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Volonté
d'aboutir, d'engager de nouvelles relations et de lancer un partenariat
d'envergure. Les conditions semblent réunies pour relancer les relations
algéro-françaises. Il n'en sera rien.
Trois raisons de se féliciter de la visite de M. François Hollande en Algérie : elle a permis à Alger de faire un brin de toilette ; elle offrira aux parlementaires algériens, députés et sénateurs, d'écouter un discours du chef de l'Etat français, eux qui n'ont jamais reçu la visite du président Abdelaziz Bouteflika ; et puis, François Hollande n'a jamais pensé se faire accompagner par Enrico Macias. Pour le reste, la visite du chef de l'Etat français aura peu d'impact. Elle n'influera ni sur l'Algérie, ni sur les relations algéro-françaises. Malgré les discours élogieux et l'enthousiasme qu'une partie de la presse tente de susciter, il faudra bien se rendre à l'évidence : cette visite ne marquera pas l'histoire, car elle réunit des partenaires inadaptés l'un à l'autre, presque incompatibles. Deux pays qui évoluent dans des trajectoires si divergentes qu'ils semblent condamnés à ne rien faire ensemble de significatif avant longtemps. La visite de M. Hollande avait été décidée avant même son élection. Elle allait de soi, pensait-on des deux côtés. Après les amères expériences avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, l'avènement de M. Hollande était perçu comme un soulagement. Voilà enfin un président français capable de faire preuve d'ouverture pour aborder les problèmes autrement que comme l'héritier des anciens colons. Malgré l'accumulation des contentieux, les deux parties pensaient avoir le temps d'aplanir les différends. Et ce n'est pas la volonté qui a manqué. Une réelle envie d'aboutir à quelque chose a animé les dirigeants des deux pays. Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Plusieurs éléments ont contribué à créer une situation ingérable. Y compris la personnalité de M. Hollande. Certes, l'homme est un adversaire déclaré de la pensée coloniale, et il a affiché de vraies dispositions à assainir les relations bilatérales. Mais M. Hollande pose une énigme en Algérie, comme l'attestent les commentaires très contrastés qu'il suscite. Les Algériens ne savent de quoi il est le précurseur, et de qui il est héritier. Est-il héritier des lumières ou de la guerre d'Algérie, de De Gaulle et de la Françafrique, ou de Mitterrand et ses ambiguïtés ? Héritier de mai 68 ou représentant du CAC 40 ? Est-ce, comme le suggère son look, un homme de la IVème république, celle que détestent les Algériens, en raison de son indécision et des tâtonnements qui l'avaient amenée à voter les pouvoirs spéciaux ? Ou est-ce un homme de son temps, vivant au carrefour de l'humanitaire et de la finance internationale, plus sensible aux pressions de l'Allemagne et de l'Europe que des aspirations du Sud ? Il y avait une crainte de voir sa visite prise en otage par les questions de mémoire. Elle a été détournée par le CAC 40. C'est de bonne guerre. On ne fait jamais autant d'affaires que dans la confusion entre sentiments et diplomatie. Mais le principal obstacle qui empêche les relations algéro-françaises de décoller réside dans le décalage entre les systèmes politiques des deux pays, et leur nature profondément divergente, qui les empêche de se comprendre. La France, malgré ses archaïsmes et la tourmente de la crise, est dans son monde, en pleine construction de l'Europe. Mondialisée, soumise aux phénomènes économiques et sociaux propres à l'ère moderne, elle tente de conserver une stature que son envergure économique ne lui permet plus. Mais elle se débat, elle agit, elle tente de s'imposer, et, à défaut, de faire illusion. En face, elle a comme partenaire un système politique du passé, dépassé, incapable d'anticiper, d'aller de l'avant. Ce n'est pas lié à l'âge des dirigeants, mais à leur façon d'appréhender le monde. M. Bouteflika était au pouvoir à l'ère de Khroutchev et Kennedy. Il a brillé avec la guerre froide et le non-alignement. Depuis, plusieurs siècles se sont écoulés, dont celui de la chute du mur de Berlin, celui du 11 septembre et celui du printemps arabe. Mais il n'en tient pas compte, comme s'il ignorait le temps. Ce n'est pas seulement un décalage de génération. C'est toute une perception du monde qui sépare MM. Hollande et Bouteflika, et qui sépare également les systèmes politiques qu'ils dirigent. L'un ramène des chefs d'entreprises qui vont signer des contrats pour gagner de l'argent, en espérant qu'au bout du compte, cela créera de la richesse et des emplois en France ; l'autre amènera des chefs d'entreprises pour leur donner des instructions en vue de signer des contrats pour prouver qu'il garde la haute main sur les décisions économiques. L'un amorce, pour son pays, une tentative de l'inscrire au mieux dans le monde qui s'annonce, avec l'émergence de la Chine et des pays émergents, en essayant de voir dans quelle mesure il peut contribuer à booster l'économie de son pays; l'autre tente de voir comment de nouveaux accords politiques et économiques avec la France pourraient servir son pouvoir et lui assurer de se maintenir. D'un côté, on cherche la meilleure formule pour élargir la présence de l'industrie automobile française, et comment servir le CAC 40 ; de l'autre côté, on affiche une grande satisfaction parce qu'on va produire quelques milliers de véhicules dans un marché qui atteindra bientôt le million d'unités. C'est ce contraste qui empêche les deux pays d'avancer. Le reste n'est qu'un habillage. Et tant qu'il n'y aura pas deux systèmes capables de se faire face, avec les mêmes armes et le même langage, le dialogue algéro-français restera un dialogue de sourds ; un dialogue durant lequel un sourd piquera tout de même l'argent de son partenaire. |
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