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Il y a des termes
et des expressions qui mettent le présent chroniqueur en fureur (ou presque).
C'est le cas, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi, de la liste
suivante (non-exhaustive) : «Comité central», «Bureau politique», «Institutions
de la Nation», «Plan quinquennal», «réalisations», «accomplissements»,
«Constantes nationales», «mandat», «révision constitutionnelle», «choix du
peuple», «main de l'étranger», «complot» ou encore «famille révolutionnaire».
Entendre ces mots, c'est me sentir sur la défensive avec l'envie d'attraper un
marteau pour fracasser celui qui vient de les prononcer. C'est-là, le signe de
l'existence d'un stress post-traumatique que je pense être partagé par des
millions d'Algériennes et d'Algériens? Mais, il existe aussi d'autres
irritations langagières. Commençons par le terme «festif». Je sais, cela peut
paraître bizarre, mais ma détestation de ce mot remonte au début des années
1990. Alors que le pays était à feu et à sang, un zozo m'avait appelé d'une
rédaction parisienne pour me demander si je pouvais réécrire mon article sur la
situation des médias algériens de façon à le rendre «plus festif»?
Evoquons maintenant le vocabulaire sportif. Grâce aux commentateurs et autres consultants, le «tout à fait» s'est répandu comme un poison aux quatre coins de la francophonie (ah, le «tôotaâfé» cher à Canal-Algérie et aux pâtisseries dites huppées de la capitale?). Et, depuis quelques années, ceux qui suivent le foot ne parlent plus d'occasion de but mais d'«opportunité» (par contre, ils ont tendance à abandonner le vilain «scorer»). De même, ne disent-ils plus «un début de match» préférant user et abuser de «l'entame» (ah, que c'est insupportable !). Autre exemple, ils ne diront pas qu'un joueur a levé la tête «pour repérer ses coéquipiers démarqués» mais «qu'il a pris l'information» avant de centrer, comme s'il était équipé d'un capteur ou d'une caméra embarquée. Mais, c'est surtout en entreprise que le terme information est souvent malmené et pris en otage. Par les comptables et les auditeurs, par exemple, dont le travail dépend aujourd'hui de la qualité «du système d'informations» alors qu'il ne s'agit en réalité que de vulgaires collectes et traitements de données. Parler d'information quand on brasse (et arrange) des nombres, cela rend le métier et sa pratique plus honorables. L'entreprise est aussi un nid infesté par l'horripilant franglish : «reporting» (pourquoi ne pas dire tout simplement «rapport» ?), «deadline» (date-butoir), «la to-do list» (pourquoi ne pas inventer un «liste-à faire» ?), «checker» au lieu de vérifier, «forwarder» pour envoyer ou faire suivre?, «implémenter» au lieu d'installer, et si l'on veut «candidater» en ligne, il faudra «renseigner le formulaire» et bien faire comprendre au recruteur que l'on sera des plus «proactifs». Je déteste ces expressions grandiloquentes comme l'incontournable «toutes choses étant égales par ailleurs» que je soupçonne d'être calquée sur «les conditions normales de température et de pression» propre aux programmes de physique du cycle secondaire. Et les personnes qui l'utilisent en ramenant leurs mains doigt contre doigt, à la manière d'un politicien sur un plateau de télévision, vous parlent de «péréquation» au lieu de dire simplement mode de financement ou de redistribution? (Un peu comme les sociologues qui ne cessent d'user du terme «paradigme» sans jamais nous expliquer ce qu'il signifie?). La vie de tous les jours fournit, elle aussi, son contingent d'expressions urticantes. «Je reviens vers vous ?de suite'» me dit tel ou tel employé ou guichetier. Où est donc passé le ?tout' ? Le pire, dans l'affaire, c'est que celui qui prononce ce ?de suite' pense que la tournure est sophistiquée tout comme lorsqu'on vous assène un «incessamment sous peu». Parlons aussi du stupide «bonne fin d'appétit» que le serveur vous inflige lorsqu'approche la fin du repas (je préfère de loin les «sèèèrviice» et «san-anté» belgo-suisses). Et que dire de ce «au jour d'aujourd'hui» que l'on entend souvent en guise de propos liminaire. Peut-être faudra-t-il bientôt dire «au jour d'hier» et pourquoi pas «au demain de demain» plutôt qu'après-demain? Je n'oublie pas non plus le très prisé «de vous à moi» qui est censé amorcer une confession prononcée sous le sceau du secret et de la franchise. Revenons aux anglicismes dont il serait vain de dresser la liste complète. Il y a le «définitivement» que l'on emploie comme son faux-ami «definitely» pour dire «sans aucun doute», «absolument» ou «incontestablement». Commence aussi à se répandre un «actuellement» employé pour dire «en fait» ou «vraiment» ce qui revient à singer le «actually» anglais. Ne parlons plus de défi mais de «challenge» et apprenons qu'un document n'est plus vérifié mais «screené». Il y a aussi celles et ceux ? y compris les scientifiques et universitaires ravagés par le globish - qui vous parleront d'un problème ou d'une affaire à «adresser» (influence de «to address») plutôt qu'à traiter. Au passage, signalons que ce dernier verbe est devenu le synonyme d'insulter (Madame, il m'a traité?). Et, si un jour est organisé un concours de la meilleure chronique, j'espère que la mienne sera sélectionnée et non pas «nominée» (aujourd'hui, on «nomine» même les ministres?). Voilà donc qui est dit et, actuellement, toutes choses étant égales par ailleurs, cela implémente du bien en soi. Pour finir, en ce jour d'aujourd'hui et à l'opportunité de l'entame de 2013 (et de 2963?), je vous souhaite une bonne fin de lecture et je forwarde, de vous à moi, mes vœux les plus festifs, en espérant que cette nouvelle année vous sera proactive, qu'elle adressera vos soucis et qu'elle sera celle des grandes réalisations. Définitivement. |
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