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La Syrie est tombée dans l'oubli et dans une crevasse.
C'est un cas clinique d'une transition échouée ou d'une révolution poussée vers
la mort. Sur le cas syrien, des algériens projettent leurs peurs intimes depuis
deux ans déjà: peur d'une révolution téléguidée par l'OTAN et l'Occident,
projection des fatalismes intimes, peur d'un retour du FIS et des GIA,
anti-colonialisme émotionnel?etc. Chacun y voit son destin possible,
imaginaire, fantasmatique ou manipulé. A la fin, le cas syrien a servi
puissamment à démanteler les vœux de changement en Algérie et ailleurs : «voyez
ce qui arrive si vous nous imposez le départ : les islamistes, la
recolonisation, le démantèlement».
Et le régime syrien ? Deux ans après les premières manifestations, on peut tirer les conclusions d'un machiavélisme majeur : voici «comment détruire un pays et stopper une révolution». Manuel à l'usage du criminel de guerre contre les siens. En un, il faut pousser les demandeurs de changement à devenir des rebelles puis des hommes armés. Militariser une révolution est déjà la détruire à moitié. En second, punir avec disproportion pour pousser au radicalisme. Celui des Djihadistes, le seul radicalisme connu et pratiqué par les populations «arabes» depuis la mort de la «Gauche» et la naissance d'El Qaïda. Devenus Djihadistes, les révolutionnaires sont donc terroristes. Et Bachar et les siens l'ont toujours voulu. En trois, pour faire simple, jouer sur les équilibres régionaux : si je tombe, tu tombes et il souffre. Bachar et son lobby sont des professionnels du métier du chantage : ils ont joué sur le front du refus, sur la Palestine, sur Israël. Autant pour inféoder les mouvements de lutte dans les parages du Proche-Orient que pour s'imposer comme uniques sous-traitants des lutteurs ou des terroristes de la région. En quatre, polluer la révolution, par des associations de malfaiteurs : Bachar saura bien jouer de la carte russe et faire de son cas un enjeu direct pour la fédération. En face, la révolution se retrouvera parrainée par des tuteurs adverses. Obligatoirement. Du coup, si Bachar n'est pas mort, la Syrie n'est plus qu'une devanture. En cinq, se présenter comme le défenseur des minorités. Cela soude la peur et vous donne le statut d'un rempart. Et ce manuel est à écrire. Le cas syrien est déjà un classique d'avortement qu'il faut éviter et qu'on ne peut éviter dans certains cas. S'y illustre les grandes impasses d'un peuple face à un régime qui est prêt à tout et qui est bâti sur de puissants «services» et polices politiques. Pour nous algériens, il provoque chez beaucoup le malaise et incarne ce choix du mal à accepter pour lequel optent certains comme solution préventive contre le pire. La Syrie morte dit qu'une révolution peut tuer et mourir elle-même. Que la solution est encore difficile entre accepter la féodalité d'un régime de castes et la féodalité d'islamistes en arme. Ce cas dit que face à la sauvagerie d'un régime on ne peut combattre que par la conviction de l'éternité que seule la religion fournit aux candidats à la mort. Et cette pensée est elle-même tueuse de liberté. La religion est aujourd'hui la seule monstruosité capable de faire équilibre à la monstruosité des massacres commis par les dictatures. Pour notre drame à tous. Conclusion provisoire ? Vivre sous Bachar tue. Tuer Bachar vous tue. Le remplacer par des barbus vous tue encore plus et se faire maquer par des puissances étrangères tue vos enfants et votre envie d'être libre. La Syrie est l'exemple d'une révolution dure ratée, et avortée pensent-on et dit-on chez nous pour que les gens ne bougent pas. Et cela est vrai. Mais c'est aussi le cas et l'exemple de jusqu'où mène une dictature bête et débile, de comment se concluent des années de monarchie filiale et de gestion par l'injustice et les «moukhabarates». Il faut être syrien pour pouvoir raconter le mépris, la peur, l'arbitraire, la torture, la prédation, les corruptions et les violences des Assad. Et il faut être syrien pour comprendre pourquoi certains préfèrent la mort aux crachats. Il faut être syrien pour comprendre le choix de beaucoup de syriens et pour admettre que le crime a été commis d'abord par la dictature du boucher de Damas et que ce qui a détruit la syrien ce n'est pas la demande de liberté mais le refus de la liberté au peuple au nom du «pays de papa». Hommage donc à ceux qui rêvent de liberté, entre ceux qui veulent la leur voler au nom du «Père» ou au nom de Dieu ou au nom des «Alliés». Conclusion ? Deux ans après, la Syrie libre prouve que la liberté a un prix et non pas que la liberté est un crime. N'en déplaise aux avocats des dictatures sécurisantes. |
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