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«Quand les riches
se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent.» J.-P. Sartre
A l'évidence, le fonctionnement de la majorité à l'APN recèle tous les ingrédients dûment répertoriés par l'ex-parti unique et ensuite par les gouvernants actuels. Ces ingrédients constitutifs de la gouvernance algérienne, longtemps essentiels dans tous les pays arabes, ont pourtant définitivement vu leur date d'expiration largement dépassée. Le statut quo, la peur panique de laisser les populations voter librement, la liberté d'expression, celle de l'audiovisuel public considérées comme des hérésies, l'omniscience des dirigeants, le refus obstiné de l'alternance et celui de l'inclusion des oppositions sont des «constantes», les fondamentaux crus indépassables. Et cependant la Tunisie, l'Egypte, le Yémen, mêle le cruel régime saoudien, la Libye, le Maroc, la Syrie ont vu et voient ces mêmes ingrédients et «constantes» voler en éclats ou s'effriter sous les effets conjugués de facteurs internes et externes refoulés sinon méconnus par des classes politiques rentières, prédatrices et surtout archaïques jusqu'à la caricature. Les pouvoirs arabes en question, majoritairement musulmans ont pensé qu'ils pouvaient impunément manipuler, réprimer, favoriser, flatter, marginaliser, selon les situations, les mouvances islamistes et s'en servir pour terroriser les populations ou faire du chantage aux grandes puissances occidentales. Ces dernières savent ce qu'elles veulent et comment l'obtenir avec un front intérieur solide en politique étrangère d'une manière générale, des gouvernements et des législateurs légitimés par des élections indiscutées et indiscutables. Lorsque leurs frontières sont sécurisées, leur approvisionnement en pétrole garanti et lorsque les commandes d'armes, de nourritures, de médicaments, de véhicules, d'avions affluent des pays arabes, l'Europe et les USA se moquent du reste. Les scores des partis islamistes, les morts (mais selon des normes et des quantités tolérées) qui jonchent les terres arabes, les destructions bénies par le BTP d'Europe, des réformes qui traînent en langueur longuement ne gênent personne. Jusqu'au jour où des «intérêts supérieurs» occidentaux nécessitent des pressions, des votes à l'ONU, des listes de personnalités à arrêter, des gels d'avoirs et/ou l'intervention militaire. Des musulmans qui s'entretuent chez eux, armés par qui vous savez si bien, à condition de ne pas dépasser la dose prescrite. Ce sont là des feuilles de route superbement ignorées par l'alliance présidentielle convaincue qu'il est urgent d'attendre et que le baril ne baissera jamais. Malgré la volonté affichée par M. Bouteflika qui veut anticiper sur des hypothèses plausibles mais évitables si le bon sens patriotique l'emporte. Devant des dangers possibles et les spectacles offerts par des régimes arabes qui, il y a à peine six ou huit mois, s'estimaient intouchables, «amis» de l'Europe et des Etats-Unis et dont les chefs de «droit divin» pensaient être immortels sinon mortels dans leur fauteuil royal, présidentiel ou impérial, l'attitude en cette fin d'année du FLN et du RND s'avère étrange. Elle est surtout dangereuse, non pas pour ces partis remplaçables en quelques jours, mais pour l'avenir à court terme du pays et d'une jeunesse dont la patience a des limites. On a souvent cru que les jeunes d'Egypte, du Maroc, de la Libye et de la Tunisie étaient des estomacs amorphes montés sur des organes sexuels, et formatés pour l'éternité. Le réveil pour des dictateurs en fin de parcours a été d'une violence inouïe. Les lois proposées par l'exécutif, timides mais porteuses d'espérances, de mises à niveau avec les standards internationaux a minima ont été dévoyées. Le projet de la loi sur l'information, après trituration est devenu une caricature qui a des décennies de retard sur la loi d'avril 1990 qui n'en finit pas de hanter des appareils vermoulus, en fin de vie et qui ne le savent même pas. La liberté d'expression, de la presse, l'audiovisuel qui bouge au Maroc, en Tunisie, en Egypte, les réseaux sociaux qui ont pris d'assaut la toile, les ONG, les opinions démocratiques sur place et dans le monde vont accentuer leur pression et devenir nationaux comme les paraboles et la presse électronique. Le MSP, sans doute éclairé par les exemples marocain et tunisien, se singularise chaque jour au sein d'une majorité hétéroclite, qui improvise, rigide sur ses invariants antidémocratiques et ses pulsions hégémoniques qui font rire la société profonde en marge des administrations, du pouvoir, du gouvernement et du Parlement. Lorsque de larges franges s'inventent leur propre gouvernance, il y a péril en la demeure. L'abstention depuis des lustres n'a pas encore été analysée par la majorité qui ne peut plus agiter la délivrance de documents administratifs contre un bulletin de vote. Le mur de la peur est tombé là où des appareils ne savent pas que celui de Berlin est tombé, et qui brandissent comme des enfants apeurés «le complot extérieur» au lieu de bouger pour atténuer le contenu des «feuilles de route». Ces dernières sont explicites ou en droite ligne des mutations, pourtant aveuglantes, au quotidien, qui transforment le monde arabe et le Maghreb. Un ministre «planche» sur les cas d'imams qui ne se sont pas levés à l'écoute de l'hymne national au lieu de s'inquiéter que Kassaman est joué n'importe où, n'importe quand, et de proposer une réglementation ferme pour ne pas banaliser l'hymne en question. Le même affirme que le pèlerinage s'est bien passé, avec juste 32 morts ! Cette spontanéité pèse ce que vaut la vie dans ce pays. Les membres du gouvernement participent, avec l'aide de l'APN, au concours de celui qui plombe le mieux les réformes proposées par le Président. Le mouvement associatif, les partis, l'information et ses professionnels, l'investissement privé national et étranger, les libertés syndicales et d'autres acteurs (surtout l'opposition) sont les ennemis jurés ! De quoi donner raison aux observateurs nationaux, étrangers, aux rédacteurs des «feuilles de route» et à la jeunesse qui peut prendre la colère. La responsabilité de ceux qui sabotent les réformes est énorme devant l'histoire immédiate. |
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