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Mazette, mais quel bilan ! Trois ans après son élection, Nico las Sarkozy
doit être fier de lui car chaque jour qui passe fait ressembler son pays à un
terrain de bataille. Après mai 2007, on devait voir ce que l'on devait voir.
Nous sommes fixés et je pense à certains de mes camarades plumitifs qui, à
l'époque, me reprochaient mon «parti-pris sectaire contre Sarko». Aujourd'hui,
ils ne savent plus à quel saint se vouer et se demandent même s'ils vont voter
pour Bayrou ou Villepin? Alors que le feuilleton dilatoire autour de l'équipe
française de football s'épuise peu à peu malgré tous les efforts des
communicants amis de l'Elysée pour le relancer, on se rend soudain compte qu'il
y a, comme qui dirait, une odeur d'œuf pourri dans le royaume de France. A dire
vrai, cela fait déjà plusieurs semaines que les scandales éclatent les uns
après les autres et tout cela sur fond de crise économique qui, elle aussi, ne
semble guère vouloir se calmer.
Jugez donc : un ministre qui se fait payer ses stocks de cigares par les contribuables, un autre qui affrète un avion privé pour plusieurs milliers d'euros alors, qu'au même moment, il n'est officiellement question que d'austérité et de contrôle des dépenses publiques. La liste des atteintes à l'éthique est bien fournie car chaque jour apporte son lot d'informations sur d'autres prédations : une secrétaire d'Etat qui met son logement de fonction à la disposition de sa famille, un autre qui cumule les appartements à l'heure où il faut débourser 700 euros mensuels, parfois le double, pour une misérable chambre de bonne. Que de beaux exemples, et encore n'est-ce que la partie visible de l'iceberg? Et puis, il y a cette affaire Bettencourt. Quelle pantalonnade ! Il y a des moments où l'on en arrive à se demander si l'on vit cela en France ou si une main invisible ne nous a pas transportés dans une quelconque dictature d'Afrique ou du monde arabe. Rassurez-vous, je ne vais pas essayer de vous résumer cette sordide empoignade où une mère et sa fille s'étripent comme on sait si bien le faire dans les grandes familles. En réalité, cette histoire n'a d'intérêt que parce qu'elle lève (un peu) le voile sur les pratiques d'une République qui n'est finalement pas si éloignée que cela de l'Ancien régime. De quoi s'agit-il ? Tout simplement d'histoires étonnantes de fraude fiscale, de conflits d'intérêts manifestes entre des représentants du pouvoir politique, une milliardaire, et le monde bien discret des conseillers fiscaux et des gérants de (grandes) fortunes. Bien sûr, rien ne prouve, pour le moment, que la campagne électorale de Nicolas Sarkozy a été financée par des enveloppes d'argent liquide en provenance de riches bienfaiteurs dont ferait partie madame Liliane Bettencourt. Pour autant, on sent bien que la presse, à commencer par le site Mediapart, a des biscuits solides et que l'affaire n'en est peut-être qu'à son début. A bien y regarder de près, on a d'ailleurs l'impression de revivre l'époque où c'était le parti socialiste qui était ébranlé par des scandales à propos de ses financements illégaux. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il y a bien eu mélange des genres. Dans un gouvernement sérieux et soucieux de ne donner prise à aucune attaque, le trésorier d'une campagne électorale et d'un parti présidentiel ne devrait pas être nommé au poste de ministre du budget surtout lorsque son épouse conseille de riches contribuables sur la manière de valoriser au mieux leur patrimoine. Cela semble tellement évident que l'on se demande pourquoi cela n'a pas provoqué de polémique auparavant. Pour autant, cela ne semble pas poser de problème au gouvernement dont certains membres s'étonnent même que l'on puisse tiquer à cause de cette proximité entre un ministre de la République et de gros contribuables. Depuis son élection, Nicolas Sarkozy n'a pas cessé d'offrir des cadeaux aux riches par des baisses d'impôts successives qui, loin de relancer l'économie, ont aggravé les déficits publics et augmenté la précarité des ménages modestes. C'est l'ombre du bouclier fiscal qui plane derrière le cas Woerth. C'est le mur de l'argent qui se dresse en perspective des chamailleries partisanes et des commentaires sans fin à propos de la nécessaire démission de ce ministre de Sarkozy. Plus qu'une simple crise politique, c'est bien une crise morale que traverse la droite française. Une crise où le comportement de nombre de ses dirigeants apparaît pour ce qu'il est : intéressé, faisant fi des lois et de l'intérêt général au profit d'une minorité de privilégiés. Et si cela arrive, c'est aussi parce que l'exemple vient d'en haut. Souvenons-nous de la soirée au Fouquet's ou de la virée dans le yacht de Bolloré. Comment peut-on reprocher à tel ou telle ministre de permettre à ses frères et sœurs de profiter d'un logement de fonction quand c'est le président lui-même qui cherche à placer son fils à la tête de l'établissement d'aménagement du quartier de la Défense ? Certes, le bling-bling a disparu des écrans de télévision et des manchettes des journaux, qu'ils soient people ou non. Mais derrière les rideaux, rien n'a changé. Le pouvoir français actuel reste fasciné par l'argent. Il est l'ami des milliardaires y compris ceux qui se sont exilés en Suisse ou en Belgique pour ne pas payer d'impôts dans un pays qui leur a permis de s'enrichir. C'est un pouvoir qui admet que le fisc puisse restituer 30 millions d'euros à l'héritière de L'Oréal et qui taille sans ciller dans les dépenses sociales au nom de la lutte contre les déficits. Entre 1924 et 1926 puis entre 1936 et 1938, la France a été gouvernée par la gauche (Cartel des gauches puis Front populaire). A chaque fois, les pouvoirs politiques se sont retrouvés déstabilisés par le monde de la finance. Cette confrontation violente a donné naissance à une expression, celle du «mur de l'argent». Elle a été utilisée pour la première fois par le président du Conseil Edouard Herriot pour dénoncer les lobbies qui furent à l'origine de la chute de son gouvernement en 1925. Aujourd'hui, le mur de l'argent est plus que jamais présent et puissant mais, chose nouvelle, le pouvoir politique est désormais son allié quand il n'est pas tout simplement son obligé. |
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