Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'AMERIQUE DE FOX

par K. Selim

C'est un symbole éloquent de l'évolution politique de l'establishment politique américain que la «promotion» de la chaîne de télévision d'extrême droite Fox News au premier rang des sièges de la salle de presse de la Maison-Blanche. Il est lourd de sens.

 L'Association des journalistes accrédités à la Maison-Blanche a attribué le siège laissé vacant par Helen Thomas, chassée pour blasphème anti-israélien, à l'Agence de presse AP, qui a rétrocédé le sien à une chaîne de télévision caricaturalement antimusulmane et anti-arabe.

 Dans le pays de la liberté d'expression, les médias sont étroitement contrôlés par des puissances d'argent dont le néoconservatisme est le credo idéologique. Le jeu de chaises musicales dont la première victime fut la doyenne Helen Thomas. Celle dont les déclarations, très justes sur Israël, lui ont valu une excommunication majeure. Ces faits sont révélateurs de l'hégémonie d'un courant de pensée qui traverse les partis démocrate et républicain et qui, de George W. Bush à Barack Obama, oriente effectivement la politique étrangère des Etats-Unis.

 Le néoconservatisme est l'expression politique d'intérêts qui s'articulent autour du libéralisme dans sa version la plus extrême, du soutien primordial à Israël et du recours au rapport de force militaire dans l'ensemble des zones qui contestent l'ordre américain. L'alliance des dirigeants et des actionnaires des multinationales, relayée par une partie importante des évangélistes américains et du lobby israélien, constitue le socle, financièrement très puissant, de ce courant qui, au fil des ans, a submergé les élites américaines.

 Les églises évangélistes, une série de mouvements sectaires fondés sur une religiosité de combat, fort éloignés des églises traditionnelles, témoignent depuis longtemps d'une vraie vindicte à l'endroit de l'Islam, représenté comme la religion ennemie par excellence. Les évangélistes en mission de propagation en Afrique voient en effet tous leurs efforts contestés et affaiblis par une dynamique d'islamisation qui bat en brèche tous leurs efforts. Les discours enflammés d'un de leurs leaders, le pasteur John Hagee, prônant ouvertement la guerre à l'Islam, sont représentatifs de ce néoconservatisme dans sa déclinaison religieuse.

 La montée en puissance de cette idéologie, qui bouscule le vieux parti républicain, est dominée par les théories radicales incarnées par le publiciste Rush Limbaugh et se retrouve dans le mouvement raciste et populiste du «Tea Party».

 Face à cela, l'opinion progressiste et humaniste américaine est presque sans voix. De nombreux Américains sont à la fois consternés et effrayés par l'évolution de leur pays et de la dégradation de son image internationale.

 Mais, pour être nombreux - l'élection de Barack Obama l'a montré -, ils ne disposent pas des moyens de réagir efficacement à la prise de pouvoir par des extrémistes qui ont réussi à imposer leur credo comme norme de pensée officielle. La controverse sur l'édification d'une mosquée à «Ground Zero», le site des deux tours détruites par l'attentat du 11 septembre 2001, témoigne de l'âpreté de la guerre idéologique en cours aux Etats-Unis.

 La Ligue anti-diffamation (ADL), un des instruments du gouvernement israélien à Washington, s'oppose à la construction de cette mosquée, confirmant, s'il en était besoin, que l'ennemi n'est pas le terrorisme islamiste ou non mais bien l'Islam tout court. L'enjeu central n'étant évidemment pas de nature confessionnelle mais bien dans le soutien absolu aux thèses israéliennes.

 Dans ce contexte, la «promotion» d'un média de propagande aussi vulgaire que Fox News à un statut de respectabilité journalistique et la diabolisation d'une authentique professionnelle de l'information comme Helen Thomas sont dans l'ordre des choses.