Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LES LEÇONS DU «PRESIDENT DU MONDE»

par K. Selim

Le discours de Barack Obama devant l'Assemblée générale des Nations unies était très attendu. A-t-il convaincu ? Se rangeant dans le camp des amis d'Israël, le locataire de la Maison-Blanche a promis qu'en cas de réussite des négociations israélo-palestiniennes, «nous pourrons revenir l'année prochaine avec un accord qui amènera un nouvel Etat membre aux Nations unies, un Etat palestinien indépendant et souverain, vivant en paix avec Israël».

Les vifs applaudissements qui ont salué, ce 23 septembre à New York, l'intervention du président des Etats-Unis, brillant orateur, ne masquent cependant pas le scepticisme de nombreux observateurs. Les obstacles israéliens sont tels qu'il paraît peu probable qu'un accord minimal soit possible dans une telle échéance. L'arrêt de la colonisation est un préalable à la poursuite des négociations réelles, dont les dirigeants israéliens ne veulent pas entendre parler. Il n'est même pas question pour ces derniers de la prorogation du moratoire, présenté comme une concession inacceptable.

Au risque de passer pour «sceptique ou cynique», selon les termes de Barack Obama, on peut penser que l'Etat palestinien qui risquerait, à cette aune, de figurer parmi les membres de l'ONU serait réduit à une virtualité territoriale et disposerait d'une souveraineté tout aussi virtuelle... Mais le président des Etats-Unis a clairement fait porter aux Palestiniens la responsabilité de l'échec éventuel des négociations en cours sous les auspices de son administration.

Si la question du Moyen-Orient a constitué l'essentiel de son discours, le chef de l'exécutif américain a fait un point de situation global, distribuant bons et mauvais points et enjoignant à plus d'efforts pour le développement et la démocratie.

La posture de maître d'école adoptée par le président des Etats-Unis a suscité quelques grincements de dents de la part «d'élèves» admonestés et sommés de rendre une copie conforme aux desiderata américains lors de la prochaine Assemblée générale.

Si la tonalité du discours était moins menaçante que celle de son prédécesseur, point d'autocritique, bien entendu, dans l'homélie présidentielle dans l'évocation des guerres américaines : en Irak, une guerre officiellement achevée mais où il demeure cinquante mille militaires de l'US Army, en Afghanistan où la situation se détériore sans cesse, ou encore au Pakistan gravement déstabilisé. La situation économique globale a fait l'objet d'un long développement et la responsabilité de Wall Street mise en cause, sans que des mesures de contrôle de l'activité financière soient évoquées.

Le «président du monde», comme l'appellent certains médias occidentaux, a fait néanmoins preuve d'une relative humilité en reconnaissant que son pays ne pouvait à lui seul «construire le monde». Le constat est salutaire, la rupture verbale avec l'unilatéralisme assumé des néoconservateurs est un progrès appréciable. Encore faudrait-il que cela corresponde à la réalité des relations internationales des Etats-Unis. Le bellicisme est un paramètre américain et la guerre contre le terrorisme un moyen commode de justifier l'interventionnisme militaire étasunien.

Malgré les assurances sur la poursuite de la voie diplomatique avec l'Iran, la tension est palpable et les pressions du lobby pro-israélien pour une attaque «préemptive» contre ce pays sont très perceptibles.

Nul n'ignore que si les Etats-Unis ne peuvent effectivement «construire le monde à eux seuls», ils peuvent largement contribuer à le détruire.