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Les actes de
corruption font régulièrement la «une» de l'actualité. Le réviseur des comptes,
tant contractuel que légal, peut être confronté à la désagréable découverte
d'un tel phénomène après la fin de ses interventions. Certains peuvent être
tentés de mettre en cause sa responsabilité au prétexte qu'il aurait dû voir.
Dans certains cas la mission du réviseur peut être explicite, s'il lui est demandé d'identifier des actes de corruption. L'objet du développement ci-après est d'aider le professionnel en lui apportant quelques éléments de méthodologie propres à la réalisation d'une mission explicite d'une part, ainsi que d'acquérir des réflexes dans le cadre de ses autres missions. On analysera d'abord l'identification des actes réalisés par le corrupteur, puis celle des actes réalisés par le corrompu. Car, pour qu'il y ait corruption, il faut un (corrupteur et un corrompu. Il convient de remarquer que l'on ne peut établir la corruption qu'a posteriori, après que la personne corrompue ait reçu les bénéfices de cette corruption. Ceci rend délicate la preuve des simples intentions ou des promesses. Dans la quasi-totalité des cas, la corruption ne pourra être établie tant que le «don» n'aura pas été identifié. Ce constat amène à recenser les éléments qui permettent de détecter le don, d'une part chez le corrupteur et d'autre part chez le corrompu, suivant qu'ils tiennent ou non une comptabilité. L'identification est particulièrement difficile car, dans cette hypothèse, l'état du patrimoine et les dépenses ne sont pas systématiquement déclarés. Seule une procédure du type ESFP («examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle»), celle-ci étant réservée à l'administration fiscale, permettrait de détecter les sommes importantes versées pour des actes de corruption. Il faut noter que cet examen aurait un objectif inverse de celui de l'examen tel qu'il est prévu à l'origine, qui a pour but d'établir l'existence d'un excédent du patrimoine et des dépenses réelles sur les recettes déclarées, alors qu'un tel examen anticorruption aurait pour objet de déterminer un excédent des recettes déclarées sur le patrimoine et les éléments du train de vie, excédent qui serait susceptible d'être utilisé pour la corruption active. Certaines limites de ces investigations apparaissent immédiatement : - les petits «dons» en espèces ou en nature ne peuvent être identifiés par une telle procédure; lorsque des recettes non déclarées (sommes en liquide ou versées sur un compte numéroté) servent à des actes de corruption, il est pratiquement impossible de déterminer la corruption sans procéder à des investigations beaucoup plus lourdes, surtout en l'absence de comptabilité formelle. Lorsque le corrupteur est une entité soumise aux obligations de tenue d'une comptabilité, il convient de distinguer deux cas. Le don est versé directement par l'entité à une personne non soumise aux obligations comptables : Ce cas est plus aisément identifiable puisque la comptabilité enregistre l'acte de corruption. La comptabilisation du «don» au corrompu peut prendre, par exemple, l'une des formes suivantes : ? «Don» matérialisé par un flux de trésorerie sortant : le corrompu est bénéficiaire d'un chèque ou d'un virement bancaire. La somme versée apparaît au débit d'un compte de tiers ou éventuellement directement d'un compte de charges. La pièce justificative, lorsqu'elle existe, est en général une facture, mais peut être un acte notarié (acquisition d'immeubles). Le fait que cette facture soit établie par une personne physique non commerçante doit attirer l'attention et permettre d'identifier la somme comme étant un vecteur potentiel de corruption, il reste à s'assurer que la prestation facturée a été réellement effectuée. Deux cas sont alors à distinguer : - aucun bien n'a été livré et aucun service n'a été rendu : la présomption de corruption est alors établie de toute évidence ; - le bien ou le service a été facturé pour un prix notablement supérieur à celui du marché : l'identification de la corruption est plus difficile. Il faudra, en effet, dans la plupart des cas, avoir recours à une expertise du bien ou du service. - «Dons» en nature d'un bien ou d'un service qui entre dans le processus de production ou de vente de l'entreprise : ce cas est pratiquement impossible à détecter chez le corrupteur. Par exemple, le don d'un bien sera noyé dans les malis sur stocks ou les rebuts divers. Une prestation de services non facturée sera également difficile à identifier en l'absence d'un suivi interne rigoureux (cas des billets d'avion gratuits pour une compagnie aérienne par exemple). - «Dons» en nature d'un bien acheté à un tiers (frais de voyage, matériel professionnel ou de loisirs,. .) : ce cas est plus compliqué puisque le décaissement est lié à l'achat d'un bien ou d'un service à un fournisseur commerçant : la pièce justificative est alors une facture fournisseur régulière. L'acte de corruption ne pourra être identifié que s'il est établi que le corrupteur n'a pas acquis le bien ou le service pour son propre compte mais pour le compte d'un tiers. Cela suppose que l'ensemble des factures fournisseurs soient vérifiées dans cette optique. Deux cas sont alors à distinguer: - le bien ou le service facturé n'a pas de rapport avec les besoins de l'exploitation. Il est alors facile de procéder à une observation physique du bien ou de s'assurer que le service a été payé par le corrupteur pour le compte d'un tiers ; - la nature du bien ou du service facturé est cohérente avec l'activité du corrupteur. L'identification du don ne peut être établie que grâce aux méthodes suivantes. Les méthodologies suivantes peuvent être utilisées : - pour les «dons» de bien, il conviendra de procéder à un inventaire physique de l'ensemble des actifs immobilisés de l'entreprise et de s'assurer que leur jouissance n'est pas accordée «gratuitement» à des tiers ; - pour les «dons» de service, il sera beaucoup moins évident d'établir que l'achat a été effectué pour le compte du corrompu, il est facile, par exemple, de noyer le don d'un voyage dans les frais de déplacement ou de congrès. On notera qu'il est plus difficile d'identifier les «dons» de corruption en nature que ceux effectués en trésorerie. Toutefois, on peut supposer que les «dons» en nature ne sont utilisés généralement que dans les cas de montants peu importants, donc lorsque l'on se trouve en présence d'une corruption que l'on qualifiera de «petite», la «grande» corruption fait plutôt appel aux versements de fonds, Le «don» est versé à un intermédiaire, soumis aux obligations comptables, chargé de reverser le «don» au corrompu en bout de chaîne : Ce cas, plus sophistiqué, est difficile à identifier, il existe alors un ou plusieurs tiers intermédiaires (société écran ou personne physique) qui facture des biens et des services pour une valeur supérieure à leur valeur de vente réelle. La différence est ensuite reversée par l'intermédiaire à la personne corrompue. On peut citer comme exemples d'intermédiaires : -la «société taxi». Celle-ci est détenue par un tiers complice, elle facture des services fictifs afin de «fabriquer» de l'argent liquide reversé ensuite au corrompu. Ce mécanisme est souvent utilisé dans les appels d'offre publics ; - les entités procédant à des surfacturations. Cet intermédiaire (société ou professionnel libéral) facture au corrupteur un bien ou un service pour un prix supérieur au prix du marché, puis reverse un pourcentage au corrompu. Ce mécanisme est notamment utilisé dans le cas des acquisitions d'immeubles. Plusieurs méthodes d'identification des actes de corruption peuvent être utilisées : -l'intermédiaire est une entité non soumise aux obligations comptables. Les problèmes d'identification sont alors les mêmes que dans le cas des «dons» directs décrits ci-avant ; -l'intermédiaire est soumis aux obligations comptables. Il y a peu de moyens d'identifier systématiquement l'acte de corruption sans procéder à l'inventaire et à l'expertise de tous les achats. En revanche, l'acte de corruption sera plus aisément identifiable chez l'intermédiaire lui-même, à condition qu'il ne s'agisse pas d'un intermédiaire étranger. LE CAS PARTICULIER DES GROUPES Les groupes de sociétés apportent un élément de complexité supplémentaire dans la mesure où : - les actes de corruption peuvent être effectués par l'intermédiaire de filiales non consolidées au plan comptable et qui sont utilisées comme de véritables «caisses noires» par le groupe ; - le don peut être réalisé à partir d'un compte bancaire d'un des actionnaires principaux non soumis à comptabilité, voire du seul actionnaire du groupe (cas des groupes familiaux par exemple). Ce cas est donc envisageable dans le cas où les dirigeants de l'entreprise en sont les principaux actionnaires et/ou bénéficient par ailleurs de liquidités importantes. Chez le corrompu La situation est également différente suivant que le «don» sera reçu par une entité soumise ou non soumises aux obligations de tenue de comptabilité. Entité non soumise à l'obligation de tenue de comptabilité. La difficulté de l'identification de la corruption dépend de la forme que prendra le «don»: - «don» en argent : ce cas est relativement facile à identifier sur les relevés bancaires, sauf pour les sommes reçues en liquide ou sur des comptes numérotés à l'étranger. L'identification ne pourrait alors être obtenue qu'en mettant le patrimoine et les dépenses réelles au regard des recettes officielles ; - «don» en nature : ce cas est difficile à identifier, sauf à procéder à l'inventaire des biens de l'entité. *Expert Comptable et Commissaire aux Comptes, Membre de l'Académie des Sciences et Techniques Financières et Comptables Paris. |
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