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7 novembre 1987,
7 novembre 2012, hier il s'était exactement passé 25 ans après «le changement
béni», at-tahaoul al moubarek.
C'était par cette litote que les sbires de Ben Ali imposèrent à tous les tunisiens de nommer, le coup d'état par lequel le généralissime, premier ministre déposa son chef, le président Habib Bourguiba, pour cause de prétendue sénilité, attestée par une pléiade d'éminents médecins sur la place de Tunis. Au cours de ces 25 ans il y eut des éclaircies et des périodes obscures, des troubles et de l'accalmie. Puis vinrent le népotisme et le clientélisme charognards que coiffait une oligarchie des parents et des alliés du faiseur du changement bénit. Vorace, cupide, indécente et licencieuse. Elle ne reculait devant aucun motif, moral ou matériel fut-il. Elle devint enfin liberticide. Dans cet état des lieux, la contre réaction endémique et latente de la cité, eut son prolongement au palais de Carthage, où un autre général, chef de la garde présidentielle, Ali Seriati emballa son chef, au sens propre comme au figuré, lui fit peur, le fit monter dans un avion et l'expédia en un aller simple en Arabie Saoudite, le 14 janvier 2011. Ce jour là les tunisiens se révoltèrent, firent échec au projet de Sériati qui convoitait le pouvoir, chassèrent tous les potentats et entamèrent de réaliser les acquis de leur révolte. Ils élirent dans l'euphorie, et pour ce faire, une assemblée nationale constituante à majorité frères musulmans. Ceux là mêmes qui n'avaient justement pas participé à la révolte et qui depuis sont les véritables décideurs de tunisie. Depuis lors, tout dans la Tunisie post révolte, reste à entreprendre, car une révolte populaire ne peut se résumer à un tout faux, ou bien à un tout juste. L'étape qui suit, celle du jour d'après est immanquablement teintée de nuances. Néanmoins, le spectre du nuancier, dont les sources avaient été, la contestation, la rébellion et l'insoumission à un ordre liberticide établi, générera de l'instabilité, même passagère, à tous les niveaux. Entre le 14 janvier 2011 date de la révolte tunisienne, et l'élection des membres de la constituante, le 23 octobre 2011, beaucoup de réalisations avaient été accomplies, pour stabiliser le pays. Dès le mois de mars 2011 la haute instance de la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, avait été mise en place. Sa direction fut confiée au professeur yadh Ben Achour, qui s'attellera avec d'autres hommes et d'autres femmes, notamment à préparer l'arsenal juridique, avec comme points d'orgue, la création de l'institution supérieure indépendante des élections d'une part, et de l'autre, la rédaction et la promulgation de la loi électorale. Les élus à l'assemblée nationale constituante avaient été mandatés, en principal, pour élaborer une nouvelle constitution, en remplacement de celle de 1959. De légiférer durant cet intermède et enfin de contrôler l'action gouvernementale. Néanmoins, ils ont tout de suite outrepassé leur mandat. Jusqu'à l'heure d'aujourd'hui, l'assemblée constituante tunisienne pèche par deux manquements aux objectifs que lui avait assignés le décret n° 2011-1086 du 3 août 2011, portant convocation du corps électoral pour l'élection de l'assemblée nationale constituante. Dans son article 6 il est énoncé que: «L'assemblée nationale constituante se réunie, après la proclamation des résultats définitifs du scrutin par la commission centrale de l'instance supérieure indépendante des élections, et se charge d'élaborer une constitution dans un délai maximum d'un an à compter de la date de son élection''. Le délai imparti est dépassé et forclos depuis le 23 octobre 2012, toutefois la nouvelle loi fondamentale de la 2ème république tunisienne n'est toujours pas élaborée. Et au-delà du fait que la teneur de cet article 6 ait donné de la matière aux juristes et aux constitutionalistes tunisiens de polémiquer à grosses manchettes, il n'en demeure pas moins que la mission de l'assemblée nationale constituante n'a pas été accomplie. Ce qui pousse logiquement à se questionner, sur les raisons de ce rendez-vous manqué. C'était le plus important d'entre tous les autres, puisqu'il s'agissait, du moins en théorie, de produire l'acte refondateur de la république tunisienne, comme voulue par les révoltés du 14 janvier 2011. Il y a en Tunisie, nettement perceptible, un sentiment de frustration, puisque la majorité au sein de l'assemblée constituante, détenue par le mouvement islamiste d'En-Nadha, ne semble pas pressée d'en finir, donnant l'occasion à tous de penser, et l'opportunité à ceux qui sont directement concernés, que les priorités de la majorité à l'assemblée tunisienne, ne sont pat les mêmes que ceux de la majorité des tunisiens. Par delà les controverses entre la forme du futur Etat tunisien, civil ou bien théocratique comme semblent le montrer les débats. Ou bien les interminables discussions sur le futur régime, serait-il présidentiel ou bien parlementaire ? Les réponses aux attentes des tunisiens, qu'elles soient d'ordre philosophique sinon socio-économique tardent à venir, et les besoins premiers de la population sont par atermoiements itératifs, ajournés et différés. Malgré tous ces flottements et autres incertitudes, à l'assemblée constituante on profite de tous les sujets, pour créer des désaccords et des malentendus sur la sémantique. Ainsi le sport national au palis du Bardo, consiste pour chaque élu à bondir sur ces maladresses linguistiques et ces imprudences syntaxiques parfois fabriquées de toutes pièces, et bonjours les joutes oratoires sur le sens caché, et les envolées grandiloquentes sur les significations apparentes et affichées des mots, leurs origines, leurs racines, leurs entendements, leurs intellections et leurs compréhensions. Ce fut le cas au palais qui abritait anciennement la résidence beylicale, où siège actuellement l'assemblée tunisienne, quand il s'était agit de définir constitutionnellement les droits des hommes et celui des femmes, leur égalité, ainsi que le respect de la parité entre les sexes. L'article objet de divers conflits, avait été particulièrement dénoncé par la quasi majorité de la société civile. Cet article dispose que : ?'l'Etat assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée de l'homme dans le développement de la patrie». Les critiques reprochent à la formulation de cet énoncé et à ceux qui le portent d'être rétrogrades et réactionnaires au sens premier des deux termes, car il consacre la complémentarité et non l'égalité entre l'homme et de la femme. Ils avancent que le statut personnel, majalat al ahwel al chakhsia, qui date de 1956, était plus avant-gardiste et plus libéral, puisqu'à l'époque déjà il prohibait, la polygamie et autorisait les femmes à pouvoir demander le divorce, pareillement aux hommes. Devant cette levée de boucliers, comme par le passé, ce sont les ténors d'En-Nahdha, qui sont venus à la rescousse pour soit disant recadrer les choses, alors que ces choses étaient intentionnellement décidées pour asseoir une nouvelle forme de l'Etat en tunisie. Une première fois ce fut Rached Khéridji, alias Rached Ghanouchi, qui était intervenu pour mettre fin aux acrimonieux débats quant à en faire ou non de la charia l'unique source de législation en Tunisie. Il accepta finalement comme par enchantement, que l'on gardât en l'état le premier article de la constitution de 1959, qui dit que : La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain: sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la république''. Egalement, pour l'insertion ou la distraction du terme complémentarité, ce fut le premier ministre Hammadi Jébali, deuxième personnage d'En-Nahdha, qui déclarait le 13 août 2012, ceci :'' La Femme est l'égale de l'Homme, et l'Homme est l'égal de la Femme. La question de l'égalité a déjà été tranchée depuis longtemps en Tunisie, et elle est même mentionnée dans le Coran. Et il ne convient donc pas d'en faire l'enjeu de surenchères politiques''. Le double langage, l'ambivalence et le rétropédalage, sont la marque de fabrique et l'estampille de la maison des frères musulmans de par le monde. Les louvoiements et les faux fuyants aussi. La priorité pour ceux de Tunisie étant de s'accaparer des postes clé de l'appareil étatique, de nommer leurs condisciples dans tout les processus décisionnels, à la veille d'élections législatives, déterminantes pour la survie de leur mouvement et pour la Tunisie nouvelle. Il est également dans les usages et les us de ce courant politique islamiste des tester les forces en présence dans leur environnement pour jauger les contre pouvoirs, évaluer leurs réactions et mesurer leurs degré d'influence sur le cours des évènements politiques. A partir de ces estimations, ils entament ou temporisent pour marcher sur les plates bandes des autres, et pour phagocyter les autres sphères du pouvoir. Un des leurs en Algérie avait scandé haut et fort pour se replacer, à un moment de baisse d'emprise de son mouvement sur certains rouages résolutifs du pays, qu'il détenait des dossiers. Mais quand il fut acculé par le président de la république à la télé et en direct, il ravala tout son discours, et fit le mort. Il se fit oublier de la scène politique le temps que l'ire présidentielle et l'orage passèrent. En Égypte le président Morsi qui avait démit de ses fonctions le procureur général égyptien, Abdelmajid Mahmoud pour soit disant, calmer la colère du peuple égyptien au lendemain de l'acquittement de pontes du régime déchu de Hosni Moubarak. Il le nomma ambassadeur près du Vatican, pour ensuite revenir sur sa décision, quand ce même procureur lui fit savoir au cours d'un entretien, que selon la loi aucun élément du corps judicaire ne peut-être démis de ses fonctions par le pouvoir législatif. Mais en dépit des dégâts enregistrés dans cette aventure égyptienne, l'honneur, s'il en est, reste pour l'opinion publique, presque, sauf. En Tunisie le chef du gouvernement procéda à l'extradition de l'ancien premier ministre de Kadhafi Mahmoud Al-Baghdadi, sans en référer ni en informer le président de la république par intérim, Moncef Marzouki, qui se contenta de déclarer que le chef du gouvernement en agissant de la sorte avait outrepassé ses prérogatives. De ce bras de fer, Hammadi Jébali en sort triomphant, et le rapport de force à partir de cet épisode conforte les véritables décideurs en Tunisie dans leur rôle de patron dans le jeu politique. Parallèlement à cela, quand il s'agit justement d'intervenir rapidement, pour au moins faire respecter les lois, les règlements et assurer l'ordre public, ils font de la procrastination. Dans ce contexte et à titre illustratif et non exhaustif, il est à s'interroger pour savoir où en sont les enquêtes pour déterminer les responsables et les présenter à la justice tunisienne dans les affaires suivantes : les différentes attaques de salles de cinéma, et des salles d'exposition d'œuvres artistiques, les descentes punitives contre les bars d'hôtels, la destruction et le vandalisme subis par le mausolée de Saïda Manoubia, monument historique faisant partie du patrimoine tunisien. L'attaque de l'ambassade américaine et le saccage de son école. L'affaire du 18 octobre 2012 à Tataouine, où Lotfi Nadgh secrétaire général de l'union régionale de l'agriculture et de la pêche, mais surtout coordinateur du mouvement animé par Béji Caïd Sebsi, Nida Tounès, est mort de mort violente au cours d'une manifestation organisée par le comité de protection de la révolution, en fait des groupuscules d'islamistes. Dans cette affaire, le pré rapport d'autopsie révèle un cousin du supplicié, conclut à des coups provoqués par des objets massifs dont une barre de fer et un marteau. Plusieurs côtes cassées, en plus d'un bras. Treize coups sur le dos provoqués par des gourdins, entre autres et un autre coup porté par un objet contondant derrière l'oreille, lui a été fatal. Dans le même inventaire des tergiversations, le dernier évènement en date, c'est l'agression, par un ou des salafistes, durant la nuit du 27 octobre du commandant Wissam Benslimane, chef de la brigade de la sécurité publique du district de Manouba au Douar Hicher, venu avec ses hommes rétablir l'ordre républicain, après une bataille rangée entre des vendeurs de boissons alcoolisées et des islamistes radicaux. L'officier de police est depuis à l'hôpital. Dans la même affaire, Nacer-Eddine Aloui le nouvel imam auto proclamé de ce quartier depuis les évènements, avait le jeudi 1èr novembre, pris à partie et en direct, sur la chaîne télé Et-Tounsia, le ministre de l'intérieur Ali Laarayadh, et son collègue de la justice, Samir Dilou, tous deux d'En-Nahdh, et leur avait lancé en exhibant un morceau de tissu blanc à l'écran cette tirade : ?'J'ai préparé mon linceul après la mort de deux martyrs et j'appelle les jeunes du réveil islamique à faire de même car le mouvement Ennahda et d'autres partis politiques veulent des élections sur les ruines et les cadavres du mouvement salafiste''. Et il avait poursuivi en bien articulant : ?'Je vais faire la guerre à ces gens-là car le ministre de l'Intérieur et les dirigeants d'Ennahda ont choisi les Etats-Unis comme leur bon dieu. Ce sont les Etats-Unis, ces pharaons des temps modernes, ces Houbels, qui sont entrain de dicter à ceux d'En-Nahdha les lois et la constitution tunisiennes''. En somme une déclaration de guerre. Des informations datées du samedi 03 novembre rapportent que cet iman avait été arrêté. Les forces de l'ordre, -les policiers et les gendarmes dépendent en Tunisie du ministère de l'intérieur- souvent malmenées depuis la révolte avaient en réaction désespérée devant cet état délétère des choses, et à l'appel de leurs syndicats respectifs, observé le jeudi 1èr novembre 2012, à travers tout le territoire tunisien, des sit-in très suivis, dit-on. À Tunis devant le ministère de l'Intérieur et à Sousse les syndicalistes ont dénoncé l'absence d'instructions claires contre la mouvance salafiste et le manque de volonté politique de protéger les forces de l'ordre. Ils affirment qu'ils appliqueront désormais la loi 69 portant sur le protocole d'intervention, sans attendre les ordres de l'exécutif''. Du jamais vu en Tunisie, car quand ceux qui sont mandatés par les lois de la république pour protéger les citoyens et leurs biens, même en utilisant la violence légitime, demandent à être eux-mêmes protégés, il est d'évidence d'admettre qu'il y a des dysfonctionnements graves dans des fonctions régaliennes d'un Etat. Ceci étant et en dehors des problèmes de sécurité ; d'énormes autres difficultés demeurent posées. Des grèves perlées désorganisent tous les rouages de toute l'économie. Dans les basins miniers de phosphate particulièrement, l'offre inéquitable d'emplois est souvent violemment dénoncée, jusqu'aux conflits tribaux sanglants, qui ne faisaient plus partie du décorum social en Tunisie, ont ressurgi, à la faveur du laxisme. L'Ouest du pays, la région des laissés pour compte, quant à elle s'enfonce dans la marginalisation sociale qu'elle a de tous temps condamnée, réprouvée et combattue. Toutefois, tout cela n'avait pas empêché les élus de l'assemblée constituante de consacrer la séance du 17 mai 2012, à l'augmentation de leurs indemnités. Ils étaient 113 à signer pour présenter un projet de loi, qui porterait ces indemnités de 2 300 à 4 800 dinars tunisiens, soit l'équivalent de 2392 euros environ. Ceux des députés représentants les tunisiens expatriés reçoivent carrément la plus grosse part de leurs rétributions, en devises fortes. Ce qui avait fait scandale à l'époque. Beaucoup de problèmes et peu de solutions. Mais alors, pourquoi ? Ceux qui avaient en Tunisie, au prix de grands sacrifices, entrepris et mené la révolte du 14 janvier 2011, ne sont pas ceux qui gouvernent depuis le 23 octobre 2011, le pays. Les approches des problèmes à résoudre immédiatement, entre les deux entités, ne sont pas les mêmes. L'indentification des causes qui avaient fait fuir le chef du régime liberticide et l'éradication de leurs conséquences, n'obéissent pas à la même grille de lecture quant aux solutions à apporter, entre ceux qui détiennent les rênes du commandement et ceux qui avaient conduit et réussi la révolte. Ainsi s'explique, du moins liminairement, les raisons qui font que les priorités ne sont et ne peuvent être les mêmes. Ce qui a eu pour conséquences, de persuader les tunisiens, que leurs difficultés socio économique, ne constituent pas les urgences des gouvernants. Aucun des moyens et autres dispositifs promis pour apaiser la brutalité du chômage par exemple, n'a été mis en œuvre, et les contraintes de la vie quotidienne accentuent tous les jours un peu plus leur étau étouffant. C'est Yadh Ben Achour, qui disait au lendemain de la proclamation des résultats de l'élection des membres de l'assemblée constituante que : ?' le peuple de la révolution n'est pas le même que celui des élections''. En conclusion, la révolte du 14 janvier aurait-elle perdu toute sa légitimité parce qu'elle a été détournée? Affaire à suivre? |
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