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A l'occasion du 5 juillet, on a plus parlé foot qu'histoire. Et c'est
tant mieux.
Fête de l'indépendance, devenue fête de la jeunesse, le 5 juillet est aussi la fête des généraux. La tradition algérienne a en effet établi cette date pour marquer la promotion de nouveaux officiers supérieurs, ceux qui sont appelés à devenir les patrons de l'institution militaire, et donc du pays, pour les années à venir. On mesure, à cette occasion, le rapport de forces, on dissèque le profil des nouveaux promus, pour savoir dans quel sens va tourner le vent. Mais le 5 juillet 2010 a quelque peu changé la tradition. Non parce qu'il n'y aurait pas eu de nouveaux généraux-majors. La nouvelle cuvée est bien là, et on y trouve le nom de Mehenna Djebbar, un homme clé de la décennie 1990. Il y a eu aussi une tentative timide d'associer les jeunes à la fête, mais cela s'est terminé en queue de poisson. A la fois à cause du manque d'enthousiasme, de la mauvaise organisation, et de la pudeur à fêter un évènement au moment où le chef de l'Etat perdait un de ses frères. A différents niveaux de l'administration, on ne savait tout simplement pas s'il fallait fêter l'évènement ou non. Cela a donné un curieux 5 juillet, avec beaucoup de mots et peu de signes de fête. Comme si le cœur n'y était pas. Ou que les gens avaient la tête ailleurs. Entre ceux qui attendaient les résultats du bac, et ceux qui étaient branchés sur la coupe du monde de football, l'Algérie ne s'est guère aperçue que la fête a été ratée. Et c'est presque un soulagement qu'on n'ait pas parlé de choses sérieuses à l'occasion du 5 juillet. Pour une raison très simple : le pays ne sait plus comment aborder les sujets délicats. Tout sujet soumis à débat est happé par une spirale, une sorte d'engrenage négatif, et aboutit à la destruction des symboles et des institutions du pays. La polémique autour du livre de M. Saïd Saadi sur le colonel Amirouche en est une très bonne illustration. Au départ, il s'agissait d'un homme, un colonel de la guerre de libération, qui a tout sacrifié pour son pays. Y compris les siens. Un homme politique s'en est emparé, et l'a utilisé pour donner une lecture partiale de l'histoire, portant de graves accusations contre d'autres hommes illustres de la guerre de libération. Il s'en est suivi un déballage indigne, avec des accusations infamantes, portées sans aucun début de preuve, pour finalement porter atteinte à la mémoire d'hommes qui ont probablement commis beaucoup de fautes, mais pas celles dont on les accuse. Que le MALG et ses héritiers soient devenus, avec le temps, une machine de prise du pouvoir puis de maintien d'un pouvoir autoritaire, cela ne fait guère de doute. Imputer au MALG et à ses héritiers une lourde responsabilité dans la situation du pays peut parfaitement se défendre. Dire que le maintien sous séquestre des corps de deux héros de la révolution pendant vingt ans relève du crime et de la bêtise n'est pas contestable. Mais accuser le MALG de crimes commis et revendiqués par le système colonial laisse perplexe. Jusqu'au moment où l'argument suprême est brandi : les erreurs des autres sont des crimes, ceux des hommes de ma tribu relèvent de la bravoure. Il suffit d'aller dans le clan adverse pour entendre le même discours, mais inversé. Comme cet ancien chef d'état qui accusait Abane Ramdane d'être un traître, en citant précisément le témoignage du colonel Amirouche. Ou ces scribes qui, en voulant défendre Houari Boumediene, le présentent comme un membre d'une secte ou, au mieux, comme le chef de cette secte. Cela s'appelle l'échec de l'état. Un état incapable de défendre la mémoire Houari Boumediene ! Mais comment le peut-il quand le représentant de cet état se vante d'avoir conclu un traité de paix entre deux tribus ? Et ce représentant de l'Etat n'est pas n'importe qui. C'est le ministre de l'Intérieur, M. Daho Ould Kablia, président de l'association de cet envahissant MALG. Il s'est rendu à Berriane, pour réunir les représentants de communautés devant lesquelles il a reconnu que l'Etat n'avait plus le monopole de la loi, et que des entités officieuses pouvait négocier et conclure des accords juridiques. A la décharge de M. Ould Kablia, il faut juste rappeler que le dialogue avec les archs a été engagé bien avant. Et que le pouvoir a, depuis, longtemps, travaillé méthodiquement à créer des interlocuteurs archaïques, au lieu de pousser à l'émergence de d'organisations modernes, associations et partis. Cela lui permet d'éviter le dialogue avec des représentants d'institutions modernes, une manière comme une autre de maintenir un pouvoir archaïque. Mais cela mène aussi à une régression institutionnelle qui a entraîné avec elle des partis et des personnalités supposées brillants. Tous comptes faits, il était préférable, en ce 5 juillet, de parler de football. Et de commenter les résultats de l'équipe nationale, l'un des derniers éléments de fierté pour une écrasante majorité des Algériens. En période de dépression, une polémique sur le maintien de Rabah Saadane et les mérites de Ghezal est moins nuisible pour le pays qu'un échange autour du rôle des uns et des autres pendant la guerre de libération. |
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