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Entre Belkhadem
et Ouyahia il n'y a pas d'autres choix. Ce sont deux programmes scientifiques,
deux idéologies avant-gardistes, deux nouveaux concepts de l'alternance qui se
jumellent au choix difficile à vivre par des citoyens alertes. Ha ha ha!
Impossible de savoir un autre nom que ceux-ci. Car en ces temps-ci, le nom du futur chef de gouvernement fait partie des sciences divines (ilm elghayb). Apres tant d'échéances, le pays est en voie d'attendre un nouveau chef du gouvernement. Tout incite à croire la nomination imminente de ce nouveau cabinet gouvernemental qui ne peut être en toute logique politique que l'émanation de l'expression électorale toute récente. Mais les analyses vont en contre sens de ce bon sens. Rien ne semble prédire que Belkhadem sorti vainqueur à deux fois du bourbier centraliste, ira une fois encore prendre les destinées d'un tel gouvernement. Comme il est fort probable qu'il le soit en toute normalité. L'on dira que c'est normal tant que la norme chez nous est un usage et non pas un résultat académique. Ouyahia peut également être davantage collé à ce palais où s'exercent des fonctions de haute administration dans la même règle de normalité. Mais en quoi pourrait consister cette « normalité » ? Elle est une dialectique dans le pouvoir qui tend ; l'expérience le démontre à faire toujours de l'inattendu une issue impensable par les autres. Un caprice de chef de denier à l'analyste toutes les déductions d'une logique universelle. Ainsi personne n'est censé avoir accès au secret des dieux. Seul le vœu se tient en posture debout pour s'affirmer en cas de dénouement positif en prestidigitation prophétique. Le « que t-ai-je dis ? » après coup s'élèvera sur toutes les lèvres. Et beaucoup de gens vont devenir des vraies sources officielles fonctionnant tardivement. Si sur le plan de la faisabilité politique cette hypothèse Belkhadem est soutenable, en vertu de la prédominance du FLN sur l'instance parlementaire et la reconduction de son secrétaire général à son poste, il en est autrement sur un plan de la morale politique. Certes le monsieur a pu déjouer tous ses détracteurs maintenus par sérum et poche vitaminée. Mais n'a pu faire émerger le parti au niveau de la modernité du débat. La session du comité central n'était pas un cénacle de contradiction d'idées et de stratégie. Elle était une affaire de coups de poings et de convoitise de sièges et de confort. Malgré ses députés neufs même perclus, le parti s'est confirmé davantage dans le moule qui est le sien d'un conglomérat d'individus ne lâchant jamais de proie et recherchant toujours du frais gibier. Voir un ex-ministre qui consent le brouhaha, assène ou reçoit de l'invective musclée n'est pas une image digne du rang qu'il incarne. Selon le discours présidentiel de «tab j'nana» une génération devait partir pour se faire suppléer par une autre à qui l'on n'arrive pas à profiler les contours. Ce panel de politiciens qui a eu à gérer le pays depuis de longues années ne semble pas à son tour prêt à se redéployer ailleurs que dans l'acte du pouvoir. C'est cette moralité hélas absente du sentiment individuel des intéressés qui cause le plus d'effets de marasme aux citoyens de ne plus croire ni à des reformes alternativement annoncées, ni à des discours intentionnellement occasionnels. Sinon comment peut-on expliquer que ce sont toujours les mêmes qui commettent les mêmes erreurs qu'eux-mêmes dénoncent ? Quand des ex-chefs de gouvernement stigmatisent une situation donnée et s'omettent de dire qu'ils en furent les principaux artisans, c'est que quelque chose ne va pas. Un Ouyahia en permanence confiant sait se hisser dans une conjoncture méfiante et table sur le holà de l'argent. Derrière ses aveux, l'homme devient porteur d'un autre plan de redressement. Ses déclarations fracassantes l'imposent comme unique thérapeute au diagnostic alarmant qu'il tenait récemment. Etre chef de gouvernement c'est être un manager de destin et non un simple palier de hiérarchie formelle. Manquer de cran à l'action et crier sa douleur est une confession d'impuissance. Seule l'issue du départ volontaire et sans indemnités reste salutaire pour un tel poste de direction politique. Contrairement à un wali et à moindre raison au ministre, le poste de chef du gouvernement nécessite outre l'agrément du président de la république qui le nomme ; une certaine adhésion générale. La légitimité. Dans le système où la démocratie y est perçue comme un mode sacré de la gestion des affaires publiques, le chef du gouvernement exprime la conséquence d'une majorité politique. Il sort des listes de partis. Il devait faire d'abord l'unanimité en son sein. Dans son propre camp. C'est cette consécration « partisane » et « corporatiste » qui à juste titre légitime la nomination et octroie par conséquent une caution fortement morale vers l'accomplissement d'un programme. La légalité est ainsi corroborée. Car si le président de la république est présomptif pour rechercher l'amplitude de sa « légitimation » dans les urnes, le chef du gouvernement, n'étant assujetti à nulle élection, devrait néanmoins faire un consensus. Une sorte de deal entre les différents acteurs de la scène politique. Pouvoir et opposition. Toute force confondue. En dehors de ces « élections virtuelles » de cette approbation quasi-nationale, de cette régularité tacite et de cet assentiment paisible et tranquille, il ne peut y avoir qu'appropriation forcée de pouvoir, une violation des attentes populaires dont la recevabilité ou la pertinence se voudrait d'être soit par la terreur, la compromission ou le mensonge. Maintenant que l'entame des reformes ait pu engendrer une avancée ordinaire après l'accouchement d'une assemblée homogène, l'heure est à la supputation au lieu de la préparation. Un gouvernement est en voie d'apparaitre comme il ne peut le faire et l'on continue doucereusement dans le sans-changement. L'expertise politique nationale est de tout temps dévoyée des éléments analytiques la caractérisant. Voila une APN fraiche, élue à majorité FLN, voilà un SG confirmé et voilà qu'un autre personnage puisse venir prendre les étages supérieures du palais ou tout simplement l'actuel locataire sera appelé à se reconduire. Il est plausible aussi d'assister pour voir une équipe ne changeant que dans son quart. Enfin tout est possible. La surprise étant ainsi de mise, l'attente de la constater n'est point un point d'ahurissement. Qui prédisait que le perchoir de l'assemblée ira à ce monsieur effacé des luttes en hauteur ? On l'a vu s'initier au protocole diplomatique lors de son dépôt de condoléances au nom du président de république à l'ambassade d'Arabie saoudite ce lundi 18 juin. Ouyahia pensif scrutait en retrait l'apprentissage du troisième homme de l'Etat. Lui aurait-il pris cette case de la représentativité des régions et de l'identité linguistique dans la distribution du pouvoir ? Le chef du gouvernement que tout le monde guette risque de ne pas apparaitre du tout. Ceci aussi est une arnaque expresse à toute réflexion. Il reste indéchiffrable et indécelable. Son profil n'est astreint en apparence à aucune exigence intrinsèque. Il doit faire l'objet d'une faveur de circonstance, d'un rappel historique ou d'une compétence conjoncturelle supposée efficiente pour le moment. Ce principe régional tant soutenu qui au lieu de séparer les pouvoirs entre les éléments constitutifs de l'Etat, a pour convenance mal placée tendance à séparer le pouvoir entre les régions. Les points cardinaux ne sont plus des référentiels aptes à dispatcher les prérogatives publiques. On a bien vu des candidats d'une contrée se présenter comme tels dans une contrée. Ils viennent déposer leur dossier, prendre le ticket du parlement et puis au revoir dans cinq ans. Pour le premier ministre ou le poste en tenant lieu, la régionalité et non le régionalisme ne peut avoir d'effet collatéral sur la symbiose gestionnelle si le futur amendement constitutionnel se devrait de le déclarer obtenable de la majorité parlementaire ou proposé par elle. Car dans les faits la séparation constitutionnelle des pouvoirs entre le président et son chef du gouvernement à marqué ostensiblement ses limites. Elle est incapable de faire fonctionner comme il se doit l'appareil d'Etat et partant assurer une bonne régulation du principe capital de la « séparation des pouvoirs ». Les actuelles dispositions de la constitution font justement du chef du gouvernement « un éventail, un alibi politique et un otage constitutionnel qu'il faut savoir sacrifier au moment opportun » disait Maamar Boudersa. (Voir « Faillite des politicards algériens » Rocher noir. 1994. P.127.) Partant de ces constats, le système institutionnel continue à se figer derrière une image de la solution définitive. A chaque départ de gouvernement, la faillite en est brandie. A chaque arrivée d'un autre la solution est annoncée comme imminente. Le circuit valseur et rotatif se perpétue. Tout le monde, à l'instar des ministrables, finira un jour par pouvoir rêver devenir un premier ministre même ne faisant pas partie d'une élite politique ou partisane. L'effort du militantisme et de l'engagement n'est pas ainsi encouragé. Bien au contraire il reste tributaire d'une franche prestation d'allégeance. Le temps n'a jamais confirmé le bon choix. Exception rare, et c'est toujours subjectif, quelques premier-chefs se sont quand bien même arrivés à faire anxieusement un sceau dans l'histoire de « l'Algérie premier-ministrante. ». Chacun d'eux semblait être désigné pour un rôle à jouer. Missionnaires avertis ; ils n'osaient point se débarrasser de l'obstacle de vouloir transgresser les limites inscrites dans l'ordre de mission. L'audace en politique n'est plus une vertu que ne l'est l'obséquiosité. Il est utile de tracer ce parallèle entre un chef de gouvernement et un Wahid entraineur de l'EN a qui l'on voudrait forcement imposer un tel latéral, un autre avant-centre ou un ailier de gauche. De surcroit si l'un ou/et plusieurs se trouve dans un pack d'importation pour qu'en suite l'on lâche en face de lui des millions de supporters enragés pour gagner. La partie n'est pas du tout jouable? en football. Mais en politique ainsi va le manège des vestiaires. Que fait donc Wahid à l'égard d'une FAF apparaissant éloignée des terrains, des filets de but, des gradins et surtout de ceux qui n'arrivent pas à décrocher un ticket d'entrée de spectacle ? L'on s'obstine à garder en classe pendant deux décennies un ministre-joueur dans le même poste sur un terrain ahuri lui assurant le loisir de jouer avec l'avenir des écoles de performance de minimes et des cadets. Un autre qui oubliant son rôle de marquer des buts importants de vaccins et de doses contre l'adversaire maladif, se contente d'avoir en continuité son fasciés au zoom et en face de la tribune officielle. Il s'en fout des grandes salles où gisent des centaines d'âmes souffrantes. Ce n'est pas par une telle équipe dessoudée, bigarrée par morosité et usure que l'on va vaincre le fléau et remporter le trophée. Ainsi le salut ne viendra que par le passage de l'éponge sur tout ce staff stérile dans l'hardiesse actionnelle et pantois devant l'impasse. Nous aurions connu des ministres à la limite du haut fonctionnariat. Pourtant la terre algérienne est généreuse en production utérine. Nos jeunes devenus vieux se vont partir en retraite alors que leurs employeurs initiaux persévèrent à allonger leur plan de carrière. Ces jeunes vieillis par l'âge légal de la retraite voient ceux qui ont paraphé leur acte de recrutement, échapper à cette loi, malgré l'âge légal et l'impotence des neurones. « jilna tab jnanou » n'est pas trop muri pour se laisser récolter par des mains propres et juvéniles. Pourtant il existe à l'ombre des icones du pouvoir ceux qui font le nécessaire pour le maintenir en osmose. Comme il est impératif d'avoir dans un pays un gouvernement, comme il est interdit de faire dans l'importation de ministres quoiqu'elle fût des plus contrefaites, la situation prévalant exige la recherche des oiseaux rares dans le poulailler local. Loin des partis ces scribouillards, experts, réfléchisseurs, rédacteurs de projets, créateurs de lois, faiseurs d'élections, innovateurs et réalisateurs de programmes, représentants de commissions, enfin tous ceux qui font le travail pour les autres ne sont-ils pas aptes à remplacer ces antiques icones ? Les secrétaires et directeurs généraux de ministère, les centraux, certains walis, ont tout de même le droit de pouvoir accéder avant un retrait définitif aux étages du gouvernement et y siéger en qualité de ministres. Ils auront au moins l'avantage d'être des personnages neufs, mais pas des stagiaires. Des novices mais pas des parvenus. Des promus et non des arrivistes. L'exercice du pouvoir, non seulement ils le connaissent mais sont aussi derrière ses codifications. C'est à eux qu'échoient le mérite de toutes les législations et la prévision de toutes les politiques. Mais ils ne sont pas garants de l'idéal politique les ayant animés. A défaut d'un regard envers leur crépuscule, ils vivent l'indifférence avant même d'atteindre cet âge légal pour quitter la plume et la réflexion et s'investir dans la fatalité et la omra. En ce même moment des ancêtres jalonnent leur chemin vers un avenir qui ne leur appartient plus. Ils vont droit au but. La tombe et Belzebuth. Presque à l'identique du peuple égyptien obligé à faire un choix difficile lors de ses présidentielles, le notre subit les affres du changement dans la continuité. Il ne suffit pas de changer un nom par un autre ou une ancienneté par une longévité. L'important c'est de ramener du nouveau dans la vision et de l'espoir dans l'avenir. La tendance actuelle vers laquelle se dirige le pouvoir dans sa forme de système, pour la nomination d'un gouvernement ne semble pas prendre en charge le silence signalé par la masse abstentionniste lors du dernier scrutin. A l'interpréter ce fort signal traduit un besoin pertinent de redressement de la barre. A fortiori, blasement oblige le maintien d'Ouyahia ou la (re) venue de Belkhadem serait une autre résignation à ingurgiter. L'œsophage national est habitué aujourd'hui à encaisser dans son conduit tout aliment dur à mâcher. Amère, pestilentiel ou insipide. Pourvu qu'il y ait satiété. Survie. Mais à la longue, viendra un jour où l'histoire aura à dire son mot, avant que ne le dise le ras le bol et la résistance civile. Les gouvernements ailleurs se succèdent, chez nous ils se ressemblent. Ils s'héritent et irritent l'opinion pas plus. |
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