Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LA CARAVANE NE PASSE PAS, L'INFORMATION OUI

par K. Selim

L'affaire des bus de la caravane algérienne empêchés de passer en Tunisie pour le Forum social mondial est consternante? On se perdait en conjectures sur les raisons d'un tel interdit inutile et qui donne une image singulière d'un régime ayant peur de tous et de rien. Aucune explication officielle n'a été donnée, quelque part on a suggéré une raison bureaucratique - les bus devaient avoir une autorisation spéciale du ministère des Transports - et il est difficile de s'en satisfaire.

Les autorités algériennes ont, en définitive, l'art de ruiner, par reflexe répressif aussi pavlovien que contre-productif, leur propre image. Pas besoin d'accuser des propagandes «ennemies», il suffit de laisser fonctionner le réflexe à la place de la réflexion. Au point que l'on se demande si l'on ne voulait pas sciemment donner de soi-même l'image de citadelle assiégée, soupçonneuse, parano, qui voit la subversion «ennemie» partout? Que cela soit une manifestation de chômeurs - qui a été précédée d'un discours de mauvais aloi sur les menées «étrangères» et l'atteinte à l'unité nationale - ou celle d'un convoi de jeunes se rendant dans le pays voisin pour rencontrer d'autres jeunes et rêver avec eux d'un autre monde. Cette manière désuète - et néanmoins dangereuse - de se fabriquer continuellement des ennemis tourne à l'obsession.

Le climat détestable créé à l'approche de la marche des chômeurs s'est retourné contre les autorités elles-mêmes et leurs relais politiques qui ont été pris en flagrant délit d'exagération et d'affabulation. Les jeunes chômeurs se sont rassemblés, dignement, sans excès, mais avec la fermeté de ceux qui croient, à juste titre, qu'ils n'ont fait qu'exercer un droit légitime à l'expression. La manifestation réussie d'Ouargla était exemplaire, c'était une leçon de plus, qu'on ne gagne rien à fantasmer sur des menaces qui n'existent pas pour occulter des questions qui, elles, sont bien réelles. Une partie de ceux qui ont été privés de bus à la frontière ont rebroussé chemin avec dans les cœurs beaucoup de colère. Une autre partie, une centaine, est arrivée vaille que vaille à Tunis malgré cette sombre «histoire de papiers»? Ils sont passés de l'autre côté de la frontière et ont loué, auprès des Tunisiens, les moyens d'arriver à destination.

La participation algérienne au Forum social mondial n'est pas très forte mais cette histoire de «papiers» qui empêchaient les bus de passer a fait l'objet d'une publicité planétaire. Sur le mode de l'ahurissement. Et bien entendu, l'image du gouvernement algérien n'en sort pas rehaussée. Cette affaire de «papiers» est tellement incompréhensible que personne n'a l'idée de l'imputer à la très plantureuse et impotente bureaucratie algérienne. Nul en effet ne comprend qu'aucun responsable dans l'organigramme n'ait pris la peine d'appeler les préposés à la PAF pour décoincer la situation afin d'éviter de donner au monde l'image d'un régime coincé, bloqué? Comme s'il fallait attendre une réunion du Conseil des ministres pour régler un problème insignifiant. C'est triste. La caravane n'est pas passée, mais des jeunes ont fini par passer. Et l'information aussi est passée. Pas belle.