Le gaspillage a ses causes et ses recettes. Vance Packard l'a décrit, il y a déjà bien longtemps, dans «L'Art du gaspillage» (il a écrit, aussi, le très fameux «La persuasion clandestine», ainsi que «Les obsédés du standing» , un ouvrage dans lequel il s'attache à décrire la grande terreur du citoyen américain moyen qui est de ne pouvoir tenir son rang, d'où la facilité avec laquelle sont étalés les signes extérieurs de richesse).

Ce qui a existé il y a quelques décennies aux USA , nous commençons à le vivre an Algérie. Nous sommes, question bouffe, entre autres, dans les villes en tout cas, de plus en plus «proches» des Américains... avec des factures alimentaires qui montent, qui montent (6,05 mds en 2010... et 9,75 mds en 2011)?.et des obèses.

Nous ne parlons pas du macro-gaspillage, que l'on voit surtout au niveau des institutions ou des entreprises, surtout publiques, gaspillages parfois involontaires, et gaspillages dus à une certaine incapacité à gérer les affaires, mais bien souvent volontaires afin d'«en profiter au passage». On se souvient du calcul qu'a fait un ex-Premier ministre, le 26 mars 1990, lorsqu'il avait parlé, lors d'une conférence à l'université , des (fameux) 26 milliards de dollars («gaspillés» - ô, le doux euphémisme - mais non «détournés», avait-il dit , se basant, si ma mémoire ne me trahit pas, sur une évaluation à hauteur de 20% des commissions versées à des opérateurs sur des marchés contractés avec l'extérieur, évaluation avancée, peu de temps auparavant, par une personnalité de l'époque, un ex-chef de gouvernement, et calcul mal compris... par une journaliste pressée par le bouclage de son journal)... gaspillés et/ou détournés

Il y a , surtout, le micro-gaspillage avec le standing, et en son nom, l'acquisition et la surconsommation du produit le «plus amélioré» (yaourt, sodas, téléviseur large écran, téléphone portable, véhicule, chaussures et vêtements de sport, lieu de vacances, bijoux, pain dit «amélioré», lieux de restauration, lieux de loisirs, mouton bien cornu à sacrifier?), parfois ce qui est déjà possédé?. mais qui n'est plus «à la mode». La solidité ne sert plus et le jetable ( le «consommable» disent-ils désormais !) a pris le pas.

Dans cette affaire de micro-gaspillage, bien des études montrent que seuls les très riches et les très pauvres prennent le plus de risques? les classes moyennes étant toujours mesurées (car calculatrices) dans leurs dépenses?? comme dans leurs rentrées.

En termes de micro-gaspillage, les riches (encore peu nombreux chez nous) mangent certainement plus que de raison, c'est-à-dire r.é.g.u.l.i.è.r.e.m.e.n.t de la viande... plutôt du foie , certainement du saumon et de la sole et assurément des crevettes royales? les pauvres, eux, plus nombreux , sinon la grande majorité, se contentant des abats de poulet (et , encore !) , de sardine (et encore !) ?de lait (quant il y en a ! ) et de pain?.Ce dernier, «passe-partout» et «bouche-trou» alimentaire , est acheté plus que de raison , d'où des surcroîts. Rien qu'en baguettes de pain et durant le seul ramadhan , les Algériens consommeraient 1,2 milliard d'unités , soit presque deux baguettes par personne, bébés et vieillards édentés y compris. On comprend maintenant les gros tas de pain jeté le lendemain de jeûne (près 50% du pain produit quotidiennement est jeté à la poubelle durant le Ramadahn, selon l'Ugca) ?dépassant de très loin la demande des éleveurs de poules et de lapins (l'Algérien «produit» près ou plus d'1 kg de déchets solides par jour en 2011... avec 1,2 kg pour les Algérois) .

L'autre micro-gaspillage est celui du temps. L'Algérien est déjà réputé assez «tire - au-flanc» en temps normal, ne travaillant peut-être , en moyenne générale, que quatre à cinq heures par journée de huit heures, avec une productivité qui n'arrivera jamais à faire rougir un japonais. Durant le ramadhan, c'est bien pire. Un journal a titré : «L'Algérie dans le coma». D'autres : «L'hibernation» et «Le grand dodo». Ce n'est pas faux. Ils ont seulement oublié que le réveil national , surtout dans les grandes villes, a lieu juste avant de passer à table, au «F'tour», peut-être vers les dix-onze heures pour les fonctionnaires, vers les quatorze heures pour les commerçants et les vendeurs de fruits et légumes et de diouls et de galettes , pour ne se terminer que très tôt le matin , juste après le S'hour : grande bouffe, thé, café, sucreries, dominos, loto, ringuila, musique et danses, veillées religieuses... «ringuila», «zetla» et... larcins . La vie commence le soir et dure toute la nuit. La nuit a vraiment peur du sommeil. L'été , la chaleur et les congés de tous types n'arrangent pas les choses , surtout les chantiers de construction et les agriculteurs lors des opérations de moisson-battage qui en savent quelque chose. Ils n'arrivent pas, bien souvent, à trouver de la main-d'œuvre, même à 4 000-5 000 dinars la journée. Un étude menée par l' Institut du Travail du monde arabe, datant de 2009, est allée jusqu'à avancer une baisse de la productivité , dans le monde arabe, de 73,3%.

L'Institut Abbasa avait effectué, en septembre -octobre 2007, un sondage national concernant le Ramadhan. Extraits (source : www.almanach-dz.com) :

Au travail?

- Je travaille comme les autres mois de l'année : 9%

- Je travaille moins que les autres mois de l'année : 56%

- Mon rendement au travail baisse: 77%

- Mon rendement au travail augmente: 1%

Autres résultats, mais issus d'un "sondage informel et anonyme"

- Accidents de travail : + 150% par rapport aux moyennes annuelles

- Rixes, disputes , voie de fait , agressions : +320%

- Rixes et troubles à l'ordre public : +320%

- Absentéisme sur le lieu de travail : +120%

- Activités commerciales illégales : + 340%

- Nombre de sinistres : + 410%

- Changement des habitudes de consommation en famille : 87% des ménages

- Dépenses du foyer : +20 à 50% dans 16% des foyers et 100 à 200%

dans 44% des foyers

- Les services de la santé publique se sont détériorés : 84%

- Les services municipaux (y compris l'enlèvement des ordures

ménagères) se sont détériorés : 88%

- Les loisirs, détente , spectacles et divertissements se sont améliorés : 68%

- Les programmes audiovisuels se sont améliorés : 56%

- La sécurité des personnes et des biens s'est améliorée : 52%

- La disponibilité des produits de large consommation s'est améliorée: 74%

- Les prix des produits de large consommation se sont détériorés: 94%

Malheur à celui qui ne veille pas. Sans être taxé de «casseur de carème», le bruit de la fête ( ????) alentour l'empêchera de bien dormir et de récupérer?.. Il fera donc , lui aussi, la grasse matinée.

La boucle est bouclée !