (avec une préface de Daho Djerbal et une post-face de Boubekeur Hamidechi). Chihab Editions, Alger 2009. 237 pages, 550 dinars

On a attendu ses mémoires de combattant durant si longtemps. Encore que? Car, durant plusieurs années, il n'avait pas manqué - un des cinq membres encore en vie qui ont pris part à la réunion? des «22» («21» selon lui) en juin 1954, à Alger - chaque fois que cela lui paraissait nécessaire, d'intervenir publiquement pour dire son mot, exprimer ses idées, rétablir la vérité ou tout simplement dire son fait sur des situations particulièrement délicates alors que beaucoup de «matamores» se taisaient ou se terraient. Franchement, directement, mais jamais brutalement. Et, dans le champ clos,depuis juillet 1962, de l'expression, de la famille révolutionnaire, il ?rattrapait?, par son propos, et par ses comportements quotidiens d' une honnêteté et d'une modestie désarmantes, aussi bien auprès de ceux de son âge qu'auprès de bien plus jeunes, tous les silences, toutes les contre-vérités et tous les évitements. Le livre est, donc, disponible, en attendant de voir sur le marché national son dernier-né, «Militants de l'indépendance algérienne ?mémoires 1921-2000», récemment édité aux éditions Tribord et qu'il a présenté au CCA de Paris, fin février 2013 :

- Une première partie faite de «confessions» : l'enfance, la vie militaire, durant la deuxième guerre mondiale et la prise de conscience, le militantisme au sein du PPA, la période de ?chef de zone de l'OS?, les divergences de vue et les discordes sur le déclenchement de la lutte armée? (point très important, car il éclaire sur la mise à l'écart du groupe de Constantine-ville qui ne fut pas mis au courant de la date du déclenchement de la Révolution armée... ce qui causa aux militants bien des déboires: connus et fichés par la police coloniale, les anciens éléments de l'OS de la région furent tous arrêtés, torturés et condamnés. Après avoir purgé leur peine, ils rejoignirent le maquis... «où ils subiront, pour certains d'entre-eux, le même sort que Abane Ramdane»). De ce fait, on comprend les reproches faits à Boudiaf? qui, lui-même, reprochait aux «Constantinois» d'avoir été quelque peu compréhensifs avec les «messalistes» de passage à Constantine. Il conte le passage au sein de la Fédération du FLN de France, les années de prison et... la suite bien amère puisqu'il s'est même retrouvé «accusé de vol» lors de son passage à l'ambassade d'Algérie en Allemagne, poursuivi en justice à son retour au pays? juste après le coup d'Etat du 19 juin 1965, et emprisonné à El Harrach durant cinq jours et cinq nuits...: «Les avatars d'une révolution». Ce n'est qu'en 1967 qu'il reprit sa carrière diplomatique? et même après, il ne fut nommé... que durant une seule année ambassadeur en Hongrie. On lui faisait payer assez cher son comportement de gêneur, à l'endroit «du pouvoir et de ses services», et son «peu de goût pour la complaisance envers les puissants».

Une autre partie, toute aussi importante, reprend les écrits et les interventions : «les articles de combat» comme il est précisé. Des articles qui, en leur temps, diffusés quasi-clandestinement ou publiés, avaient permis, alors, de garder l'espoir d'une Algérie digne du combat de ses chouhada.

Avis : A lire, bien sûr. En attendant de voir sur le marché national son dernier-né.

Phrase à méditer : «Oui, ce sont bien toutes ces tares : populisme et zaimisme surtout, qui continuent de tirer le pays vers l'arrière. Elles ont produit l'arrivisme, la prise du pouvoir réel par des opportunistes...» (p.124)

LA PETITE FILLE DU TASSILI Roman de Corinne Chevallier. Casbah Editions. Alger 2001.176 pages, 200 dinars.

Un histoire fantastique se déroulant au Tassili, en plein Sahara, vécue par un groupe de touristes à la recherche des peinture rupestres. Une mystérieuse petite fille apparaît. Qui est-elle ? D'où vient-elle ? Mirages et réalité se croisent, faisant revivre le peuple de jadis.

Avis : Corinne Chevallier n'est plus à présenter, mélangeant toujours savamment l'histoire et le rêve, le passé et le présent du pays.

Phrase à méditer : «Le désert, on le prend dans la gueule. On a beau s'y attendre, il ne vous fait pas de cadeaux» (p.63).