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Intervention
militaire isolée mais pour l'instant réussie. Mais la partie comporte de
nombreuses manches?
En début de semaine, l'actualité au Nord-Mali était dominée par trois événements : la reconquête par les forces françaises de Kidal, dernière grande ville du Nord-Mali, la tenue d'un sommet de l'Union africaine (UA) et les déclarations de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères. L'arrivée de soldats français à Kidal intervient après la reconquête, au côté de l'armée malienne et sans grande résistance, des deux plus grandes villes du Nord du Mali, Gao et Tombouctou, qui étaient aux mains de groupes islamistes armés qui y ont multiplié les exactions depuis plus de neuf mois. La présence des forces françaises, non accompagnées pour le coup par les troupes du Sud-Mali dans cette ville située à 1.500 km de Bamako, était une des inconnues de la suite des opérations après la reprise de Gao et Tombouctou durant le week-end. Cette ville et sa région, dans l'extrême nord-est malien, près de la frontière algérienne, était le fief d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), un groupe islamiste armé allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Par ailleurs, le président malien Dioncounda Traoré, qui avait écrit, le 10 janvier, au président français François Hollande pour lui demander d'envoyer des troupes de toute urgence, est venu samedi soir à Addis-Abeba où se tenait la 20ème conférence de l'organisation panafricaine et a assisté mardi à la conférence des donateurs pour apporter une aide financière à son pays : 330 millions d'euros ont ainsi été récoltés. Son ministre des Affaires étrangères, Tieman Coulibaly, a confié que les témoignages de solidarité affluent de la part de toutes les délégations africaines présentes à ce 20e sommet de l'UA. Il est vrai que, victoire aidant, c'est plus facile. Enfin, on apprend que les forces armées françaises partiront «rapidement» du Mali, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a assuré au «Parisien», dans l'avion qui l'emmenait à la conférence des donateurs qui s'est tenue mardi 29 janvier à Addis-Abeba. «Libérer Gao et Tombouctou très rapidement faisait partie du plan», le ministre français des Affaires étrangères précise dans le même entretien « Maintenant, c'est aux pays africains de prendre le relais. Nous avons décidé de mettre les moyens en hommes et en matériel pour réussir cette mission et frapper fort. Mais le dispositif français n'a pas vocation à être maintenu. Nous partirons rapidement ». HOLLANDE AU MALI : UNE POSTURE GAULLIENNE? De son côté, le président François Hollande peut, à ce jour, tirer un bilan fort positif de l'intervention française. La reconquête des principales villes du Nord-Mali s'est effectuée sans encombre et même plus rapidement que l'on pouvait l'imaginer. L'affaire a été facilitée par un ébranlement interne des mouvements du Nord-Mali, le mouvement touareg MNLA appuyant l'offensive française et une autre composante Ansar Dine, subissant une scission interne. François Hollande a mené cette opération avec l'appui de l'ONU, de son Conseil de sécurité et avec même avec l'aval postérieur de l'Union africaine : lors de la déclaration de l'UA sur le Mali, adoptée à l'issue du 20ème sommet de l'organisation, les Etats-membres ont exprimé son soutien ferme à « l'assistance militaire française » et a lancé un appel pour la révision du plan militaire du Mali par l'augmentation des effectifs de la Misma, qui réunit les forces africaines déjà sur place. Les populations du Nord-Mali de Gao, Tombouctou et Kidal qui ont vu s'enfuir les groupes islamistes, semblent accueillir avec soulagement, sinon satisfaction les troupes françaises et africaines. Il n'y a eu à ce jour pas ou peu de règlements de comptes intertribaux. La satisfaction du président français doit être d'autant plus grande que si le soutien diplomatique fut très unanime tant auprès de ses alliés traditionnels que d'autres grands pays, l'action de la France fut très isolée sur le terrain militaire et notamment sur le plan européen. Seuls des pays africains, notamment membres de la CEDEAO ont mené conjointement avec la France la reconquête de « l'intégrité territoriale » du Mali. François Hollande peut certainement estimer qu'il vaut mieux raison tout seul que tort avec tout le monde. Il y gagnera certainement une reconnaissance internationale et l'on peut parier que la « voix de la France », vieille thématique gaulliste, résonnera plus fort ou tout au moins avec plus de considération. Sur le plan interne au champ politique français, le nouveau président socialiste n'a également que des lauriers à cueillir. A sa droite, l'UMP, principale formation d'opposition qui s'était déjà vautrée dans le ridicule en voyant s'affronter en fin d'année dernière ses deux principaux dirigeants, Jean-François Copé et François Fillon, pour la conquête de la présidence du parti, est obligée lèvres serrées et mines pincées de saluer l'offensive militaire et diplomatique de la France. A l'extrême-droite, du côté de Marine Le Pen, même silence gêné. Au sein du Parti socialiste, l'unanimité est de mise et à la gauche de la gauche, le Parti communiste comme Jean-Luc Mélenchon ont un peu de mal à contester l'accueil sympathique, voire parfois enthousiaste des populations « libérées » à Goa ou Tombouctou. L'affaire tombe d'autant mieux que sur le front intérieur du pays, François Hollande, malmené par les sondages, affronte aujourd'hui une situation périlleuse : l'économie ne redémarre pas, « l'inversion de la courbe du chômage » promise par le président pour fin 2013 laisse beaucoup d'observateurs très sceptiques, les recettes imposées par l'Allemagne (« Rigueur », « Austérité »?) ou susurrées par la Grande-Bretagne (« encore plus de libre de circulation des capitaux, encore moins de réglementations étatiques? »), ne convainquent pas les salariés français et ceux de nombreux pays européens. Le vieux pays est inquiet, il prend peur de tout (immigration, insécurité) et chaque débat de société devient un enjeu de querelle de famille comme l'ont montré les centaines de milliers de manifestants, les uns favorables, les autres opposés au « mariage homosexuel ». Dans ce contexte, François Hollande, fin admirateur de François Mitterrand, l'ancien président défunt, lui-même fin admirateur de son vieil adversaire, le Général de Gaulle, a opté pour une posture gaullienne : le Chef de l'Etat réunit le pays, assourdit les partis pris divergents, fait entendre à nouveau la « voix de la France », pour un combat humanitaire, béni de surcroît par les plus hautes instances internationales. OUI, MAIS? La situation sur le terrain est beaucoup plus complexe. Certes, l'intervention française bénéficie aujourd'hui du soutien au Nord-Mali du MNLA et d'une scission d'Ansar Dine. Une partie de l'un des trois groupes jihadistes armés qui contrôlent la région depuis neuf mois a décidé jeudi 24 janvier de faire sécession pour former le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA). L'Azawad est le nom que les Touareg donnent au nord du Mali. «Le MIA affirme de la manière la plus solennelle qu'il se démarque totalement de tout groupe terroriste, condamne et rejette toute forme d'extrémisme et de terrorisme et s'engage à les combattre», affirment les sécessionnistes dans un communiqué reçu par l'AFP. «Composé exclusivement de nationaux (Maliens), le MIA réaffirme son indépendance et sa volonté à aller vers une solution pacifique» à la crise au Mali, ajoutent-ils. Ils demandent un arrêt des hostilités avec l'armée française pour entamer «un dialogue politique inclusif». «La reprise de Kidal, but de guerre des forces françaises et maliennes, est importante pour le MNLA», commente Pierre Boiley, directeur du Centre d'études des mondes africains (Cemaf). Depuis le lancement de l'offensive Serval au Mali, le 11 janvier, le MNLA, mouvement de rébellion laïque, majoritairement composé de Touareg, avait profité au printemps 2012 d'un coup d'Etat militaire à Bamako pour finir de prendre le contrôle du Nord et proclamer l'indépendance de l'Azawad. Mais, il en avait ensuite été chassé, en juin 2012, par différents groupes islamistes, parmi lesquels Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), le Mujao et les Touareg d'Ansar Dine. Aujourd'hui le MNLA ne revendique plus qu'une autonomie de l'Azawad. Cette seule exigence impose trois conditions : une aide internationale conséquente pour le développement du Mali, la reconnaissance des droits des peuples touareg, une refonte pleine et entière de la République du Mali. Pourtant, les milices islamistes sont loin d'être défaites. En réalité, un tiers du Nord-Mali a été « libéré », « reconquis », on hésite sur les termes? L'Aqmi et ses alliés bénéficient de bases arrière dans de grandes zones désertiques dans les vieux massifs du Hoggar et du Tibesti. Certes, le Niger a accepté que les Etats-Unis déploient sur son territoire des drones destinés à surveiller les groupes islamistes armés dans le nord du Mali, et plus largement dans le Sahara. L'ambassadrice des Etats-Unis au Niger, Bisa Williams, s'est adressée lundi soir à Mahamadou Issoufou, président nigérien, qui a immédiatement accepté sa demande. Il n'empêche, la guerre sera longue et demandera la pleine participation des pays frontaliers et donc celle, outre le Niger, du Tchad, de la Mauritanie et plus particulièrement de l'Algérie. Pour quels objectifs communs ? L'Iran, qui préside actuellement le Mouvement des pays non-alignés, s'est déclaré prêt à aider à résoudre la crise en cours dans le pays africain du Mali. «En tant que chef du Mouvement des pays non-alignés, l'Iran est prêt à coopérer avec l'Union africaine (UA) pour résoudre la crise au Mali », réaffirmant la volonté iranienne d'une coopération entre le Mouvement et l'UA. M. Salehi a réaffirmé ses principes : « La République islamique est contre l'extrémisme, l'ingérence dans les affaires intérieures des pays et l'intervention militaire ». Bon ! «VERITE EN DEÇA DES PYRENEES, ERREUR AU-DELA» Mais M. Salehi a en outre critiqué l'approche des pays occidentaux envers les groupes extrémistes comme « double standard et paradoxal », en expliquant: «L'Occident soutient les groupes extrémistes en Syrie, mais s'oppose à ces groupes au Mali.» La remarque ne manque pas de pertinence. Certes, aucun conflit militaire ne ressemble à un autre. Et l'on ne peut mettre dans un même pot l'Afghanistan, la Tchétchénie, la Syrie, la Somalie, le Mali et d'autres encore? Citons pour une fois le « Quotidien du Peuple » qui pose quelques remarques intéressantes : «L'armée française a envoyé des avions militaires et des troupes au sol pour aider l'armée malienne et commencé ses opérations militaires contre les groupes islamiques armés. Cet événement soudain a fait que la France s'est détournée de la Syrie, tandis que l'accent principal a été mis sur le Mali (?) Du point de vue des considérations géopolitiques, le Mali est évidemment plus important que la Syrie. Le Gouvernement français estime qu'il y a peu de chances que le régime syrien soit renversé dans un proche avenir (?) C'est tout le contraire de ce qu'il pensait il y a quelques mois. Dans un premier temps, la France estimait que l'opposition armée en Syrie, forte d'un soutien actif des pays occidentaux, aurait été en mesure de prendre rapidement Damas et de renverser le régime actuel dirigé par Bachar el-Assad. Pour cette raison, la France, craignant que les Etats-Unis ne prennent la main, s'est dépêchée de reconnaître l'Union nationale de l'opposition syrienne et des forces révolutionnaires (ci-après dénommée l'« Union Nationale ») créée en novembre de l'année dernière, comme «représentante légitime du peuple syrien», et accepté que l'organisation envoie des « ambassadeurs ». Mais aujourd'hui, elle se sent impuissante face à la situation apparemment inextricable en Syrie ». Si l'islamisme radical est l'ennemi principal, il faudra que le ministre des Affaires étrangères français rende cohérentes ses déclarations et, dans tous les cas de figure, il faudra expliquer à Laurent Fabius que la France, faute de ne pas respecter ses engagements très honorables, ne pourra pas « partir rapidement » du Mali. |
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