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On s'émeut à la profanation de l'emblème national ou à l'irrévérence à
l'endroit de l'hymne national, mais on ne se pose que peu, la question de
savoir pourquoi cette désinvolture ou le subit regain d'intérêt à l'égard des
attributs de souveraineté nationale ? L'exclusion voire même l'excommunication
de la majorité par les tenants de la pensée unique élevée en dogme
révolutionnaire, est parvenue, à la longue, à saper toute velléitaire tentative
de réappropriation. On dénie à des groupes, des clans et même des régions leur
tiédeur si ce n'est pas leur opposition à l'acte révolutionnaire. D'écart en
écart, la béance avérée est difficilement résorbable. Sous la pression de la
parité juvénile, les comportements, jadis admis avec résignation, sont entrain
d'être battus en brèche et en net recul. Autre temps autres mœurs, ainsi en a
décidé l'adage. L'accaparement de l'emblème national remonte à loin,
probablement, à l'air du socialisme spécifique où ne pouvaient arborer les
couleurs que ceux qui se prévalaient de l'engagement militant à cette option.
On ne trouvait pas cet attribut dans le commerce, il a fallu attendre la moitié
des années quatre vingt pour enfin pouvoir l'acquérir auprès du seul
manufacturier de l'époque.
La coopérative ou le domaine agricole arboraient un drapeau qui, à la longue, devenait miteux. La levée ou la descente des couleurs n'obéissant à aucune règle ; confiées le plus souvent, à l'agent le plus inculte de l'institution, subissaient les pires «exactions» symboliques. On en faisait une corvée à expédier au plus vite. Les collectivités, quant à elles, confient cette tâche au parc communal et qui dit parc communal dit service de nettoiement. Il est encore permis de voir, le plus souvent, des cantonniers juchés sur des bennes à ordures, accrocher des guirlandes de petits drapeaux froissés à la veille de commémorations ou de visites officielles ? Quand les lampions s'éteignent on oublie généralement ces apprêts festifs. Des lambeaux de petits drapeaux s'agrippent aux lampadaires, à des herses de barbelés ou trainent lamentablement parterre. Pendant ce temps, le public était tenu à l'écart par prééminence patriotique jusqu'à l'exclusion. On a tenté vainement une opération «emblème national», un certain juillet 2009, mais le mal était déjà fait. Il ne fallait, surtout pas, en faire une opération dirigée et surtout pas gracieuse. Placide, le citoyen observe de loin les manifestations commémoratives auxquelles il n'est pas explicitement convié sauf, en cas d'appartenance associative ou partisane. La bombe qui explosait un premier novembre au cimetière de Sidi Ali au milieu d'un groupe scout, en était l'expression la plus violente. On osait profaner, ce qui jusque là relevait du sacré. S'il n'a pas connu les mêmes déboires que l'emblème national, l'hymne national, n'en demeure pas moins, chahuté dans sa sacralité. Son exécution ne fait lever que peu de personnes dans l'espace privé ou les immobiliser en cours de parcours dans l'espace public. Entonné dans les offices publics, peu de personnes réussissent à chanter les cinq couplets ; les autres remuent les lèvres avec une pathétique dissonance. Les galeries des stades, pleines de galopins, sifflaient de manière inconsciente les hymnes qu'ils soient national ou extranational. C'était le temps des étendards des Kandahar et autre royaume wahhabite. On abjurait ainsi l'appartenance à l'entité nationale pour se fondre dans une Umma utopique. Mêmes les fondements de l'Islam sunnite maghrébin étaient remis en cause par le prosélytisme d'inspiration moyen orientale. Peu importe le désordre, pourvu qu'il contrevienne à l'ordre établi des anciens. Vint ensuite la période d'expatriation par le symbole, on brandissait des oriflammes aux couleurs de pays occidentaux, Australie et Canada entre autres. Les équipes de foot prestigieuses à l'instar des Glasgow Rangers et de Liverpool essaimaient des répliques de supporters à Bachdjarah et à Bab El Oued. C'était l'époque où l'on réclamait des visas à Jacques Chirac en visite officielle dans notre pays. Les adultes ne trouvaient pour réponse qu'un hochement de tête médusé. Plus pernicieuse, la pratique d'arborer sur les plaques minéralogiques des véhicule le drapeau français auréolé des étoiles de l'Union européenne est unaniment tolérée. Serait-il permis à un Français, d'arborer un drapeau étranger sur son immatriculation officielle ? Il ne dépassera pas le premier barrage de gendarmerie. On peut ne pas aimer le régime en place, mais on doit un minimum de respect au citoyen ordinaire qui fait encore la différence entre son pays et ses gouvernants. Un certain personnel politique, ne se rendant pas compte qu'il tourne le couteau dans la plaie encore fraiche d'un corps social meurtri par la colonisation, se plait à exposer ses griefs politiques au Champs de Mars. Après la dépossession par la banalisation excessive des attributs identitaires, qui a ouvert la voie à l'indifférence voire même à l'irrespect, voila qu'on tente la réappropriation par n'importe quel moyen dut-il être incongru. N'a-t-on pas vu sur des podiums musicaux des artistes de renom s'enveloppant d'oriflamme trainant sur la scène ou lors des récentes joutes footballisques de l'équipe nationale où il subissait une profanation en règle par inconscience ? La campagne du Soudan a laissé des stigmates sur les murs dans nos bourgs et nos cités urbaines. Après l'euphorie, les supports muraux peinturlurés aux couleurs nationales subissent les affres de la quotidienneté. Les pays du Sud Est asiatique qui ont découvert le filon à l'époque, se sont mis à nous refiler notre propre couleurs nationales et sous toutes les formes : du chapeau à la tirelire jusqu'aux ustensiles de cuisine. Si ce commerce a trouvé le terreau favorable dans notre inclination folklorique, des idéologies d'arrière garde tentent encore par la plume innocente de semer le doute dans les esprits. Dans sa liste des organes de la presse nationale, un respectable site déroule le nom des quotidiens nationaux francophones frappés du drapeau français et arabophones par le drapeau national. La confusion dans les genres était-elle innocente ou sordidement délibérée ? Et pour prévenir toute paranoïa, ne vaut-il pas mieux accorder le bénéfice du doute ? |
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