Un chef d'Etat
d'obédience communiste, le chypriote Demetres Christofias, va présider durant
le deuxième semestre de 2012 le conseil européen. Face à la crise qui touche
son pays, il a sollicité l'UE et la Russie pour des aides financières. Y a-t-il
encore un centre de gravité politique dans l'UE ?
La république de
Chypre, 820.000 habitants, membre de l'Union européenne depuis 2004 et de la zone
euro depuis 2008, va présider durant le 2ème semestre de l'année l'Union
européenne. Avant même de prendre la présidence tournante de l'UE, le président
communiste, Demetres Christofias, a lancé un appel à l'UE pour une aide
financière de l'ordre de 1,8 milliards d'euros pour fin juin, afin de sauver de
la faillite la principale banque du pays, la Marfin Popular Bank. Du coup,
l'agence de notation « Fitch » a dégradé la banque à BB+, et estime qu'il lui
faut plutôt près de 4 milliards pour maintenir à flot ses activités. Au même
moment, le nouveau président grec, Antonis Samaras se déclare, pour raison de
santé, inapte à gouverner pour les semaines à venir, suivi par son ministre des
finances, Vasilis Rapanos, par ailleurs président de la 1ère banque du pays,
qui déclare carrément forfait et se retire du gouvernement pour raison de
?santé. Cette cascade de mauvaises nouvelles arrive à un moment crucial
d'élaboration d'un plan de croissance et de relance économique par les chefs
d'Etats et de gouvernements. Le Sommet européen qui se tient à Bruxelles ces
jeudi et vendredi va faire face à une situation des plus complexe,
particulièrement dans les chapitre des finances, puisque il s'agit de chiffrer
et d'étudier le rééchelonnement de l'aide à la Grèce, ainsi que celle à
l'Espagne, au Portugal et à l'Irlande. Comment, avec l'entrée dans la zone de «
turbulences » de Nicosie en plus, le président français, François Hollande,
va-t-il convaincre ses pairs européens, et surtout la chancelière allemande,
Angéla Merkel, de mettre au centre de la négociation sa proposition de relance
de la croissance en Europe ? Paradoxalement, la complexité de cette situation
plaide pour la thèse du président français : l'austérité adoptée jusque là par
la zone euro provoque à une grande vitesse la chute des systèmes financiers des
pays les plus vulnérables (pour l'instant) et dévale la croissance vers une
courbe négative. Par conséquent et pour inverser la courbe, relancer la
croissance et sécuriser l'activité bancaire, une seule solution : mutualiser au
moins une partie de la dette de la zone euro ; autoriser la banque centrale
européenne (BCE) à monétiser une autre partie de la dette (euros bonds) ;
élargir les missions du Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui
deviendra, dès le 1er juillet, le Mécanisme européen de stabilité (MES) et
revoir l'affectation des fonds structurels de l'UE (destinés aux régions), pour
une nouvelle ventilation au grès des priorités et de projets économiques
communs. Cette vision pragmatique de l'économie bute, on le sait, sur
l'intransigeance allemande (pour l'instant). Car à vouloir limiter, dans les
conditions de la crise bancaire actuelle, le niveau des déficits publics à 3 %,
tel que stipulé par le Traité de Lisbonne, freinera l'investissement, donc la
production et la consommation. L'Allemagne ne sera pas épargnée, tant près de
70 % de ses exportations se font dans les pays de l'UE, particulièrement, dans
ceux de la zone euro, et aussi parce qu'elle vit, malgré un excédent
commercial, un déséquilibre de ces comptes publics. De plus, l'Allemagne avait
prévu pour 2012 une croissance de 1,9 %, alors qu'elle ne dépasse pas les 0,8
%. La Commission européenne a elle aussi revu à la baisse ses prévision de
croissance de la zone euro passant de 1,8 à 0,5 %. Ce sont des signes avant
coureur d'un effondrement de la production et de la productivité dans toute la
zone euro. L'Allemagne ne sera pas épargnée sur les moyens et long termes.
Revenons à Chypre, sa crise et sa prise de commande des rennes de l'Union. La
situation est, pour le moins que l'on puisse dire, cocasse : le président
communiste de Chypre a, selon les dernières informations fait, en parallèle à
sa demande d'aide à l'UE, un appel à la Russie de Vladimir Poutine pour une
aide de 2 milliards de dollars. Pourquoi pas, puisque la Russie lui a déjà
prêté 2, 5 Milliards de dollars en début de cette année et l'Europe n'en n'a
pipé mot. Voilà donc la présidence tournante de l'UE, Chypre, en négociation
avec les russes pour s'en sortir d'affaires. Pourquoi Chypre a-t-elle fait
appel aux russes alors qu'elle pouvait demander les 4 milliards à l'UE ? A côté
des 347 milliards concédés (promis) à la Grèce ou les 130 promis à l'Espagne, 4
milliards n'auraient, certainement pas été de refus. Alors pourquoi cette appel
à Vladimir Poutine ? Est-ce par affinité idéologique, si tant est que Poutine
est encore communiste ? Le mystère reste entier, à moins que le président
Chypriote ne vise à semer la zizanie entre les tenants de la l'austérité et
ceux de la flexibilité financière. Ou peut-être que cette Chypre du sud, celle
faisant partie de l'UE ne vise à pousser l'Allemagne à assouplir sa position
sur la crise, cette Allemagne qui a tant « humilié » la Grèce, l'autre allié
stratégique de Chypre face à la Turquie qui occupe la Chypre du nord.