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Il est parfois
plus utile d'approcher un évènement politique par son côté humoristique que par
son sérieux.
Il est plus spontané et moins conditionné par les appareils médiatiques. Il s'avère également souvent plus significatif. Pendant le soulèvement populaire en Egypte, au début de l'année, qui a provoqué la chute de son Raïs, on racontait à qui veut l'entendre une courte histoire satirique, qui résume, sans réduire, l'image que se faisaient les égyptiens de « Facebook ». Cette histoire met en scène deux hommes qui paraissent peu cultivés et surtout très atteints par les ravages de la bouteille. Le premier interrogea le second au sujet de cette nouvelle chose que l'on appelle Facebook. Celui-ci répondit, non pas sans flegme : « C'est un truc avec lequel on chasse les présidents dans nos pays ! » Si l'on a très vite désigné ces révoltes populaires comme étant une sorte de révolution facebook, c'est qu'il y a une part de vérité dans ce constat. L'histoire des nations est faite de succession de révoltes et de révolutions, mais ce qui caractérise les révolutions tunisienne puis égyptienne (dans un ordre chronologique) c'est qu'on a eu recours à de nouvelles technologies et à des médias « virtuels » dont les répercussions et les conséquences ont étaient, elles, bien réelles. En fait, ces « révolutionnaires électroniques » n'ont été que le prolongement d'un combat qui germait déjà au sein de leurs sociétés et qui était en gestation depuis bien longtemps. Facebook, ou tout autre réseau social sur internet, n'est pas la cause de la révolte des peuples arabes, il n'en est qu'un de ses outils. Il y a eu bien d'autres peuples qui se sont auparavant révoltés, sans qu'ils aient eu recours à internet, à commencer par la révolution iranienne contre le Shah jusqu'à la révolte des jeunes d'octobre 88 en Algérie. Pourtant ces réseaux sociaux ont été décisifs au moins pour deux raisons. D'abord par leur capacité à rassembler et à « mettre en lien » des points distants qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés sans l'aide de cet outil ; De plus, ces réseaux ont garanti plus de visibilité à ces mouvements populaires. Les deux révolutions ont atteint leurs objectifs notamment grâce à l'image que l'on a véhiculée d'elles. La révolution égyptienne fut presque « belle », même sur un plan strictement esthétique. Elle fut héroïque sur un plan symbolique. Facebook, tweeter, ou encore youtube n'en sont pas étrangers à tout cela. Enfin, ces deux révolutions ont été également une réponse éloquente à des clichés générationnels, vieux comme le monde, et qui ont la peau dure?comme tous les clichés. Dans l'histoire du rapport entre l'homme et ce « monde virtuel » que sont les réseaux sociaux, il y a eu quasiment un avant et un après « printemps arabe ». On dénombrait plus les pamphlets qui les jugeaient nocifs. Ils étaient synonymes de perte de temps et d'abrutissement des jeunes gens. Hormis quelques voix discordantes, on est aujourd'hui loin de ce discours, devenu par la force des choses et des faits, incommode et démodé. Ces e-révolutions réfutent un certain discours générationnel dominant, qui s'appuie sur la négation du présent au bénéfice du passé , dans le cadre du « Avant c'était mieux » Pour légitimer des logiques de domination d'ordre culturel et de nature paternaliste? Le printemps arabe est, avant tout, l'histoire « d'une bande d'adolescents boutonneux » qui ont fait chuter des régimes autoritaires des plus pugnaces et ont marqué de leur empreinte l'histoire du combat des peuples dans leur long chemin vers la liberté. S'ils ont fait cela, c'est qu'ils ont appris, de ce « monde virtuel », une leçon essentielle : rien n'est plus désormais impossible. |
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