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L'ex premier
ministre tunisien, Hamadi Djébali, qui s'affranchissait chaque jour un peu
plus, des décisions prises au palais de Carthage, par le président de la
république, par intérim. Et qui commençait, dit-on avec insistance, à faire de
l'ombre à son mentor, Ghanouchi.
Concentrait sur lui, depuis l'assassinat, le 6 février 2013, du militant de gauche Chokri Belaïd, tout ce que compte le pays comme outils et moyens d'analyses des faits et d'éclairage d'opinions. On s'intéresse à sa vie privée, à son parcours politique, à sa méthode de gouverner et à sa démarche, pour enfin être définitivement considéré comme un véritable homme d'Etat. Qualifié ainsi parce qu'il a osé une résolution visant un remaniement ministériel. Forts de ce constat, les observateurs sur place avaient hâtivement conclu à une cause à effet, entre l'assassinat de Chokri, l'initiative hardie de Jébali, et sa nouvelle dimension étatique. Jébali est comme ses prédécesseurs, natif de Sousse, la perle du Sahel, dans la Tunisie utile, et non moins généreuse productrice de premiers ministres. Depuis l'indépendance, le 20 mars 1956, la quasi majorité des hommes politiques tunisiens, sont issus de cet Est prospère du pays. Car avec le collège Saddiki, et lycée Carnot de Tunis, le lycée de Sousse en fut la principale sinon l'unique pépinière pourvoyeuse d'hommes politiques. Les présidents, Habib Bourguiba est né à Monastir, ville balnéaire, située à 18 kilomètres de Sousse, et Zine Al Abidine Ben Ali, est natif de Hammam Sousse, dans la banlieue Nord de la perle, Jawharat Es-Sahel, comme disent les tunisiens. En plus des deux présidents, cette région avait fourni également à la Tunisie, presque tous ses premiers ministres, tels que, Hédi Nouira, Mohamed M'zali, Zine El Abidine Ben Ali, Heddi Bekouche, Rachid Sfar, Hamed Al Karoui, Mohamed Ghanouchi, et le tout dernier Hamadi Djébali. Ce fils de menuisier devenu premier ministre, est ingénieur diplômé des universités françaises en thermodynamique. Il aurait été en rupture de ban avec son père dès son adhésion à l'islamisme politique, au sein du mouvement de la tendance islamique le MTI, redevenu En-Nahdha. Il fut, avec le doctrinaire idéologue, Rached Khériji, alias Ghanouchi, et Ali Laarayedh, ancien ministre de l'intérieur, et non moins également ingénieur, et promu premier ministre depuis le vendredi 22 février 2013, l'un des véritables piliers. Ils connurent tous les trois la prison, sous Bourguiba et sous Ben Ali aussi. La révolte du 14 janvier 2011, qui s'était faite, sans les islamistes, en fit d'eux les véritables décideurs de la tunisie. Officiant au palais de Dar El Bey dans la Casbah de Tunis, siège du premier ministère, Hamadi Djébali, avait après l'assassinat de Chokri Belaid, montré sur la scène politique tunisienne, qu'il y avait danger et péril en la demeure et qu'en conséquence, il fallait passer à une autre phase de gouvernement. Implicitement, il reconnaissait l'échec de l'équipe gouvernementale qu'il pilotait, dans sa composante humaine. Pour les tunisiens l'assassinat de Chokri Belaïd, est la manifestation tangible de la déficience, particulièrement, des services du ministre de l'intérieur. Alors, pour redonner de l'allant au mouvement islamiste qui conduit les affaires du pays. Jebali, sans en informer personne, semble-t-il, envisagea de remanier son gouvernement, en y intégrant des technocrates. Entendre ici des personnalités non partisanes. Il cherchait à priori un apaisement de la rue tunisienne et à rassurer l'opinion publique internationale et autres observateurs de par le monde, scrutateurs du respect des droits de la personne humaine. Cette initiative annoncée en solo avait déplu. Elle portait sur l'essentiel, à savoir, confier les portefeuilles de la justice et de l'intérieur, à des personnes censées incarner aux yeux de toutes les critiques, la neutralité, c'est-à-dire choisies, hors du noyau dur d'En-Nahdha. Cette sortie ne fut pas du goût du Majlis Echoura, du parti islamiste. Le 16 février ce mouvement faisait le rappel de ses troupes et de tous ses affidés à travers toute la Tunisie pour montrer sa désapprobation, et, du moins en façade, se désolidariser de Hamadi Jébali. L'objet de la manifestation, qui fut selon tous les observateurs, un flop, était de défendre la légitimité du gouvernement et de l'assemblée nationale constituante. Devant les 10 à 15 000 participants, alors que les organisateurs avaient annoncé des centaines de mille, se présentera dans une liesse proche de l'extase, le leader Ghanouchi, pour dire que la Tunisie, appartient à tous les tunisiens. Et que sa présence à cette manifestation était de dénoncer les conflits, les tensions, et les manœuvres, qui existent à travers le pays entre les partisans de la révolution et ses ennemis. A se demander où se situe Ghanouchi dans ce challenge, lui et son mouvement qui n'ont pas participé à la révolte du 14 janvier 2011 ? Mais le thème demeure fortement vendeur. Puis, enchaînant sur l'initiative de Hamadi Jebali, Rached Ghannouchi a estimé qu'un gouvernement de technocrates représenterait une sorte de coup d'Etat contre la légitimité. Dès à présent la rupture est pour les néophytes consommée, entre les deux hommes d'un coté, et de l'autre, entre Jébali et le mouvement En-Nahdha. A la fin de toute cette mise en scène, spectaculairement menée, Ghanouchi, fit en sorte de condamner les violences de toutes sortes, pour conclure en déclarant fermement: qu'En-nahdha ne lâchera pas le pouvoir. C'est dans cette dernière sentence que réside tout le projet politique nahdhaoui et toute sa stratégie. De leur coté, creusant à satiété l'évènement, et sans se défaire de cette propension, à trouver des explications à tout, et d'exhiber des justificatifs, même là où il n'en faut pas. Les tunisiens comme à leur habitude se sont lancés, à faire du formalisme, en convoquant de grands spécialistes du domaine, pour savoir, si Jébali avait le droit ou pas,de remanier son gouvernement ? Devrait-il ce faisant, au préalable, démissionner ? Est-ce que l'assemblée nationale constituante devait auparavant être consultée ? Etc. En tout état de cause, le 19 février Hamadi Jébali présentait sa démission au président de la république, Mohamed Marzouki, qui l'accepta. D'aucuns affirment depuis, que cette démission trouve ses causses dans l'échec du premier ministre sortant à former un gouvernement de technocrates. Car aucun parti ne voulait y participer. Les formations politiques, se sont montrées réticentes, pour préserver leurs chances de succès aux prochaines élections législatives et locales. Aucune formation ne voudrait demain, face aux électeurs endosser les capotages dans tous les domaines, et les plantages du gouvernement Jébali. Cela est une lecture au premier degré de l'évènement, qui par ailleurs se tient. Cependant les vraies raisons de ce renoncement sont à rechercher dans la stratégie d'En-Nahdha de durer au pouvoir. A ce propos la loi tunisienne du 16 décembre 2011, relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics, dite : la petite constitution, avait dans sa teneur omis le cas de la démission du chef du gouvernement, elle n'envisage dans ses articles, que les cas de l'incapacité ou bien le décès de ce dernier. Ainsi et toujours selon cette loi, le président par intérim, Marzouki doit désormais assigner au parti majoritaire à l'assemblée nationale constituante de désigner un candidat, que le président chargera de former un nouveau cabinet. Si après 15 jours de cette désignation, ce candidat échoue à former son gouvernement. Le président par intérim, de la république procédera à des consultations, avec les partis, les coalisions et les blocs parlementaires, en vue de former un gouvernement. En l'espèce, on n'est pas encore là, parce que, le Majlis Echoura du parti majoritaire En-Nahdha vient de choisir, son ex secrétaire général, et ancien ministre de l'intérieur Ali Laarayedh, pour ce poste, que le président Marzouki avait le 22 février, chargé de former le nouveau gouvernement. Avec cette nomination, l'exclusivité de fait, et l'apanage d'occuper ce poste, anciennement réservés aux personnalités sahéliennes disparaîssent. Laarayedh est natif de Mednine dans le Sud tunisien. Il est comme Jébali ingénieur mécanicien de marine marchande, il fut comme lui chef et porte parole d'En- Nahdha, et comme lui emprisonné durant dix ans. Il aura subi, durant, de terribles pressions psychologiques et autres sévices physiques. Sa femme également fut soumise aux pires brutalités dégradantes et avilissantes dans sa dignité, par l'état policier tunisien. Mais c'est sous son autorité au ministre de l'intérieur, que le drapeau tunisien fut arraché par un activiste islamiste du fronton de l'université des lettres des arts et des humanités de Manouba, et remplacée par l'étendard noir salafiste. Et que dans une action mémorable, une jeune fille étudiante brava ce gros bras et remis le drapeau national à sa place. C'est également sous son administration de ce ministère que des policiers et des agents de la garde nationale -gendarmerie- avait tiré sur des manifestants à Siliana, nord ouest du pays, pour les disperser, à la chevrotine. Cette munition est interdite d'utilisation, par les conventions internationales. En France elle est même interdite dans la chasse au gros gibier. Selon les experts français, elle ferait souffrir l'animal chassé, quand il n'est que blessé. On dit aussi que c'est lui qui aurait donné des ordres pour que les activistes des ligues de protection de la révolution, milices islamistes, ne soient pas inquiétés, après avoir incendié, l'ambassade américaine à Tunis. La destruction de 40 mausolées, dont la plus significative est celle de Sidi Bousaïd, dans la banlieue nord de Tunis, et la dégradation d'autres patrimoines tunisiens, avaient eu lieu pendant qu'il officiait au ministère de l'intérieur, et qu'il avait laissé faire. Comme qui dirait, après évaluation, cette promotion s'est faite sur un bilan, pour le moins négatif, en matière sécuritaire. La première mission de ce ministère de souveraineté qu'est le département de l'intérieur. Oui mais cette manière de procéder est en harmonie totale avec la démarche islamiste de gouverner. Les nahdhaouis de Tunisie, le confirment encore une fois, s'il en était besoin. En préparant cette chronique, je suis tombé sur un document qui renseignerait le lecteur, sur le nouveau premier ministre tunisien. Alors, j'ai décidé de le soumettre à tous. En 1990 et à la faveur de l'ouverture décidée par Ben Ali, en direction de l'opposition, Ali Laarayedh, alors secrétaire général d'En-Nahdha, donnait cette interview, aux journaux tunisiens, As-sabah, arabophone et le Temps hebdo, francophone. Il disait donc: «L'islam constitue pour nous la référence pour tous nos problèmes socio-économiques». - Êtes-vous pour la fermeture des bars ? «Oui, un pays musulman ne doit ni vendre, ni encourager la consommation d'alcool. Les savants de l'islam détermineront si les touristes étrangers peuvent consommer de l'alcool dans un pays musulmans», répondait l'actuel chef du gouvernement. - Êtes-vous pour la fermeture des hôtels ? «Oui, progressivement, pour nous orienter vers l'agriculture et l'industrie », disait-il. - Que pensez-vous du statut de la femme ? « D'abord, qu'on ne vienne pas nous dire que ce statut du code personnel est sans failles. Il a besoin d'être revu et discuté par des sociologues, des savants de l'islam, des juristes. Ensuite, on verra ses avantages et ses inconvénients», confirmait-il. - Êtes-vous pour la liberté de la femme ? « Comme principe oui, mais il faut le voir dans la dimension familiale » ! - Une femme peut-elle avoir un passeport et voyager seule ? «Les juges et les savants de l'islam détermineront les conditions ! » - Et si les juges et les savants de l'islam sont contre ces droits ? «On appliquera alors l'islam dont on cherche d'ailleurs souvent à souiller l'image ». - Croyez-vous que le port du voile est obligatoire ? « Oui, toutefois les femmes qui ne le portent pas sont des musulmanes qui commettent des péchés? Nous sommes pour une conduite saine ». - Êtes-vous contre le planning familial ? « Oui, je suis contre le planning familial ». Et comme cela se passait en 1990, il ne pouvait échapper à donner sa lecture de ce qui se passait à cette époque en Algérie. - Que pensez-vous des incidents en Algérie dont les auteurs semblent être des intégristes ? « Il s'agit d'une campagne orchestrée par les médias tunisiens visant à porter préjudice à notre mouvement? Le Front islamiste algérien fait d'excellentes choses dont les médias tunisiens ne parlent pas?». Alors, le nouveau premier ministre tunisien, fera-t-il mieux, plus, ou bien moins que ses frères d'obédience, algériens ? Pour ce qui concerne, nous connaissons le résultat. Son comparse Jébali, devenu secrétaire général du parti. Et alors que les résultats définitifs des élections à l'assemblée constituante n'étaient pas encore publiés. En premier ministre autoproclamé, faisait lors d'un meeting nahdhaoui, tenu le dimanche 13 novembre 2011, au théâtre de plein air de Sousse, à Sidi Dhaher, cette déclaration : «il s'agit là d'un moment divin, dans un nouvel Etat, dans un 6ème Califat, inchallah». Monsieur Laarayedh, son successeur premier ministre, concrétisera-t-il, le projet? Le programme politique dans cette mouvance, c'est qu'une fois au pouvoir, il n'est plus question de le lâcher, coûtera ce qu'il en coûtera. A chaque crise, et pour gagner du temps, sans apporter de solutions aux attentes des populations. On reprend les mêmes et on recommence. On change l'orchestre, mais la partition demeure la même. Pour la prise en charge financière de ces périodes d'atermoiements et de tergiversations, un petit émirat du golf, couleur grenat et blanc, y pourvoira. Le temps faisant son travail d'usure, tous les challengers et les tous les concurrents politiques, perdront des forces, les électeurs de leur coté, seront, eux aussi fatigués. Ainsi pour les autres, quand ils rêveront à reconquérir le pouvoir, il y aura loin de la coupe aux lèvres. Et si ce n'était là qu'un jeu de rôle, bien rodé dans cette mouvance, qui est entrain de se reproduire en Tunisie ? La réponse est par l'affirmative. Car le futur président de la république tunisienne, se nomme Hamade Jébali. |
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