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Epuisé par la
recherche des produits les plus élémentaires pour nourrir sa famille, il
retourne chez lui avec ses maigres acquisitions au fond du couffin.
Depuis la fin officielle de la fête, il y'a maintenant presqu'une semaine, il sacrifie chaque matin au même rituel. Il se lève tôt et fait courageusement le tour de ses fournisseurs habituels, la plupart ont toujours le rideau baissé et pour ceux qui ont daigné entrouvrir leurs portes, ils s'occupent au nettoyage et au rangement et n'ont à offrir à ceux qu'ils reconnaissent parmi une clientèle errante que les derniers restes de leurs stocks du Ramadhan. Un Ramadhan devenu, au fil des ans, le révélateur de tous les maux d'une société qui a définitivement divorcé avec l'effort et la raison. Une société qui se moque de toutes les lois objectives qui président, ailleurs, au fonctionnement de l'économie et fondent les rapports sociaux. Les prix ne sont plus, depuis très longtemps, le résultat d'une confrontation entre l'offre et la demande. Cette dernière augmente régulièrement et les prix aussi, mais l'offre ne s'emploie jamais à s'y adapter. Et quand il arrive à la demande de s'apaiser, les prix ne daignent en aucun cas céder sur le niveau acquis. L'Etat, en observateur souvent préoccupé par d'autres soucis, souhaite manifester, par sa passivité, le respect des règles d'un jeu qu'il ne connaît que théoriquement. Il lui arrive de s'émouvoir, quand ce jeu, qu'il surveille de loin, tourne au massacre. Alors il décide d'entrer avec douceur dans l'arène en l'inondant de produits sous tension. Mais sa louable intention se dissout dans sa propre souplesse et participe souvent à exacerber une situation qu'elle est sensée atténuer. Les pouvoirs publics, gênés par leur contre- performance la couvre d'un lourd silence et retournent à leurs préoccupations sécuritaires. Comme chaque année les services publics s'offre une mobilisation médiatique contre la spéculation et autres abus marchands et les consommateurs font semblant d'y croire. Mais personne n'est dupe, lui il sait que tout ce qu'il appris sur les lois économiques et sociales est battu en brèche. Smith, Mill et Say ne lui sont d'aucun secours. Même Bodin est ridiculisé par des bras qui ne bougent que pour remplir des panses. La rente a fini par chasser toute rationalité, la consommation est devenue le souci majeur de la société et de toutes ses institutions. Produire à quoi bon ? Cela nécessite des efforts et plus personne n'a d'intérêt à en faire. Le Pays a la terre, le climat et arrive à maitriser sa ressource en eau et peut produire beaucoup mais la disponibilité financière a rendu le travail inutile. Alors tant que dure la manne à quoi bon se fatiguer autrement qu'à consommer ? Dans l'impasse, il abandonne toute réflexion et se réfugie, comme à son habitude, dans la lecture. Et comme par un curieux hasard, en feuilletant le livre de Jean-Marie PELT (1) sur les langages secrets de la nature, il tombe sur un chapitre qui le ramène à la réalité qu'il voulait fuir. L'Auteur y relate des expériences menées depuis de nombreuses années sur la communication avec les plantes. Il raconte que « dans les années soixante le docteur Singh, botaniste de l'Université d'Annamalaï, féru d'histoire ancienne de l'Inde, fit écouter de la musique à ses plantes et constata une croissance plus rapide et une plus grande robustesse que chez les plantes témoins. Dans la même période, une autre biologiste Dorothy RETALLACK , entreprit des travaux analogues sur les effets de la musique sur les plantes. Elle aboutit à des résultats étonnants, reçus avec scepticisme par le monde scientifique, que la musique orientale avait un effet important sur les plantes et pourrait accélérer considérablement le rythme de leur croissance. Dans les années soixante dix les canadiens P. WEINBERGER et M. MEASURES ont fait le constat identique sur la croissance des plantes de blé d'hiver. Ils concluent que la majoration de poids est tout à fait significative à une fréquence de 5 Kilohertz pour une intensité sonore de 92 décibels, mais qu'un dépassement de ce seuil produirait un effet inverse. En 1993, Joël STERNHEIMER, s'est appuyé sur des éléments de physique quantique pour établir un phénomène de résonance et déterminer des « ondes d'échelle » qui harmonisent le processus de synthèse de la protéine dans l'organisme où il se produit. Deux jardins, l'un « musical » et l'autre témoin sont plantés de tomates. L'expérience a abouti à un résultat significatif. Les tomates du jardin musical sont presque trois fois plus nombreuses. S'appuyant sur la même méthode , l'expérience fut transposée par Pedro FERRANDIS dans l'activité boulangère. Des pains furent soumis à la stimulation musicale pour être comparés, avant d'être enfournés à des pains témoins. Une importante différence de volume a alors été constatée. Même le goût des « pains musicaux » a été plus nettement apprécié par des personnes dont l'avis a été sollicité en aveugle. A la fin du chapitre une idée avait muri dans son esprit. Dans un pays gâté par la nature où les terres sont à peine sollicitées, où l'Etat depuis de nombreuses années a consenti des efforts considérables. Que faut-il encore pour obtenir quelques résultats ? Des programmes de soutien, de relance, de renouvellement, d'accompagnement ont englouti des sommes considérables sans changement notable. La production est encore loin de répondre aux besoins d'aujourd'hui. Que faut-il initier comme autre levier ? Dans la mesure où la propension à l'effort est bien faible. La musique ne peut-elle nous venir en aide ? Ne pouvons-nous concevoir et interpréter des mélodies à nos champs , faute de les travailler ? Ne pouvons-nous organiser des sérénades dans nos boulangeries pour accroitre nos rendements ? La pérennité de notre consommation vaut bien un concert. Il se met à imaginer les gens organisés en cliques et se rendant aux champs brandissant leurs instruments. Pourquoi ne pas inventer un air sur l'une des premières fables apprises par les enfants de son âge : Le laboureur et ses enfants: Chantez, goutez au rythme C'est le fonds qui manque le moins. Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine Fit venir ses enfants, leur parla sanstémoins. Gardez-vous, leur dit-il de vendre l'héritage Que nous ont légué nos parents Un trésor est caché dedans Je ne sais pas l'endroit mais seul le forage Le fera trouver, à certain d'entre vous Remuez, chantez dés qu'on aura fait l'Août Grattez, soufflez, battez ne laissez nulle basse Ou le son ne passe et repasse Le père mort, les fils, de musique inondèrent le champ,Deçà, delà, partout, si bien qu'au bout de l'anIl en rapporta d'avantage D'argent point de caché, mais le père fut sage De leur montrer avant sa mort Que la vocalise est un trésor. (1) Jean-Marie PELT : Les Langages Secrets de la Nature - Paris , Fayard 1996. |
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