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La tactique du silence a ses limites

par Kharroubi Habib

Bouteflika ne s'est pas exprimé sur la situation interne depuis le 15 avril dernier, date à laquelle il a prononcé un discours à la nation pour lui annoncer que des réformes politiques allaient être engagées. Pourtant, depuis, le pays est dans une effervescence politique dont le simple citoyen peine à déchiffrer les causes et les motivations et à faire le distinguo dans le fatras des déclarations et prises de position entre celles dictées par des considérations purement politiciennes et celles posant les vrais problèmes liés aux projets de réformes annoncés par le chef de l'Etat.

Malgré donc les critiques qui ont fusé d'abord contre le mode opératoire qu'il a fixé unilatéralement pour la matérialisation des réformes et celles encore plus acerbes sur leurs contenus, le chef de l'Etat n'a pas jugé utile d'éclairer la lanterne de ses compatriotes.

Certes, les Algériens savent leur président devenu, pour raison de santé, économe de ses prestations officielles publiques, mais ils ne sont pas pour autant convaincus que c'est la seule cause de son silence dans un contexte national, régional et international où ils ont besoin des éclairages de l'homme sur les épaules duquel repose la stabilité de la nation. C'est pourquoi ils se laissent aller à en trouver l'explication dans les rumeurs et spéculations qui foisonnent sur le sujet et dont sont prodigues les milieux politico-médiatiques.

Aujourd'hui à Laghouat où il va «inaugurer» l'année universitaire, Bouteflika a l'opportunité d'éclairer ses compatriotes sur certaines des questions qu'ils se posent. Faute de quoi, la persistance de son silence leur fera accepter pour vérité l'affirmation développée par maintes sources que l'Algérie serait sans pilote, alors que d'inquiétants nuages s'amoncellent au-dessus de son ciel. Le Président ne peut ignorer que c'est de son camp qu'émane l'argumentaire qui cherche à créditer l'opinion que le sommet de l'Etat est en déshérence. La guéguerre à laquelle se livrent les partis de l'Alliance, censée être rassemblée autour du Président, ne s'explique pour le citoyen lambda que par le fait que ses protagonistes sont dans la conviction que l'Algérie est dans une fin de règne, rendant aléatoires l'allégeance et le soutien à Bouteflika qui ont été leur fonds de commerce politique, tant qu'il tenait fermement les rênes du pouvoir et en était la source décisionnelle prévalente.

A les voir s'entredéchirer et même s'attaquer au fond des réformes politiques initiées par Bouteflika, ce citoyen lambda ne peut que tirer effectivement la conclusion d'un vide au sommet de l'Etat et que leur Président n'est plus en situation de préserver la cohésion de son propre camp.

On dit de Bouteflika qu'il pratique de façon émérite l'art de surprendre partisans et adversaires. Peut-être que la stratégie du silence relève pour lui de cet art et qu'il ne veut pas que la pression venant des premiers ou des seconds lui dicte quand et comment rompre son silence. Mais à trop s'enfermer dans le mutisme et couper ainsi sa communication avec le peuple, il va arriver à Bouteflika de conforter l'argument de ses adversaires qui le donne pour totalement déconnecté des Algériens et ses vision et projets de réformes en total déphasage avec ce à quoi aspire la société algérienne.