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«La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que
la conquête du nécessaire». Francis Bacon
Tout, généralement, peut commencer par un «centrage» au collège ou au lycée et c'est le début de la défloration de la vertu. On se promet de ne plus recommencer et on s'y habitue ; on prend goût à l'amertume du bien mal acquis. On pourrait, ensuite, considérer ce travers comme une fatale addiction comme celle de fumer ou de se shooter à la came. Le besoin de mystifier devient, de plus en plus, recherché ; on s'évertue, même, à innover dans le binôme «faux et usage du faux». On pense, généralement, que son lit a été préparé par l'administration ; oh que non ! Les champs majeurs de son apparition, ont bien été l'école, la kasma locale des Moudjahidine et le cabinet médical et pour cause. Aux toutes premières années de l'indépendance, on n'exigeait généralement pas de qualification professionnelle adossée à un titre ou diplôme, mais à un niveau d'instruction générale confirmé par un certificat de scolarité. La priorité dans l'embauche était, naturellement, accordée aux Moudjahidine et ayants droits. Quant à la qualité de membre de l'ALN ou de l'OCFLN, il suffisait de deux témoins es qualité pour témoigner du militantisme de l'un ou de l'autre. L'arrière pensé, n'était nullement de glorification ou d'honneur patriotique mais pour les dividendes matériels à en tirer. La seule et unique manière d'en profiter «honnêtement», c'était les séquelles de la guerre ou de la détention qu'il fallait faire prévaloir. La commission de réforme instituée, à cet effet, dans chaque wilaya, a constitué le Radeau de la méduse du faux et de l'usage du faux. A la seule présentation d'une fiche d'imputabilité des séquelles à la Guerre de libération nationale, on gratifiait le porteur d'un taux médicalement majoré d'invalidité. Gare au médecin qui ne s'inscrivait pas dans cette ligne de bonification. Il est vrai, que le corps médical algérien encore en formation, n'a pas historiquement participé à la curée. La coopération médicale étrangère, a été le principal véhicule de l'imposture. Le défunt docteur Ahmed Benattalah, premier responsable des services de santé et président de la Commission ad hoc de réforme d'une wilaya qu'il n'est nul besoin d'évoquer, a rencontré les pires difficultés pour faire admettre aux responsables politiques de l'époque, que la mission du médecin consiste à constater le préjudice corporel ou mental et d'en évaluer l'impact sur la vie du présumé invalide. Il est, parfois, arrivé de débusquer des porteurs présumés de séquelles dévirilisantes par un simple coup d'œil à la fiche familiale de la descendance post guerre. Ce cadre moralement intègre a, malheureusement, subi toutes sortes de pressions qui ne disait pas souvent leur nom. Il a terminé, une carrière flamboyante, avec un salaire le médecin de santé publique. La fonction supérieure, ne lui a, jamais, été reconnue. Après l'embauche, on cherche à faire le moins d'effort possible. En plus du grignotage dans l'horaire réglementaire, on pioche dans l'exceptionnel et qui mieux que le médecin, peut nous dispenser de nos tâches professionnelles ? De bonne ou de mauvaise foi, le prescripteur de l'arrêt de travail est devenu une autorité en la matière et rares les employeurs qui osent aller à l'encontre de la saignée ; car s'en été une. Il y avait, même, des prises de position tranchées, quand le faux et son usage étaient confondus. La simple addition des journées d'arrêt de travail pour raison médicale, peut produire des années d'immobilisation de la machine humaine. Il est aussi possible que l'invalidité peut être justifiée, mais, elle est mal évaluée et par conséquent exagérée. On accorde, en moyenne, 7 à 8 jours quand celle-ci ne nécessite que 3 jours à peine. L'inflation, dans ce cas précis, est plus qu'évidente. Le recours à l'arrêt de travail pour raison médicale, est devenu un us que d'aucuns, si ce n'est pas la majorité de la société, qui en use et en abuse. L'employeur, lui-même, incite parfois le quémandeur d'une permission, pour moult raison, d'absence à produire le sésame pour se voir libéré. Une expérience didactique, tentée dans les années quatre vingt par un employeur, a fait chuter le volume des journées non travaillées de moitié par le simple relevé général et dont on faisait retour aux prescripteurs. L'idée première ne consistait pas à contraindre, mais à faire toucher du doigt la gravité d'un geste qui, somme toute, était une attribution réglementaire et ne souffrant d'aucune équivoque. Ce pouvoir, car s'en est un, peut générer des retombées incommensurables dans la mesure où l'on n'en saisit pas la portée. Et, c'est justement là, où l'éthique professionnelle doit trouver toute sa plénitude. Le praticien médical qui ne détient aucun pouvoir politique ni régalien est, le seul avec le président de la République, à éviter la peine capitale à un condamné. Lui, par la certification de l'irresponsabilité mentale de l'individu et l'autre par le pouvoir de grâce que lui confèrent ses attributions constitutionnelles. L'errance, a été ensuite entretenue, par le fait divers. Mitée, par quelques cas isolés tout au début, la vie quotidienne devient de plus en plus émaillée par l'usage du faux. Il s'est érigé en besoin social qui s'est crée son propre marché informel. On peut encore acheter un faux vrai certificat de résidence ou un permis de construire ou de conduire. Les services des cartes grises sont encore éclaboussés par des scandales retentissants ; ceux ci entament directement dans l'épaisseur de l'économie du pays en alimentant, des réseaux de trafiquants de véhicules, par des documents officiels. L'appât du gain et la faible immunité des services d'Etat civil et du greffe judiciaire, ont fait chuter, parfois, ces deux citadelles supposées être inexpugnables. La longue hibernation de l'étude notariale, a permis à l'acte administratif d'être impunément « cloné ». Le papier timbré, l'attestation sur l'honneur, le faux témoignage n'ont malheureusement pas encore vécu ; leurs conséquences persistent jusqu'à ce jour, confortant le vrai à partir du faux. Ils ont ouverts de larges boulevards dans la crédibilité de l'administration-institution. Le préjudice, est malheureusement encore patent. La résurgence des études notariale et huissière, n'a pas encore tout réglé. La moralisation du secteur, au vu des seules transactions immobilières qui brassent journellement des masses financières mirobolantes, reste encore à consolider. Le chant des sirènes, réussit encore à attirer des multitudes de véreux sur les récifs du faux et se son usage. Tout peut être contrefait, l'antique corrector qui permettait de dissoudre l'encre calligraphique a été avantageusement supplanté, pour ne voir que du feu, par la scannographie de n'importe quel document dut-il être l'inimitable billet de banque ou le mirifique visa consulaire. |
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