|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
En 2008, la
petite Islande défraie la chronique en essuyant une banqueroute retentissante.
L'opinion internationale ne s'en émeut guère. Petit pays de quelques centaines
de milliers d'habitants s'ébrouant dans des mares d'eau brûlante au milieu d'un
paysage de neige, comment pourrait-il susciter un intérêt particulier?
Les choses changent quand il apparaît que des ci-toyens britanniques et hollandais, dont le nombre est supérieur à la population islandaise, sont ruinés de ce fait. La faillite de la petite Islande s'est ainsi répercutée sur l'économie mondiale. De plus, les Islandais, gens apparemment têtus, se sont mis en tête de refuser de passer sous les fourches caudines du FMI. Ils l'ont signifié par référendum à deux reprises, défiant ainsi les grandes puissances. Ils ont contraint leur gouvernement à refuser les compromis passés avec les créanciers et obtenu un rééchelonnement significatif de la dette, assorti d'un taux d'intérêt plus faible. En 2011, changement d'échelle. C'est la Grèce, à présent, qui affole les marchés. C'est un pays d'un poids certes supérieur à celui de l'Islande mais qui reste négligeable au plan international. Cela ne l'empêche pas de mettre en danger l'équilibre économique du monde. Il ne s'agit pas de mots. La chute des bourses du monde entier se traduit par la perte, l'évaporation, de milliers de milliards de dollars. Cette perte est largement supérieure à la dette grecque qui en est pourtant l'élément déclencheur. L'Islande et la Grèce n'ont pas l'apanage des dettes monstrueuses. Elles partagent ce douteux privilège avec d'autres nations qui vont inévitablement les remplacer sur le devant de la scène. En Europe se profile l'ombre du Portugal, pays de même taille que la Grèce. Derrière lui, il y a l'Espagne, l'Italie, la France! Ailleurs, il y a rien moins que le Japon et les États-Unis! Les dettes de ces pays représentent près de la moitié du PIB mondial. Il y a à l'évidence un vent de panique d'autant plus fort que l'Europe n'arrive pas à éteindre le mini incendie grec et que le monde regarde avec effroi la progression d'un feu qu'il n'arrive pas à endiguer. L'Italie essaie en vain d'amadouer la Chine en lui demandant de racheter sa dette. L'Occident sollicite les BRICs (Brésil, Russie, Chine et Inde) pour leur demander d'intervenir avec leurs énormes surplus financiers. Le Portugal, l'Espagne se tournent vers cette même Chine qui est déjà préoccupée par le sort de son argent placé aux Etats-Unis. Elle est contrainte d'y racheter à tour de bras des créances douteuses pour empêcher l'effondrement de pans entiers du système financier américain parce que cet effondrement entraînerait la perte définitive de son placement (danger qui guette aussi l'Algérie!). A titre d'exemple, la Chine a largement contribué au sauvetage de deux méga compagnies américaines Freddie Mac et Fannie Mae, détentrices ou garantes de 6000 milliards de dollars d'hypothèques, correspondant à la moitié du marché américain des hypothèques et, à ce titre, gravement menacées par la crise des subprimes. Si le scénario de faillites en chaîne de ces pays venait à se réaliser, le résultat serait pire que la pire des catastrophes nucléaires! Le monde retournerait probablement à l'état sauvage. Les États s'écrouleraient. La guerre deviendrait endémique. Les scènes d'exode et de massacres s'inscriraient dans le paysage des villes et des campagnes des pays les plus riches. Scénario catastrophe? Songeons à la douceur des soirées à bord du majestueux Titanic, voguant tranquillement vers sa fin dernière... Scénario de fin du monde? Peut-être, sauf si l'Occident accepte et accompagne la fin d'un monde. C'est de cela qu'il s'agit en réalité. Le primat de l'Occident est contesté aujourd'hui dans son essence même. C'est lui qui, ayant gouverné le monde sans partage, souvent de façon brutale, l'a mené là où il est. La seule boussole dont il s'est doté est seule qui indique le bien-être de sa population, au prix du maintien dans la misère et le sous-développement de 80 % de la population du globe. Colonialisme, impérialisme, esclavagisme, l'Occident a usé des moyens les plus barbares pour asseoir son magistère sur un monde appauvri, sans perspectives d'avenir. Le monde, jusqu'à ce jour, est construit autour de la déclaration, jugée « mystérieuse » à l'époque, de Bush père: Le mode de vie américain n'est pas négociable. C'est à cette aune que doit être comprise la politique des États-Unis. Il leur faut s'assurer un accès éternel aux matières premières, en particulier aux sources d'énergie, pour s'assurer du fonctionnement permanent des climatiseurs, pour illuminer Las Vegas, pour permettre à leurs citoyens de s' « éclater » sur leurs monstrueux quatre-quatre militaires, rendus à la vie civile, tout en massacrant allègrement la Nature. Il faudrait un développement particulier pour rendre compte des dégâts infligés à la Terre. De quel prix paiera-t-on les caprices d'enfants gâtés qui ont infligé au monde des dommages sans doute irréversibles? Qui paiera pour les typhons, les sécheresses, la disparition des lacs et des forêts? Non seulement les auteurs du forfait n'y sont pas disposés, pas plus qu'ils ne sont disposés à reconnaître leur culpabilité vis-à-vis de peuples qu'ils ont asservis, massacrés, mais encore ils prétendent continuer. Comme si de rien n'était, l'Occident refuse de voir que des pays émergent, que d'autres ont vocation à émerger. Il refuse de voir que plus personne ne croit dans son discours moral dont tout le monde sait qu'il n'est là que pour couvrir ses turpitudes. Il refuse de voir qu'il n'est plus seul au monde et que ses anciens esclaves sont en train d'arracher le pouvoir des mains des tyrans qu'il a contribué à installer. Il est aveugle à la clameur qui monte et qui proclame qu'il n'y a plus de place pour la soumission et que tous les humains ont droit aux mêmes égards et aux mêmes droits. Il ne veut pas reconnaître dans le mouvement actuel la fin d'un monde, celui d'une caste de privilégiés traitant le monde comme une propriété exclusive. Il y a plusieurs années, Giscard d'Estaing, alors président de la république française, expliquait à ses compatriotes la crise énergétique d'alors par le fait que les producteurs de pétrole venaient «nous prendre chaque année l'équivalent de 250,000 voitures». Dans sa matrice mentale, les propriétaires des champs de pétrole ne pouvaient être que des usurpateurs volant l'argent des malheureux Français en échange d'une marchandise qu'ils détenaient de manière indue. Il l'a pensé très fort. Les dirigeants américains ont poussé cette logique plus loin en investissant purement et simplement les régions pourvoyeuses de cette précieuse manne. Les signes de la fin de ce temps commencent à se multiplier. Le printemps arabe en est un mais ce n'est pas le seul ou plutôt, il n'est pas qu'arabe. La revendication démocratique est universelle. Même la froide Birmanie semble l'avoir compris, comme en atteste l'opposante Aung San Suu Kyi elle-même. Il y a une revendication plus forte. Elle émane du club des pays émergents qui veulent jouer un rôle plus important dans les affaires du monde. Ils estiment qu'ils ne sont plus au temps où les États-Unis faisaient financer leurs déficits par le reste du monde, le temps de l'arrogance où un John Connally, secrétaire au Trésor étasunien, pouvait dire en 1971: «Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème». A l'évidence, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce changement annoncé se heurte à des résistances. Elles se manifestent de différentes façons. En Libye, on fait donner la troupe pour reprendre le contrôle d'une évolution dont il ne fait donner à aucun prix les clés aux populations concernées. Aux États-Unis, on se cabre en réaffirmant un soutien sans équivoque à la politique israélienne. Quelque chose sonne faux toutefois. Il y a comme un trouble derrière les faux airs du matamore, le début peut-être d'une prise de conscience d'être en décalage par rapport à l'Histoire, de se mettre en danger d'être mis à l'écart de l'écriture de l'Histoire. Hypothèse vertueuse: L'Occident choisit de ne pas s'opposer à l'inéluctable et accompagne le changement. Entre la fin négociée d'un monde et la fin du monde, espérons que la sagesse lui dictera sa conduite, qu'il «oubliera» les armes de destruction massive entreposées dans ses silos et qu'il ne cédera pas à la tentation de provoquer l'Armagueddon final. |
|