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L’Angleterre est la seule de la terre qui soit parvenue à régler le pouvoir des rois en leur résistant et qui, d’efforts en efforts, ait enfin établi ce gouvernement sage où le prince, tout-puissant pour faire du bien, a les mains liées pour faire le mal, où les seigneurs sont grands sans insolence et où le peuple partage le gouvernement sans confusion.
Voltaire. (Les Lettres anglaises. 1734) La mission première «d’un Pouvoir juste, équitable et respectueux des lois morales universelles» commence par arracher les hommes à leur violence et les dirigeants à leur arrogance. Le Prince (ou Président) ne doit pas se conduire en nabab. Il reste frère à ses sujets sans conteste, plutôt que de se conduire en ‘’despote cruel’’ que tout le monde déteste. C’est faire passer ses sujets de l’état-nature à un État de culture. Ce Prince devient, ainsi, une référence de Justice, de Raison, de Droit et du Savoir sur lesquels insiste notre Saint Coran, en tant que meilleure voie (voix) de gestion de la Cité. «O David, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas la passion. Elle t’égarera du sentier de Dieu. Car ceux qui s’égarent du sentier de Dieu auront un dur châtiment pour avoir oublié le Jour des Comptes.1 » Or, pour méditer ce verset, il faut que nos Princes soient philosophes. Devenus des adorateurs de la vie, ils s’assoient sur une pareille recommandation, pourtant, divine parce qu’ils se sont fourvoyés dans leur suffisance. Il ne leur reste de l’Islam que son étiquette en raison de leur course effrénée aux plaisirs de la vie. Ils sont moins aiguiller par leurs cœurs que par leur ambition matérielle basse qui n’a d’égale que leur bassesse. Par contre, ce qu’ils ne doivent pas perdre de vue est que nos peuples ont l’âme instinctivement révolutionnaire. Leur émancipation est parrainée par leur sacrifice dû au Printemps arabe. Croire qu’il est s’est définitivement maîtriser, serait une faute politique grave aux retombées incalculables. Sombrés dans une rage du pouvoir démesurée, nos princes traitent leurs peuples, qui se soulèvent contre eux, de fauves dangereux qu’il faut, à tout prix, dompter pour les assujettir. Pour ce faire, ils ne lésinent sur aucun moyen, y compris chars et canons, voire aviation perpétrant, ainsi, des horreurs infâmes contre leurs propres compatriotes. Leurs peuples sont-ils moins importants que leurs pouvoirs (souvent sanguinaires) ? Les pays sont-ils moins sacrés que leurs États ? Aucun peuple arabe n’est à l’abri de la tyrannie de ses despotes. Aucun peuple arabe n’est protégé de leur barbarie. La Syrie en est l’ignoble exemple. Même la classe intellectuelle n’a pu se défaire de l’étreinte de l’obscurantisme politique d’un autre âge. Nos princes souffrent d’une indigestion politique chronique au point d’exterminer leurs peuples et brader les pays et leurs richesses, aux puissances occidentales. Saddam a jeté l’Irak en pâture aux USA. Leurs tankers s’approvisionnent en pétrole du peuple parce qu’ils (USA) les ont aidés à se débarrasser de leur despote. Après avoir assassiné nombre de ses opposants parmi lesquels son propre gendre, il a terminé sa vie, lui aussi, au bout d’une corde. Idem pour Kadhafi. Sa chute a couté la vie à près de 50 000 Libyens. Du haut de ses 42 ans de vie de château, il a connu une fin tragique dans un égout victime de ses victimes. Quel revirement de situation ! Tous les pays du monde adoptent à l’alternance au pouvoir. Ils changent de présidents après deux mandats au maximum sauf les nôtres qui y élisent domicile. Si le mandat présidentiel est une mission sous d’autres cieux, chez nous, le président l’exerce comme carrière professionnelle à vie au moyen de fraudes électorales et violation des constitutions. Dépourvu de tout charme politique, nos princes ne retiennent pas la leçon. Ont-ils la conception lente ou une intelligence totalement ‘’habsa’’ pour ne rien comprendre à la politique ? Ils s’entêtent, encore et toujours, à croire que ‘’cela n’arrive qu’à l’autre’’. Etant au pouvoir, ils estiment que la situation reste immuable à leur seul profit. Par strabisme politique, ils n’envisagent jamais que des contingences risquent de changer le cours de l’Histoire. Ils omettent que le temps a deux dimensions : tantôt pour eux, tantôt contre eux, que rien n’est éternel. Les voila, donc, en face de l’Histoire et face à face avec leurs peuples. Surprise. Le Printemps arabe a faussé toutes les prévisions en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Yémen, au Bahreïn, actuellement en Syrie et … plus tard ailleurs. Aucun régime arabe n’est immunisé contre le déferlement de ce tsunami social parce qu’aucun dirigeant arabe n’est à la tête de son pays par la volonté de son peuple. Aucun dirigeant arabe n’œuvre dans l’intérêt de sa nation. Ils ont transformé nos contrées paradisiaques en géhenne. Épris par la Passion et l’Ambition, ils ont omis la Mesure et la Raison. L’Histoire est, pourtant, présente dans toute sa rigueur pour leur dispenser des leçons mémorables qui, hélas, refusent de retenir, encore moins de méditer. Ils ne cherchent qu’à se milliardériser. Ils ne savent pas faire le distinguo entre ‘’la force publique’’ et ‘’le terrorisme politique’’ que la nation refuse en bloc. Ils adorent les discours mais rejettent le dialogue. Seul ce dernier est à même d’aplanir les différents et éviter les troubles. Dans un système démocratique, le pouvoir écoute le peuple et ce dernier reste à l’écoute du premier. Nos régimes moribonds sont irréformables. Ce qui explique la pratique aveugle du ‘’jusqu’auboutisme’’ criminel contre leurs peuples. Ils ne connaissent rien à l’éthique politique parce que : «Ils ne savent rien, ne veulent rien savoir. Vois-tu ces ignorants, ils dominent le monde. Si tu n’es pas des leur, ils t’appellent ignorant »2 Nos régimes s’appuient essentiellement sur la force militaire. En Syrie comme au Yémen, l’armée a fini par s’effilocher. Ces princes ont semé le vent de la discorde, ils récoltent, aujourd’hui, ‘’Les Raisins de la colère’’ (populaire). Cette jeunesse, avide de Liberté, a défié tous les régimes, même les plus radicaux d’entre eux. Elle a fermement décidé d’en découdre quel qu’en soit le prix. La jeunesse arabe a bien compris que ‘’l’être libre et fort tire sa puissance en ayant compris le monde.’’ C’est pourquoi, elle a définitivement perdu confiance en ses dirigeants car tant qu’ils sont au pouvoir, elle n’a aucun avenir. Nous autres Musulmans, nous nous trouvons orphelins du droit et de la justice. Depuis l’époque de Omar Kheyyam (11ème siècle), à Djamal Eddine El Afghni (19ème) jusqu’à aujourd’hui, la mentalité des souverains arabes n’a pas évolué d’un iota. Ces dictateurs ne s’intéressent qu’à ‘’LEURS’’ seuls intérêts. Au lieu et place d’être les apôtres de la Sagesse et de la Mesure, ils veulent ‘’se déifier’’ à l’instar des empereurs romains. Ils ont fait de notre monde (arabe) la risée du monde entier. Personne n’attend rien de la Ligue arabe qui, plutôt, se ligue contre les peuples arabes. Elle n’a jamais rien fait pour aucun pays et ne pourra jamais rien faire. La circonspection de la jeunes se arabe a impressionné beaucoup de monde (non arabe). Elle veut vaincre ses bourreaux par la seule force de la Justice et non par l’usage de la force. Certes, elle leur voue une haine viscérale pour leur nombrilisme, leur incompétence et leur manque de vision à long terme parce qu’ils ne comprennent rien au professionnalisme politique. La tempérance, dans tout cela, reste le Droit et la Justice. Les despotes ayant exercé leur pouvoir absolu sur leurs peuples, ces derniers veulent exercer la force de la Justice car aucun peuple n’a supporté éternellement l’injustice. Les pays de l’Europe de l’Est en sont l’insigne exemple. La plupart d’entre eux ont évolué politiquement, développés économiquement et font partie de la zone euro. «Et dis : arrive le droit et disparaît l’injustice. Car l’injustice est appelée à disparaître.»3 Il n’est pas vain de rappeler nos dirigeants dès que leur pouvoir est contesté par leurs peuples, il leur sied de le quitter sans effusion de sang. Leur maintien ne pourra qu’envenimer la situation et causer d’horribles souffrances à la société. Assassiner son peuple, en croyant amputer la main étrangère (fictive) qui le manipule, serait, ni plus ni moins, que lèse humanité. Au vu de leur ignorance (ou faux calculs), les dirigeants arabes ne s’imaginent jamais l’énergie de leurs peuples désespérés et en détresse. Un peuple désespéré, non seulement n’a plus peur de rien, mais, en sus, aucune force ne lui résiste. Les exemples de la Tunisie, de l’Égypte et de la Lybie, de la Syrie devraient servir de leçons aux régimes qui supposent que le brasier du Printemps arabe est définitivement circonscrit. Erreur. On ne gouverne pas en tuant. Pourquoi ne pas revenir à la raison et sacrifier les ‘’koursis’’ contestés sur l’autel de la démocratie au lieu et place d’arroser les terres de leurs pays avec le sang de leurs peuples commettant, ainsi, de véritables génocides. Nul ne dénie la force publique d’un État équitable. Elle est non seulement nécessaire mais indispensable pour le maintient de l’ordre social et le bien-être du citoyen, faute de quoi l’on s’enlise doucement mais sûrement dans le chaos et l’anarchie. C’est l’usage de l’oppression que la nation tout entière rejette. La crise du pouvoir prend forme dès qu’il use et abuse de son autorité. Cela entraîne fatalement la rupture de l’ordre et, du coup, ouvre large les portes au désordre. Le pays est la propriété du seul peuple. Ce dernier a le droit de choisir souverainement son représentant. Manipuler frauduleusement les élections est une insulte à l’attention de toute la nation. Pour la première fois dans l’Histoire de la Tunisie indépendante et de l’Égypte, les électeurs se sont rués massivement vers les urnes, sans matraquage médiatique, à hauteur de 90% et 62%. C’est parce qu’elles étaient libres et transparentes que nos frères tunisiens et égyptiens ont accepté les résultats. Ils ne se sentent en rien menacés par les partis vainqueurs car les jeunes mettent de la pression sur les nouveaux dirigeants. L’abstention du 10 mai, chez nous estimée ‘’officiellement’’ à plus de 57%, est une rhétorique martiale qui met en relief la cassure nette et définitive entre le pouvoir et la société. Les Algériens espèrent-ils le changement exigé ou … serait-ce encore la continuation dans la continuité ? La jeunesse arabe est en train de changer le cours de l’Histoire. Elle a prouvé aux dirigeants qu’elle a définitivement enterré ‘’sa hache de peur’’ et qu’elle est prête au sacrifice pour la justice et la Liberté : ces Reines de tous les terriens. Syriens et Yéménites en sont les parangons. En Égypte et en Tunisie, cette même jeunesse surveille de près ses politiques en les contraignant à tenir leurs engagements. Autrement formulé, elle a su renverser les régimes déliquescents. Le pouvoir est en train de changer de camp sous nos latitudes. Il n’est plus concentré entre les mains des despotes, jusque là incontestés. Si les peuples arabes avaient été dirigés par une politique rationnellement intelligente (ou intelligemment rationnelle), le citoyen n’en serait pas arrivé là. Il ne pourrait être qu’en accord avec l’ordre établi en raison de son équité à l’instar des systèmes qui respectent la volonté de leurs compatriotes. Est-ce que nos dirigeants l’ont compris ou continuent-ils à persévérer dans leur entêtement que ‘’cela n’arrive qu’ailleurs et aux autres ?’’ La répression reste-t-elle leur unique mode de gestion ? Sont-ils prêts à massacrer les deux tiers de leurs peuples pour gouverner le troisième dans la terreur? Qu’est-ce qui prime : l’État ou le pays ? Le pouvoir ou le Peuple ? L’absence de démocratie dépra ve le comportement du citoyen, voire de la société dans son ensemble. Elle favorise la déliquescence de l’État et entraîne son dépérissement jusqu’à sa chute. La dictature engendre le despotisme, conforte le népotisme, favorise l’opportunisme au détriment du mérite et des compétences. Le printemps arabe arrive à point nommé pour mettre un holà à cette méthode de gestion suicidaire qui a porté gravement préjudice à l’éthique politique et au contrat social, au sens rousséen du terme. Aujourd’hui, la nation et, particulièrement, sa jeunesse ont parfaitement compris que, pour lutter contre ces ‘’tyranausores’’ séniles, il n’y a d’autres moyens que de se soulever en rangs serrés. C’est pourquoi, il y a eu cette Révolution du Jasmin qui ‘’dégage’’ une odeur d’espoir dans le cœur de chaque Libyen, de chaque Égyptien, de chaque Tunisien, de chaque Yéménite et, très bientôt in Challah, de chaque Syrien. Enfin … de chaque Arabe. Avec le renversement de ces ‘’gérontocratiques’’ dépassés par l’Histoire et les évènements et l’émergence d’une autre génération de dirigeants civils composés de jeunes politiciens intègres, instruits et talentueux, ‘’Le Printemps [arabe] n’en sera que … plus beau.’’ Aux martyres du Printemps arabe, la nation entière est reconnaissante. Paix à leurs âmes pures qui hantent la conscience de leurs assassins. * Maître de Conférences Université de Chlef Note : 1 Soura : 38 ; verset : 26 2 Omar Khayyam. Cité par Amine Maalouf in Samarcande. Ed. Casbah. Alger. 2000. P. 20 3 Soura : 17 ; verset : 81. |
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