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La logique et le sens anti-trigonométrique, ou des aiguilles d'une montre, voudraient que ce soit le premier jour de l'Aïd-el-fitr. Oui, mais pour y être il faudrait, soit se fier aux uns, ou bien faire crédit aux autres, sinon se faire soi-même astronome. Chaque année les joutes, par journaux interposés, entre l'association Sirius et monsieur Bonatiro, ajoutent de l'incertitude, de l'indécision de l'irrésolution, et du doute à la nuit du doute. Coté officiel, les membres de l'auguste commission des croissants et des horaires charaïques, quant à eux, guettent la vue, à l'œil humain, par les biais d'observateurs déployés sur tout le territoire national, le croissant lunaire, annonciateur du début ou de la fin du ramadhan. Que nous autres, postulants jeûneurs, épions minute après minute, sur les nerfs devant nos écrans télé. Pour l'histoire, dans le premier des trois volumes de : la Guerre d'Algérie, sous la direction d'Henry Aleg, éditions Messidor, 1981. Il est rapporté ceci :''le représentant du Gouvernement Général, continuera cependant à siéger jusqu'au dernier ramadhan de l'Algérie coloniale au sein de la ?'commission de la lune'', chargée de recueillir les informations sur l'apparition de l'astre qui signale le début du mois de jeûne. Comme la commission au goût des croyants, a un fort parfum administratif, ceux-ci s'en rapportent plutôt aux indications d'autres observateurs, des oulémas par exemple. Comme un fait exprès, elles coïncident rarement avec celles que donne la commission officielle. Ainsi, selon qu'on se réfère au calendrier administratif ou à celui des oulémas, les mêmes fêtes, traditionnellement déterminées à partir du début du Ramadhan, tombent à des dates différentes''. Il est à se demander sur le comment faisaient les Algériens pour déterminer le début et la fin du mois du jeûne, auparavant. C'est-à-dire, avant l'avènement et la démocratisation de la transmission sans fil, la TSF, du transistor, de la télévision, et toutes les nouvelles technologies de l'information et de la communication, largement employées aujourd'hui pour ce faire. Il a du sûrement y avoir des ratages de premier jour, et des loupages de jour d'après, des siècles durant. Il nous manque toujours quelque chose, pour être fin prêt, afin d'affronter les exigences du jeûne, et nous sommes pour plusieurs d'entre nous, souvent en retard d'une commission à faire, d'un achat à effectuer, d'un problème à régler avant d'accueillir l'Aïd. Cependant dès que nous y som-mes, on s'adapte, même d'une façon bancale, ainsi le temps tisse sa trame et les jours s'égrènent, avec leurs lots de surprises. Les prix de la veille qui commencent dès le premier jour de jeûne à faire le yoyo. Ils swinguent et nous ballottent avec eux, dans leurs fous mouvements. D'autres produits momentanément en abondance, et le lendemain rares sinon carrément disparus. Les ramadhans des mois d'été, et leur corollaire, la rentrée sociale familiale, accentuent les poussées d'anxiété et d'appréhension. Il faut habiller les plus petits, deux fois plutôt qu'une. Un coup, pour le jour d'après ramadhan et l'autre, pour la rentrée scolaire. Auparavant il faudrait sortir du mois de jeûne avec le moins de dettes possibles. Les dépenses ramadhanèsques, les diurnes pour la popote, et les nocturnes, pour les entremets et autres breuvages, laissent la place aux frais de préparation des gâteaux et l'approvisionnement en gazouze, pour recevoir dignement la famille et les amis, le jour d'après. Il faut aussi prévoir un budget si minime il, pour alimenter son crédit téléphone. Et espérer l'offre d'un forfait d'opérateurs téléphoniques, pour les SMS, tant usités ces dernières années. Souhaiter Aïd mabrouk de vive voix, par téléphone coûte encore relativement cher. Et comme par hasard à chaque sortie du mois de jeûne, il faut s'acquitter des ses factures de dépenses obligatoires et incompressibles. L'électricité, le gaz et l'eau. C'est un exercice d'équilibrisme financier. Et les inquiétudes pour le gosse qui rentre en permission du service national. Trouvera-t-il ou pas une place dans un bus ? Les veilles d'Aïd tout est complet, le train, les cars, les taxis et même les avions, sont saturés. Certains profitent pour saigner ceux qui travaillent hors de chez eux, les ouvriers, les manœuvres expatriés, et tous les permissionnaires, en augmentant les prix de la course. Les Chinois sont à peu près 1 400 000 000 individus. Imaginez un seul instant, la logistique à mettre en oeuvre quand seulement 10% d'entre eux, rentrent à la maison pour les fêtes. Le Chunyun est le plus grand déplacement de populations du monde, il a lieu chaque année en chine à l'occasion du nouvel an chinois. Il commence généralement 15 jours avant le jour ?'j'' et dure 40 jours environ. Durant cette époque des grands voyages, pour l'année 2012, 235 millions de chinois se sont déplacés, en empruntant le rail. L'administration de l'aviation civile de chine, avait déclaré avoir accordé des autorisations pour la programmation de 14 000 vols supplémentaires pour l'occasion, pour juguler cette demande et satisfaire cet afflux. La fête du jour de l'an chinois coïncide avec la fête du printemps. Les compagnies aériennes avaient, cette année 2012, également enregistré 34,88 millions de déplacements. Pour l'ordre de grandeur, tout demeure relatif. Quant à l'organisation, à chacun ses méthodes, selon ses procédés et suivant ses comportements. Les veilles du jour d'après chez nous, toutes les stations d'essence, à travers tout le pays, sont prises d'assaut. En dépit de l'égosillement chaque année, du directeur général de Naftal, à la télé juste après le ou les derniers f'tour, s'évertuant à convaincre qu'il n'y aura pas de pénuries et que toutes les dispositions avaient été prises. Rien n'y fait. Il aura vainement prêché dans le désert, à des convertis du contraire depuis le temps du socialisme spécifique. Les effets d'entraînement, le conditionnement de la foule, mordre à l'hameçon et souscrire la rumeur, finissent par convaincre les plus sceptiques, que Naftal dissimule quelques vérités. Enfin, comme dirait l'autre, c'est la théorie du : on ne nous dit pas tout. Et chaque saison c'est le même scénario, qui se rejoue. Les femmes se lèvent tôt, le jour d'après, leurs premières visites sont réservées aux morts. Les cimetières, sont en pleurs le jour de la fête. Les hommes y vont quand ils veulent. Comme si l'histoire pouvait se faire et s'écrire sans les femmes. Ce sont les usages. Les corporations des boulangers et celle des laitiers sont chaque an, mobilisés pour qu'il n'y ait pas de rupture dans l'approvisionnement des populations, en ces produits de première nécessité. Tout cela finit au journal télé de 13 heures, par des témoignages mitigés de consommateurs, des assertions de professionnels, affirmant qu'ils étaient le jour d'après ramadhan, tous sur le pont, et qu'aucun citoyen n'en a manqué, ni de lait, ni de pain. Les services de la concurrence et des prix, quant à eux jouent les modérateurs, entre les deux parties, en attendant la saison prochaine. La rue se prépare. Il y aura les éternels vendeurs de douteux sandwichs, qui profiteront comme chaque année de la crédulité des gosses pour leur soutirer les quelques dinars qui reçoivent pour la fête. Mais les plus gros dangers de la rue, qui menacent, sous des formes sympathiques et agréables, ainsi que des couleurs attrayantes, ce sont les jouets qui envahissent toutes nos ruelles, placettes, squares et autres espaces publics. Tout le monde crie au loup, mais chaque Aïd, le carnassier rode librement, menaçant. Ces jouets de la mort ne tombent pas du ciel, ils pénètrent en Algérie par les frontières, terrestres, maritimes ou bien aériennes. Ce qui fait défaut ce sont les contrôles qualité stricts et sérieux. C'est cela le visa accordé aux périls qui harcèlent nos gamins. Ils leur causent des allergies, des rhinites, des asthmes, des urticaires et des eczémas. Ces jouets contiennent du plomb, des plastics divers, du caoutchouc, des éponges de récupération et autres déchets, dont on ignore la provenance. C'est un inventaire à la Prévert, mais férocement toxique. Par ailleurs il s'agit souvent de joujoux dangereux, tels ces pistolets tirant des billes, et autres objets coupants, comme les fléchettes,ou gadgets à composants asphyxiants, pouvant être facilement avalés par les bambins. D'où étouffements et suffocations à risque létal. Sans compter les odeurs écoeurantes, incommodantes et quasi vomitives. De surcroît, tous ces hochets à risques certains, coûtent cher. Néanmoins par delà les tracas, les embarras et les ennuis, allant de l'interminable chaîne aux guichets CCP, aux ardoises, en passant par les factures et autres casseroles, du jour d'après ramadhan. C'est la fête. Des enfants insouciants et heureux, baignant dans l'amour, et sous la protection de leurs parents et des aînés, rassurent par leurs éclats de rires, emplissant tous nos espaces à travers tout le pays. Profitons en, en attendant le jour d'après de l'an prochain. |
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