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Protester est un
acte de vitalité. Encore faut-il que ce qu'on revendique ait un sens.
Un drame a eu lieu le 29 juin à Birkhadem. Un homme qui, tentait de traverser la route, celle qu'on appelle l'autoroute de Blida, a été fauché par une voiture qui roulait à vive allure, à hauteur du quartier de Djenane Sfari. Le choc a été très violent, et l'homme est mort sur le coup. Sur les routes d'Algérie, ce type d'évènement est devenu d'une terrible banalité. Selon les statistiques officielles, les routes d'Algérie sont parmi les plus meurtrières du monde. Le pays enregistre autant de morts sur les routes que certains pays développés, qui ont pourtant dix fois plus de véhicules. Mais à Birkhadem, l'affaire n'en est pas restée là. Peu après l'accident, des habitants des quartiers environnants ont bloqué la circulation sur cet important axe routier. Ils entendaient, par leur geste, protester contre la répétition de ces drames, et réclamer l'aménagement de voies de passage nécessaires pour éviter ce genre d'accident. Cette manière de protester est toutefois gênante. Elle porte sur une revendication illégitime, erronée, ou franchement absurde. Car au-delà du drame, la protestation organisée à Birkhadem donnait l'impression de légitimer l'acte de traverser à pied une autoroute ! Sur place, les protestataires ont affirmé revendiquer la construction de passerelles. En réalité, il est possible de vérifier sur les lieux qu'il y a plusieurs possibilités de se rendre de Djenane Sfari vers Birkhadem sans traverser l'autoroute : il y a plusieurs passerelles opérationnelles, et une nouvelle en construction. La vérité est brutale, déplaisante, mais on ne peut l'occulter : les piétons victimes d'accident sur l'autoroute, à Birkhadem ou ailleurs, sont d'abord victimes de leur inconscience et de leur propre faute. On le voit chaque jour, avec ces scènes stupides, devenues banales, où des personnes traversent des voies à circulation rapide en slalomant entre les véhicules. Nombre d'entre eux justifient ce comportement inconscient par l'absence de voies d'accès. C'est un discours démagogique, qui mène jusqu'à l'absurde. Ainsi, il y a un an, la population a organisé un rassemblement de protestation près de Boukadir, dans la wilaya de Chlef, à la suite de la mort d'un jeune homme fauché par un train. Un très sérieux quotidien national a rapporté que la protestation a porté ses fruits, puisque des négociations ont été engagées avec la SNTF qui a accepté de réduire la vitesse de ses trains dans cette zone ! Il est difficile de faire mieux dans l'absurde. Et d'éviter la dérive était, car l'administration était partie dans une démarche erronée, basée sur un postulat non fondé : les accidents de la circulation sont dus au comportement exclusif des automobilistes. C'est donc contre eux qu'il faut sévir. De là, cet acharnement législatif qui a rendu la conduite automobile extrêmement ardue, avec des sanctions si peu adaptées qu'elles suscitent la colère des conducteurs. En parallèle, les autorités locales s'acharnent à mettre des ralentisseurs, les fameux dos d'âne, partout. Les voies express, les grands boulevards, et même certains tronçons d'autoroute, n'ont pas été épargnés. Dans les faubourgs d'Alger, on a recensé jusqu'à huit ralentisseurs sur deux cents mètres, dans des rues où la configuration géographique ne permet pas de dépasser les quarante kilomètres à l'heure. Cette démarche laisse peu de place au civisme et au sens de la citoyenneté. Il est rarement fait appel à l'intelligence du conducteur. On préfère le mettre sous pression, ce qui l'amène à multiplier les fautes. C'est ensuite l'engrenage, avec une administration qui cherche de nouvelles mesures répressives. L'absence de débats mène les autorités à une sorte d'autisme : si les résultats sont bons, c'est que la répression à donné ses fruits. S'ils ne le sont pas, c'est parce qu'il n'y a pas eu assez de répression. C'est l'aveuglement autoritaire, qui amène n'importe quel pouvoir à manquer totalement de discernement. Et qui l'amène à se féliciter de ses erreurs, et à faire une lecture erronée de la réalité. Ainsi, la baisse de 12 pour cent des accidents de la circulation enregistrée depuis un an a-t-elle été attribuée aux mesures contenues dans le nouveau code de la route. Ce qui est faux. La baisse du nombre d'accidents n'est pas le résultat du code de la route, mais c'est simplement l'effet autoroute. Un examen sérieux aurait montré qu'une partie du trafic routier a été transférée vers l'autoroute, où le nombre d'accidents pour 1.000 véhicules est sept à huit fois moins élevé que sur les autres routes. A cet effet autoroute, s'ajoute le désengorgement des routes nationales, où le nombre d'accident a fortement diminué en raison de la baisse du nombre de véhicules qui y circulent. Personne n'osera attirer l'attention de Monsieur le Ministre sur ces erreurs d'appréciation. Ce qui débouche sur un cocktail étonnant, fait de mauvaises décisions, basées sur une mauvaise évaluation, une lecture erronée des statistiques et une incapacité de l'administration à sortir de l'engrenage de ses erreurs. Et quand le pouvoir verse dans l'absurde, il est difficile de convaincre le simple piéton qu'il n'a pas le droit de traverser l'autoroute à pied. |
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