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A défaut de
grands débats sur l'économie du pays, à l'occasion du cinquantenaire de
l'indépendance, on a de petites polémiques. Une bonne manière de se préparer au
plongeon du ramadhan.
Petite polémique à la Cour. Les dépenses publiques ont atteint un seuil alarmant, mais il n'appartient pas à n'importe qui de s'alarmer. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, l'a discrètement rappelé aux fonctionnaires de la banque centrale, qui ont eu l'outrecuidance de se mêler de politique économique et sociale, ce que ni lui, ni son chef de gouvernement, ne peuvent tolérer. Pour M. Djoudi, il n'y a pas lieu de s'alarmer. Il n'y a pas le feu. L'Algérie peut survivre de longues années à un effondrement éventuel du prix des hydrocarbures, un effondrement auquel personne ne croit, du reste, malgré l'accumulation des mauvais signes. Mais qu'importe. On ne se mêle pas des prérogatives du ministre des finances à tout bout de champ, particulièrement quand on occupe le poste traditionnel qui vous met juste en face de lui, celui de gouverneur de la banque d'Algérie. La tradition veut que l'un, le ministre, débourse de l'argent, pendant que l'autre, le gouverneur, veille à l'orthodoxie financière. A condition d'avoir une marge pour agir et une certaine autonomie pour décider. Ce qui n'est le cas ni pour ni pour l'autre. Avant de s'aventurer à critiquer la frénésie des transferts sociaux, le gouverneur de la banque d'Algérie, M. Mohamed Laksaci, a pourtant fait preuve d'une certaine prudence. En présentant le rapport annuel de la banque d'Algérie, il a évité de monter au front, chargeant un de ses conseillers d'attirer l'attention sur les dérives des dépenses publiques. Au rythme actuel, a-t-il dit, il faut un baril à 112 dollars pour assurer l'équilibre budgétaire du pays. Et au moment où le rapport était publié, le pétrole était proche de 80 dollars ! Faux, a répliqué M. Karim Djoudi. Le budget actuel a été élaboré sur la base d'un baril à 75 dollars le baril. Depuis, le pétrole a atteint les sommets, frôlant les 120 dollars, avant de perdre 30 pour cent de son prix. Mais ceci ne menace pas les équilibres du pays, affirme M. Djoudi. Au pire, le fond de régulation et les réserves de change permettaient d'amortir le choc et de s'adapter. Et puis, de quoi se mêlent ces gens de la Banque centrale, dit-on dans l'entourage de M. Djoudi. Ils feraient mieux de s'occuper de maitriser l'inflation. Celle-ci a atteint 6.9 pour cent en rythme annuel en mai, le chiffre le plus élevé depuis une décennie. Au lieu d'agir sur le terrain qui la concerne directement, la maitrise de masse monétaire, par exemple, la banque centrale empiète sur le terrain des autres, en critiquant les dépenses sociales, décidées du reste par le président Abdelaziz Bouteflika. L'argument fait mouche, mais la réplique est cinglante : la cause principale de l'inflation provient précisément de l'explosion des salaires et de la hausse des dépenses sociales, dit-on à la banque centrale. C'est donc la politique gouvernementale qui est à l'origine de la dérive des dépenses et, par ricochet, de l'inflation. D'ailleurs, fait-on remarquer, le ministre des finances lui-même le reconnait implicitement quand il affirme que son objectif est une meilleure maitrise des dépenses de fonctionnement. Les dépenses d'équipement, quant à elles, ne sont pas concernées. Et pour cause ! En fait, les dépenses d'équipement ne dépendent de personne. Ni du ministère des finances, ni de la banque centrale, ni du premier ministre. Elles dépendent de la capacité des administrations et entreprises algériennes de dépenser ! Une logique absurde s'est en effet imposée dans le pays, pour gérer ce chapitre concernant les dépenses d'équipements. On inscrit des projets, on met des montants approximatifs, et on attend. Quitte à ne réaliser que la moitié de ce qui était prévu. En 2011, seuls 45 pour cent des projets ont été menés à terme, selon les aveux du ministre des finances. Il n'y a donc pas besoin de limiter le budget d'équipement, il est limité de fait par la faible capacité de dépense des administrations. Le projet d'usine de montage automobile en offre un exemple édifiant. Le financement du projet est dans les cartons du ministre concerné depuis des années. Celui-ci passe son temps à négocier, à renégocier, à changer d'interlocuteur, à remodeler son projet, dont le coût évolue au gré des discussions. Aux dernières nouvelles, son projet serait installé près d'Oran et coûterait un peu plus cher qu'il y a trois mois. Mais rien n'est fait, malgré les assurances du ministre. Ce projet devrait, par un artifice juridique, être inscrit au chapitre des dépenses d'équipements. Pour quelle année ? On ne le sait. A l'évidence, il ne sera pas consommé en 2012, comme il ne l'a pas été en 2011. Mais c'est tout de même un projet qui devrait coûter un milliard de dollars, qu'on n'arrive pas à placer. Ce qui montre comment est gérée l'économie du pays : on dépense comme on peut, quand on peut ; on investit quand on y arrive, mais on polémique tout le temps sur des questions sans intérêt. |
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