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« De la boîte de Pandore où grouillaient les maux de l'humanité, les
Grecs firent sortir l'espoir après tous les autres, comme le plus terrible de tous.
Je ne connais pas de symbole plus émouvant. Car l'espoir, au contraire de ce
qu'on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c'est ne pas se résigner.»(1)
L'histoire nous a appris que sans violence et sans argent, une révolution n'a
aucune chance de réussir. Dépourvus des deux, les jeunes du Jasmin ne pouvaient
que se résigner à la voir filer sous leur nez pour flirter avec ceux qui en
sont bien pourvus: les islamistes. Certes, il y a le cas Gandhi, homme de la
non-violence et du non-argent qui a fini assassiné par ceux qu'il défendait. Au
fond, on y croyait à ce printemps-là, voile ou pas voile, barbe ou pas. Enfin,
on allait voir des «Zorro» s'attaquer à la corruption, au chômage, à
l'injustice, à l'insécurité, etc. Mais nous voilà avec les mêmes rapaces plus
durs à «dégager» que leurs précédents. Des jouisseurs haram aux jouisseurs
halal. On croyait naïvement qu'avec cette islamisation soft du monde
arabo-musulman, les chouyoukh n'ambitionnaient le pouvoir que par compassion
pour leurs compatriotes, par amour du bled, faisant de la résolution des
problèmes qui minent la société leur priorité. «Que désires-tu, ô toi le «nu» ?
? Maître, je ne désire que la bague !» A peine élus, les représentants du parti
islamique unique par définition, c'est Islamitus et Sexus. En Tunisie, on
débute zen malgré l'ampleur de la tâche, le bikini touristique et le voile
estudiantin suffisent au lancement par étape de la «fusée». Quant à la Libye où
les préliminaires ont été réglés par Kadhafi, on se précipite pour défoncer des
portes qui n'existent pas: la polygamie. En Egypte où Al-Azhar possède le
pouvoir du Vatican et du Pentagone réunis, on pousse au raffinement dans le
détail: régulariser les pédophiles et les nécrophages. Ces «chouyoukh masris»
ont un vrai problème avec les cadavres. Ils excommunient les vivants et les
morts surtout quand ces apostats expriment leur reconnaissance aux pyramides
nourricières comme Fatma Al-Youssef et son fils (fondatrice de la revue
Rose-Al-Youssef), le grand écrivain Abdel-Qodous et même Mahmoud Al-Akkad. Il
paraît que Naguib Mahfoud, l'unique prix Nobel de littérature, avait des sueurs
froides à l'idée de ce châtiment azharien post mortem. Pauvre Misr, Oum el
Dounia, avec trois fois moins de pétrole que nous et trois fois plus de bouches
à nourrir, voter pour une assemblée aux trois-quarts barbue alors que les
sarcophages des Pharaons-kofars assurent le beurre sur les épinards, c'est
vraiment la malédiction de la Momie réactivée. Chez nous où le code de la
famille et le terrorisme ont déjà fait table rase, nos islamistes au cursus
scolaire aussi riche que nos anciens politiciens inaugureront leur nouvelle
assemblée en dépoussiérant les anciennes revendications du FIS: la mixité à
l'école puis le reste viendra. 1 lycée de filles pour 10 de garçons et les
mineures tomberont comme des mouches. En Mauritanie, les intégristes ont
d'autres priorités, ils se battent avec la baraka des cheikhs du Moyen- Orient
pour préserver l'esclavage sexuel, les djariate. Curieux que ce racisme des
Arabes envers plus bronzés qu'eux, les Noirs, demeure un sujet aussi tabou que
la libération de la femme arabe. Le problème avec cette révolution qui chute
au-dessous de la ceinture, c'est «combien ça coûte ?» N'est pas polygame,
pédophile, nécrophage qui veut. Un objet sexuel ça s'achète, ça se conserve, ça
se protège, les harems ont leur or, leur soie et leurs eunuques. Qui vend ?
Nous. Qui paie ? Nous. La société est tellement bien faite que la majorité
perdante payera toujours pour la minorité régnante. La nature de l'homme
s'adapte à sa «dénature». Les anthropologues affirment que les mâles dominants
rendent les dominés psychologiquement impuissants. Dans son livre «L'Echec des
Systèmes Politiques en Algérie», le sociologue Slimane Medhar lie l'échec du
FIS à la mère, seule garante des traditions séculaires. Les leaders «verts» ont
conscience que pour avoir le pouvoir et le garder indéfiniment, leur principal
obstacle est la femme, seule usine à pourvoir harem et milices. Avec la
disparition des mouvements féministes nés dans l'urgence d'une brise
démocratique éphémère, la résignation s'est installée. Sur le Net, les sites
qui dénoncent la violence faite aux femmes peinent à atteindre quelques
centaines de membres alors que concernant seulement la violence conjugale, on
estime à plus de 9.000 le nombre d'Algériennes qui en sont victimes: «Rien ne
bouge. Rien ne frémit. C'est le désert des Tartares? Il (le mode nostalgique)
culmine dans une langue de bois qui a fini par banaliser le code de la famille.
Il consiste à rappeler platoniquement que la femme algérienne a été l'égale de
l'homme dans les maquis, qu'elle a été héroïque, courageuse, déterminée, etc.
Mais, comme le veut la tradition, le nif, et maintenant les lois, l'ennemi une
fois bouté, son héroïsme consiste à servir l'homme, et à se laisser
asservir.»(1) L'«Appel des femmes arabes pour la dignité et l'égalité» déclare
qu'au lendemain de ce «printemps», la situation de la femme est presque pire
qu'avant le changement. (2) Maintenant avec Islamitus et Sexus, le «presque»
est gommé. En 1515, dans Le Prince, Machiavel liait la vertu politique
(compétence) à la virilité. Dans Sexus Politicus, les deux Christophe, Deloire
et Dubois, écrivaient: «La politique, tâche astreignante et noble, ne se réduit
pas à des réunions d'alcôve. C'est avant tout la défense des idéaux et des
intérêts de classe, la réflexion sur la cité, le travail militant guidé par des
conceptions de justice ou d'efficacité.» Mais quand il n'y a que pour l'alcôve
et rien d'autre, quand les chaînes remplacent les conquêtes, quand l'enfance
est saccagée et le repos éternel violé, on est déjà au cœur de l'asile. En
comparaison, Sodome et Comores c'est Disneyland. Mais l'homme n'est pas
programmé pour tout avoir, avoir plus ne rend pas heureux, au contraire, c'est
l'effet drogue dure: toujours en manque. Dans son livre ?'Avoir ou Etre'',
Erich Fromm affirme que la survie de l'humanité dépend de ces deux modes
d'existence. La passion de l'avoir entraîne la violence alors que seul le mode
de l'être, fondé sur l'amour, le plaisir de partager, est fécond. Quelle
malédiction ancestrale nous poursuit pour mériter ces nouveaux raïs qui
revendiquent haut et fort le droit à la jouissance illimitée alors que la
planète entière est à l'austérité, à la repentance, à la réflexion pour un
autre partage plus égalitaire, plus juste ? Sur l'Orient, Maupassant a écrit:
«La vérité implacable me conduirait au suicide si le rêve ne me permettrait
d'attendre.» Rêver et attendre, c'est ce qui reste aux jeunes de la place
Tahrir, de l'avenue Bourguiba qui n'envisagent pas le suicide.
1- Camus 2- Le Soir d'Algérie (Confessions d'un chroniqueur spécialisé dans le 8 Mars: Areski Metref) 3- Le Monde (9 mars 2012) |
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