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« On ne parvient
plus à assimiler ceux qui sont là». Cette phrase est d'Henri Guaino, conseiller spécial et plume du président Nicolas
Sarkozy. Extraite d'un entretien accordé au quotidien Libération, elle désigne
les immigrés avec pour toile de fond les polémiques et débats au sujet des
tueries de Toulouse et de Montauban (*). Précisons les choses. L'homme n'est
pas xénophobe pas plus qu'il n'est un adepte de l'immigration
zéro chère à Marine Le Pen. Républicain et
souverainiste, il a le courage et l'honnêteté de dire que le modèle social
français n'est pas «menacé par l'immigration» même si son patron ne cesse de
sous-entendre le contraire (plus par calcul électoral que par conviction,
d'ailleurs). Pour Guaino, c'est juste que la France a «assez de
difficultés à résoudre pour ne pas en ajouter d'autres», comprendre celles que
créent les nouveaux arrivants.
Ce retour en force du thème de l'immigration dans la campagne pour l'élection présidentielle est tout sauf une surprise. On peut même penser que cela aurait été le cas même sans les assassinats commis par Mohamed Merah. Et c'est là que l'on touche à ce qui constitue l'un des problèmes fondamentaux de la France. Tant que l'on continuera d'y parler d'immigration à propos des difficultés que posent, et qui concernent, des personnes nées en France et de nationalité française, les diagnostics resteront mauvais et les solutions inefficaces. Reprenons donc par le début. Dès l'identité du tueur connue, les médias français, y compris ceux qui, comme Libération ou France Inter, sont dits de gauche, n'ont cessé d'user et d'abuser de l'expression «un Français d'origine algérienne». Nombre de confrères et de collègues algériens y ont vu une attaque sournoise contre l'Algérie. A dire vrai, il s'agissait plus d'un réflexe pavlovien et d'une incapacité à dépasser une certitude, souvent non-assumée, selon laquelle il existe plusieurs catégories de Français. Prenons l'exemple des discours sur les banlieues des grandes villes de l'Hexagone. La situation, souvent difficile tant sur le plan social que sécuritaire, y est souvent décrite sous le prisme de l'immigration. Si l'on prend soin d'écouter le discours des hommes politiques, Hollande et Mélanchon compris, aucun ne dira de manière précise que les habitants de ces zones refoulées sont d'abord et avant tout des ressortissants français. C'est simple, il existe tout un florilège d'expressions destinées à mettre en évidence, voire à la renforcer, l'altérité dont ces citoyens seraient porteurs. On parle de «populations immigrées» ou de «Français d'origine immigrée», ce qui, dans ce dernier cas, ne concerne aucunement celles et ceux dont les parents ou grands-parents sont originaires d'Europe du sud (Espagne, Italie, Portugal) ou de l'Est (Pologne, Hongrie, Balkans). Il ne viendrait jamais à l'idée de Libération, du Monde et encore moins du Figaro de présenter Nicolas Sarkozy en tant que Français d'origine hongroise. Ce qu'il est pourtant du fait de la nationalité de son père? On parle aussi, en désignant des ressortissants français (!), d'«immigrés de la deuxième ou troisième génération» cela sans oublier de préciser les origines «arabes», «musulmanes», «africaines», «maghrébines» ou encore «nord-africaines». La personne concernée a beau être née en France, avoir grandi en France, ne parler que la langue française, être allée à l'école républicaine chère à Henri Guaino, et à ne s'imaginer pour seule perspective qu'un avenir en France, elle restera «d'origine quelque chose» ou, léger mieux, elle sera «franco-quelque chose». Et c'est valable quel que soit le statut social. En effet, que l'on ne croit pas que le fait d'avoir quitté la banlieue change la donne. Bien au contraire, être obligé de décliner son origine est un acte régulier, presque permanent ou obligatoire quel que soit le milieu social, ou professionnel, dans lequel on se trouve. Ainsi, ce chercheur en islamologie qui confiait en privé sa décision de ne plus se présenter en tant que Français. «Je dis d'emblée que je suis Marocain. Cela m'évite d'entendre cette insupportable question : ?ah oui, vous êtes Français? Mais de quelle origine ?». Et de préciser, chose intéressante, que rares sont celles et ceux qui lui demandent alors s'il possède la nationalité française. «Je suis d'origine berrichonne» a pour habitude de dire de son côté, un journaliste économique dont, il faut le préciser, le patronyme et l'apparence physique indiquent bien qu'une partie de ses racines plongent de l'autre côté de la Méditerranée. Le plus souvent, cette sortie fait rire aux éclats mais elle ne décourage pas pour autant les questions curieuses et insistantes. «C'est comme si le fait de refuser de dire d'où est venu mon grand-père était suspect», explique-t-il. Voilà donc un paradoxe français. Se proclamer républicain, défenseur de l'égalité ? et de la laïcité - mais, dans le même temps, être obsédé par les origines d'une partie de la population. De fait, le véritable enjeu est résumé par la question suivante : Comment faire pour que ces Français que l'on rappelle en permanence à leurs origines se sentent totalement Français ? Cette question mériterait un vrai débat national lequel serait déconnecté des questions liées à l'immigration. En effet, ce n'est pas d'une question de visas ou de contrôles aux frontières dont il s'agit mais bien de la manière dont on se comporte avec un «stock» de Français dont on ne parle que lorsqu'interviennent des événements dramatiques à l'image des émeutes de 2005 ou de 2007 ou de ce qui vient de se passer à Toulouse et Montauban. Et la récente sortie du président français (d'origine hongroise) Nicolas Sarkozy à propos de Français à «l'apparence musulmane» ne va certainement pas permettre de faire avancer les choses? |
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