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La France semble avoir mis le paquet pour libérer un de ses
ressortissants, otage depuis le mois d'avril dernier d'un groupe d'Al-Qaïda au
Maghreb islamique (Aqmi). Que la France manifeste son inquiétude pour un de ses
ressortissants enlevé par un groupe terroriste est admissible. Qu'elle soit
épaulée, techniquement, par les Etats-Unis dans une opération militaire au Mali
et en Mauritanie est, par contre, difficilement acceptable.
Car l'opération déclenchée jeudi par le ministère français de la Défense au Nord Mali et en Mauritanie pour libérer Michel Germaneau, aux mains des terroristes d'Aqmi, sonne curieusement comme une ingérence militaire, à quelques encablures des frontières de pays souverains. C'est comme si, dans cette partie de l'Afrique, il n'y a ni souveraineté nationale, ni ordre, ni loi. Une sorte de Far West à l'africaine, où des bandes criminelles se sont retranchées en faisant des enlèvements d'Européens leur «bizness» et que la cavalerie (française) ne trouve aucune gêne à aller débusquer. Ce qui se passe actuellement au Nord Mali, où des troupes d'élite françaises sont en train de mener une opération pour la libération d'un otage, est tout simplement un dangereux interventionnisme militaire qui menace autant la vie de cet otage que celle des trois autres, de nationalité espagnole. Mais, au-delà de la vie de ces personnes, c'est une menace contre tout le programme de coopération militaire conclu au sein des ensembles régionaux pour lutter contre le terrorisme au Sahel. Un tel aventurisme a déjà fait d'énormes dégâts dans la gestion et le containement du phénomène terroriste dans cette région. Paris avait en fait «grillé» tous les efforts des Etats parties à la convention de lutte contre le terrorisme au Sahel, en allant négocier en hiver dernier directement avec les terroristes pour la libération d'un de ses agents contre l'élargissement par le Mali de dangereux membres d'Aqmi. La France aurait même versé une rançon aux terroristes, alors même que ceux-ci détenaient trois otages espagnols et avaient décapité l'Anglais Edwin Dyer en juin 2009. La France semble aller vers un bras de fer avec Madrid, inquiet du sort de ses ressortissants, toujours aux mains d'Aqmi. Car pour Paris, l'élimination du terrorisme est le cadet de ses soucis, et seul compte la libération de ses ressortissants, même en offrant la liberté à des criminels dangereux et en leur donnant de l'argent pour s'approvisionner en armes de guerre pour inquiéter et menacer la stabilité des Etats de la région. Faut-il dans ce cas saluer le geste des travaillistes britanniques qui avaient refusé de capituler devant les exigences d'Aqmi, quitte à sacrifier la vie d'un citoyen de la Couronne ? Dans cette affaire, les Américains, eux, préfèrent le soutien à l'action directe. Mais que l'on ne s'y trompe pas : ils restent fondamentalement favorables, et d'ailleurs ils sont les parrains historiques de l'interventionnisme militaire partout dans le monde. Maintenant, il faut faire la part des choses : la lutte contre le terrorisme ne signifie nullement des opérations stériles «coups-de-poing» justes bonnes pour des périodes électorales, alors que le fond du problème est ailleurs. Dans la gestion même de la sécurité intérieure d'Etats africains souverains, dont l'autorité est ainsi bafouée par des actions à la «desperado» stériles et infructueuses politiquement, diplomatiquement et militairement. |
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